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    Le Baphomet par Bernard Marillier

    Image de Baphomet
    Image de Baphomet

    Dans le domaine des « mystères templiers », le fameux Baphomet est sans nul doute celui qui a le plus excité l'imagination de générations d'auteurs et donné lieu à un nombre considérable d'hypothèses astucieuses, surprenantes ou encore totalement délirantes. Précisons d'abord que la question du Baphomet fut au centre du dernier chef d'accusation porté contre le Temple, puisque les Templiers étaient censés lui rendre un culte plus ou moins « démoniaque », en tout cas non chrétien, faisant d'eux des idolâtres, ce qui ne pouvait que les conduire à une mort certaine (cf. B. Marinier, B.A.BA des Templiers). Notons ensuite que ce terme n'a jamais été prononcé par les accusateurs ni par les Templiers, mais seulement sous sa forme adjectivale baphométique ou bafométique.

    Le fait en revient à un frère occitan de Montpezat, Gaucerant, qui avoua avoir adoré une « image bafométique » qui, en langue d'oc, est une déformation de Mahomet, comme le prouve un poème de 1265, Ira et Dolor, E Bafomet obra de son goder, « Et Mahomet fait briller sa puissance ».

    Ce frère devait ignorer que l'islam prohibe le culte des images et la représentation de Dieu, ce qui n'empêcha pas les accusateurs d'y voir une « preuve », de l'adoption par le Temple de rites musulmans. Le témoignage du frère Gaucerant n'en fut pas moins à l'origine d'un malentendu qui permit aux auteurs et occultistes des siècles suivants de bâtir le terme « Baphomet », donnant lieu à tous les fantasmes possibles et imaginables.

    Dès lors, plusieurs étymologies furent proposées: Baphe-métous, baptême de sagesse; Bios-phos-métis, vie-lumière-sagesse; Bapho ou Bafo, nom d'un port de Chypre dont le Temple fut très peu de temps le propriétaire; Abufihamat, corruption de l'expression arabe « le Père de la compréhension », ou encore de l'arabe Ouba el-Phoumet, « la bouche du Père »; etc.

    Dans les témoignages, le Baphomet est proche d'une tête ou d'un buste reliquaire dont la détention par les Templiers est attestée, ce qui permit, par amalgame, d'établir l'accusation d'idolâtrie (procès-verbal d'avril 1310): « Ils adoraient ces idoles ou cette idole.
    Ils la vénéraient comme Dieu [...], spécialement dans leurs grands chapitres [...].
    Ils disaient que cette tête pouvait les sauver.
    Les rendre riches.
    Qu'elle donnait à l'Ordre toutes ses richesses.
    Qu'elle faisait fleurir les arbres.
    Qu'elle faisait germer [...] ».

    Le premier témoignage qui parle d'une tête est celui du frère Larchant (octobre 1307) qui dit l'avoir vue à Paris, précisant que les frères l'adoraient, la baisaient et l'appelaient leur Sauveur.

    Sa forme diffère. Elle est tantôt masculine, jeune ou vieille, avec des cheveux noirs et crépus ou blancs et lisses, parfois couronnée, imberbe ou barbue; tantôt féminine à « la semblance d'une fée ou de la Vierge »; elle peut avoir deux ou trois faces. Certains témoins la disent hideuse et noire comme « la face d'un infidèle », c'est un maufé (un diable ou diablotin), aux dires de Radulphe de Gisy, avec des yeux brillants, provoquant une grande frayeur, mais elle est parfois angélique et androgynale.

    Ses formes animalières ne sont pas rares: têtes de bouc, de bélier, de boeuf ou de chat noir qui parlent la langue des hommes, rendant des réponses et des oracles.

    De même, la matière est variée: en bois, parfois doré, en os, en or, en argent, en vermeil, recouverte de peau humaine fripée à la manière d'une momie égyptienne, ou encore être une peinture ou une statue.

    Parfois, c'est une vraie tête humaine. En fait, la quasi-totalité des frères avouait l'avoir très peu vue, l'avoir mal vue ou l'avoir vue de loin, car elle était souvent exposée dans un lieu clos et sombre, et parfois recouverte d'un voile. Beaucoup disaient avoir seulement entendu parler d'une « idole », mais ne l'avoir jamais vue.

    Si l'on écarte les têtes animalières « démoniaques », propres à la mentalité démonologique du Moyen Age, « l'idole » en question renvoie à une double réalité mythico-initiatique d'origine indo-européenne et païenne.
    La première phase était constituée par le « rite de la tête coupée », rite qui s'ensource dans tous les mythes qui se rattachent à la Tradition primordiale.
    Il n'est que de citer la tête de la Gorgone Méduse tranchée par Persée chez les Grecs, les têtes que les Celtes enlevaient à leurs ennemis morts, qu'on retrouve abondamment dans le cycle du Graal, celle de Brân enterrée dans la Colline blanche de Londres, la tête prophétique de Mimir chez les Nordiques, celles de Goliath, d'Humbada, de Curoi, etc.
    Le rite de la décollation est lié à une double initiation: en sectionnant le chef d'un ennemi - initiateur, le vainqueur - néophyte captait à la fois le mana contenu dans la tête et sa puissance spirituelle, et abandonnait son enveloppe de chair à l'Esprit.
    Le néophyte, par la récitation de formules et le jeu de scènes dramatisées, s'identifiait à la divinité, lui permettant d'opérer sa renaissance spirituelle en intime communion avec le divin.

    C'est à ce type de rite que les Templiers, du moins certains d'entre eux, furent soumis, mais dans un sens « chrétien » et en conformité avec la nature de l'Ordre.
    Loin d'être une « idole », la tête templière, probablement une tête postiche ou un masque, ou encore un vrai reliquaire, fut le centre d'un rite d'initiation de nature héroïco-solaire.

    Par le rite de la décapitation symbolique, les Templiers, à la fois moines et religieux, captaient l'esprit et la puissance spirituelle, se mettaient en phase avec le divin, et se préparaient à vaincre à la fois leurs ennemis visibles et invisibles, ceux qui gîtent au tréfonds de l'être, les plus redoutables.
    La seconde phase était constituée par l'émergence d'un univers intemporel et dramatisé à l'extrême de la conscience propre à chaque Templier - ce qui expliquerait les formes variées de la tête décrites par les témoins -, à l'irruption, sous une forme symbolique et à un moment donné du rite, d'une « figure subtile » supra-humaine et transcendante, d'un « daimon - démon », c'est-à-dire d'un génie lié à une réalité supérieure que le néophyte devait expérimenter et vivre comme une épreuve, une sorte de « second baptême » ou de catharsis de nature périlleuse aboutissant à la captation d'une Gnose, de la « Virgina Sophia » qui procurait, selon l'aveu même de certains Templiers, l'éternité, la gloire et la richesse, tout cela devant se comprendre sur un plan strictement spirituel (cf. B. Marillier, op. cit.).

    C'est donc par un véritable et complexe processus ésotérico-alchimique que passait le Templier, processus dont on pourrait trouver la confirmation, selon certains auteurs alchimiques, notamment Fulcanelli et Canseliet, dans le fait que le nom « Bapheus » peut se traduire par « teinturier » qui, dans la langue des alchimistes, veut dire fleurir, récolter, moissonner la « sève » vitale du feu spirituel.

    D'ailleurs, dans le but de prouver l'idolâtrie des Templiers, les accusateurs ont insisté sur les pouvoirs de la « tête baphométique » en déclarant qu'elle donnait l'immortalité, la richesse, la santé et qu'elle pouvait déclencher la germination et la floraison des végétaux (cf. supra). Ajuste titre, Fulcanelli note: « Le baphomet est l'image synthétique où les initiés du Temple avaient groupé tous les éléments de la Haute Science et de la Tradition » (Les Demeures philosophales).
    Sources: Image Jack Bocar
    Extrait du livre de Bernard Marillier: Essai sur la Symbolique Templière. Editions Prades



    Le Bophomet par Marion Melville

    Image de Baphomet
    Image de Baphomet

    L'explication la plus plausible de « l'idole des templiers » décrite assez souvent sous la forme d'une tête d'homme montée sur quatre pieds, est ce qu'il s'agissait en vérité d'un reliquaire, présenté â la vénération des frères. Mais encore fallait-il prouver l'existence de tels objets. Le reliquaire portable en bronze doré, fait pour conserver les reliques de Saint Jean l'Evangéliste, qui date du milieu du 12ème siècle (reproduit sur la couverture du bulletin) correspond exactement â l'image qu'on pourrait se faire du Baphomet, avec son air hautain, le rictus de sa bouche, ses yeux globuleux aux paupières lourdes, quoique ce soit probablement un portrait de l'empereur Frédéric Barberousse.

    Nous ne prétendons pas que ce reliquaire ait jamais appartenu au Temple, mais nous pensons qu'il peut être pris comme typique d'un certain style, d'une certaine formule artistique, et qu'il ne fût pas le seul de son espèce.Les templiers faisaient preuve d'un goût marqué pour les physionomies humaines dans le décor sculpté de leurs chapelles:
    les têtes gigantesques d'Athlit, les grotesques du Temple de Londres, les figures d'ange en cul-de-lampe â Coulommiers, les élus et les réprouvés de La Ferté Gaucher, pour ne citer que quelques exemples.

    On peut supposer que ce penchant s'étendait aux objets du culte, ce qui expliquerait l'existence d'un certain nombre de reliquaires en forme de tête, parfois â trois visages:
    ce serait alors d'un symbole de la Trinité, comme il en existe dans les églises orthodoxes. Mais pourquoi « Baphomet » ?
    Ce nom mystérieux, qui a suscité tant de fausses dérivations, n'est autre qu'une déformation du nom du Prophète, soit en provencal, soit en des textes émanant du Royaume Latins ou langue d'oc, langue d'oil et italien se mélangeaient pour former une lingua francs dans laquelle on trouve couramment bafomet et bafomeria pour Mahomet et mahomerie (mosquée).

    Deux frères-sergents du Temple, interrogés â Carcassonne en novembre 1307 ont parlé « d'une figure baphométique » (autrement dit, une idole mahométaine, ce qui est d'ailleurs un non-sens ; l'un d'entre eux ajouta que cette figure avait nom Yalla (Allah).

    Logiquement, le reniement dont on accusait les templiers aurait dû se terminer par une profession de foi islamique « lever le doigt et crier la loi », comme l'insinuait l'empereur Frédéric II, pour se venger de sa déconvenue lorsqu'il essaya de s'emparer de Château Pèlerin par trahison et fut pris à son propre piège. « Les templiers reçoivent les musulmans en amis et-participent à leurs rites, portes closes » écrivit-il aux rois de l'Occident. Mais à l'époque du Procès, le souvenir du siège d'Acre et du sacrifice du Couvent de l'Ordre tout entier était encore trop proche pour que cette imputation fût croyable, même chez le public le plus crédule. Il fallait trouver autre chose...

    « L'idole » apparaît pour la première fois comme une simple figure de rhétorique dans le texte rédigé par Nogaret au nom de Philippe le Bel, pour ordonner et expliquer l'arrestation massive des templiers de France. « Cette engeance immonde a délaissé la source d'eau vive, et remplace sa gloire par le Veau (d'or) et sacrifie aux idoles ».

    N'y a-t-il pas ici le souvenir d'une enluminure, « les hypocrites adorant le Veau d'or », première d'une série de peintures faites pour La Somme du Roi, manuscritcalligraphié à Pontoise en 1295, sans doute pour Philippe le Bel qui collectionnait les beaux livres et aimait montrer sa bibliothèque à son entourage. Comme le texte de Nogaret est censé être de la plume du roi, il y avait là une référence flatteuse poux l'érudition de Philippe.

    Dans les instructions données tant aux inquisiteurs qu'aux gens du roi sur la façon de mener l'enquête, l'idole devient un objet matériel « les templiers baisent et adorent une idole qui est en forme d'une tête d'homme avec une grosse barbe ». Mais il paraît par la suite que les inquisiteurs (sauf dans certaines villes du Midi) n'insistaient guère sur cette idolâtrie, même quand Hugues de Pairaud affirma « qu'il avait tenu cet objet entre ses mains dans un chapitre général à Montpellier, et que c'était une tête d'homme montée sur quatre pieds, deux du côté de la face et deux derrière. » (Comme le reliquaire-portrait de Barberousse.)

    En dressant la liste des cent vingt-sept chefs d'accusation présentée aux Commissaires pontificaux en 1310, Nogaret fit de l'idole le centre d'un véritable culte. « Les templiers en possèdent une dans chaque province, sous la forme d'une tête d'homme, à un ou à trois visages, qu'ils adorent dans leurs chapitres généraux ; ils croient que cette idole fait croître les richesses, fleurir les arbres, germer les moissons, et rend le bétail fertile ».

    Mais ici, les enquêteurs ecclésiastiques ne suivent plus du tout ; il était dangereux de remuer les cendres de certains cultes païens, et ils bornaient leurs questions aux accusations formulées en premier lieu: (le reniement, le crachat, les gestes obscènes, la sodomie, et l'idole dont la nature demeure indéterminée). Pour le reste, les témoins répondent « qu'ils n'en savent rien » et les Commissaires laissent tomber tout ce que Nogaret avait surajouté. Ainsi les gestes sacrilèges dont on accusait les templiers sont toujours vides de sens le reniement demeure un acte purement négatif, et l'idole un simulacre. Et ceci peut sembler d'autant plus remarquable du fait que la Commission pontificale réunissait des témoignages pour ou contre le Temple considéré comme entité corporative, et non contre les templiers individuellement.

    Pour terminer cet aperçu par une question peut-être frivole:« le serment des enfants pour jurer le secret »:
    « je fais une croix et je crache dessus »
    la polissonnerie des gamins:
    « baise mon... »
    sont-ils postérieurs au procès des templiers ou antérieurs ?
    Jusqu'à quel point Nogaret se moquait-il de son monde, pape, roi, inquisiteurs et victimes, en lançant le plus vaste et le plus cruel des canulars ?
    Sources: Image Jack Bocar
    Texte de Marion MELVILLE: Source du Giet bulletin Nº 7


    Graffiti de Dômme



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