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Règle française et Primitive de l'Ordre du Temple

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Règle primitive de l'Ordre

Le prologue

1. Nous parlons tout d’abord à tous ceux qui méprisent secrètement leur propre volonté et qui désirent servir avec courage la chevalerie du souverain roi et à ceux qui veulent accomplir et qui accomplissent, avec assiduité, la très noble vertu d’obéissance. Nous vous avertissons, vous, qui avez mené jusqu’ici la chevalerie séculière, en laquelle Jésus-Christ ne fut pas mis en témoignage, mais que vous avez embrassée par faveur humaine, que vous serez parmi ceux que Dieu a élus de la masse de perdition et qu’il a choisis, par son agréable pitié, pour défendre la Sainte Eglise afin que vous vous hâtiez de vous ajouter à eux perpétuellement.

2. Avant toute chose, que ceux qui sont chevaliers du Christ choisissent une sainte conversion dans leur profession, à laquelle il convient d’ajouter une grande diligence et une persévérance ferme, digne, saine et spirituelle, car il est reconnu que si elle est gardée avec pureté et durée, ils peuvent mériter d’avoir une place parmi les martyrs qui donnèrent leur âme pour Jésus-Christ. Dans cette religion, l’ordre de la chevalerie refleurit et ressucite. Cet ordre méprisait naguère l’amour de la justice, ce qui cependant appartenait à son action, et ne faisait pas ce qui lui incombait, qui est de défendre les pauvres, les veuves, les orphelins et les églises. Au contraire, il s’efforçait de harceler, de dépouiller et de tuer. Le seigneur Dieu nous adoptera, ainsi que notre sauveur Jésus-Christ qui a envoyé ses amis dans les marches de France et de Bourgogne depuis la Sainte cité de Jérusalem qui ne cessent d’offrir leurs âmes à Dieu pour notre salut et pour que se répande la vraie Foi, ce qui est un plaisant sacrifice.

3. C’est ainsi qu’en toute joie et toute fraternité, nous nous assemblâmes à Troyes, grâce aux prières de Maître Hugues de Payns par qui ladite chevalerie commençât, avec la grâce du Saint Esprit, pour la fête de Monseigneur Saint Hilaire, en l’an l’incarnation de Jésus-Christ mil cent vingt-huit, la neuvième année depuis le commencement de ladite chevalerie. Ensemble, nous entendîmes, de la bouche même de frère Hugues de Payns, comment fut établi cet ordre de chevalerie et, selon notre jugement, nous louâmes ce qui nous sembla profitable ; tout ce qui nous sembla superflu, nous le supprimâmes.

4. Et tout ce qui, dans cette réunion, ne put être dit ou raconté, ou oublié, nous le laissâmes, avec sagesse, à la discrétion de notre honorable père, sire Honorius et du noble patriarche de Jerusalem, Etienne de la Ferté qui connaissait le mieux les besoins de la terre d’Orient et des pauvres chevaliers du Christ. Tout cela, ensemble, nous l’avons approuvé. Maintenant, et parce qu’un grand nombre de pères s’assemblèrent dans ce concile et approuvèrent ce que nous avons dit, nous ne devons pas passer sous silence les véritables sentences qu’ils dirent et jugèrent.

5. Donc, moi, Jean Michel, par la grâce de Dieu, je méritai d’être l’humble écrivain de la présente règle, comme me le demanda le concile et le vénérable père Bernard, abbé de Clairvaux, qu’on avait chargé de ce divin travail.

Les noms des pères qui étaient au Concile
6. Premièrement, c’était Matthieu, évêque d’Albano, par la grâce de Dieu légat de la Sainte Eglise de Rome ; Renaud, archevêque de Reims ; Henri, archevêque de Sens ainsi que leurs suffrageants ; Josselin, évêque de Soissons ; l’évêque de Paris ; l’évêque de Troyes ; l’évêque d’Orléans ; l’évêque d’Auxerre ; l’évêque de Meaux ; l’évêque de Châlons ; l’évêque de Laon ; l’évêque de Beauvais ; l’abbé de Vézelay qui fut, par la suite, élu archevêque de Lyon et légat de l’Eglise de Rome ; l’abbé de Cîteaux ; l’abbé de Pontigny ; l’abbé de Trois-Fontaine ; l’abbé de Saint-Denis de Reims ; l’abbé de Saint-Etienne de Dijon ; l’abbé de Molesmes et Bernard, abbé de Clairvaux, déjà nommé, etc . Ils louèrent tous cette sentence avec franchise. Il y avait aussi maître Aubri de Reims, maître Fouchier et plusieurs autres, ce qui serait long à raconter. Il y en avait d’autres, pas plus lettrés, pour lesquels nous pouvons dire que la chose la plus profitable que nous puissions garantir est qu’ils aiment la vérité: c’est à savoir le comte Thibaud, le comte de Nevers et André Baudement. En leur qualité, ils étaient au concile et, avec un souci particulier, ils examinèrent ce qui leur semblait bien et délaissèrent ce qui leur semblait sans raison.

7. Il y avait aussi frère Hugues de Payens, maître de la chevalerie, qui avait amené avec lui quelques frères: frère Rotland, frère Godefroy, frère Geoffroy Bissot, Frère Payen de Montdidier, frère Archambaud de Saint-Amand. Maître Hugues, avec ses disciples, fit savoir aux pères, après s’en être souvenu, comment prit naissance l’observance d’après ce qui est dit: Ego principium qui est loquor vobis ; c’est-à-dire: « Depuis le commencement je suis la parole. »

8. Il plut au concile que les avis qui furent donnés et examinés avec diligence, suivant l’étude de la Sainte Ecriture, fussent mis par écrit afin qu’on ne les oublie pas, cela avec la prévoyance de monseigneur Honorius, pape de la Sainte Eglise de Rome, du patriarche de Jérusalem et du consentement de l’assemblée et par l’approbation des pauvres chevaliers du Christ du Temple qui se trouve à Jéruslem.

La règle de la pauvre chevalerie du Temple - De la manière d’entendre l’office divin
9. Vous, qui renoncez à vos propres volontés pour être les serviteurs du souverain roi, par les chevaux et par les armes, pour le salut de vos âmes et cela à jamais, vous devez toujours, avec un pur désir, entendre les matines et l’office divin en entier, selon les observances canoniales et les us des maîtres réguliers de la Sainte Cité de Jérusalem. Pour cela, vénérables frères, Dieu est avec vous, car vous avez promis de mépriser le monde perpétuellement pour l’amour de Dieu et aussi les tourments de votre corps: repus de la chair divine, pleins de commandements de notre Seigneur, nous vous disons qu’après l’office divin, personne ne doit craindre d’aller à la bataille. Soyez prêts à vaincre pour la divine couronne.

10. Mais si, pour les besoins de la maison et pour ceux de la chrétienté d’Orient, chose qui adviendra souvent, un frère est envoyé hors de la maison et qu’il ne puisse entendre le service de Dieu, il doit dire pour matines treize patenôtres ; pour chacune des heures, sept, et pour les vêpres, neuf. Mais nous préférons qu’ils disent l’office ensemble. Pour ceux à qui il est commandé d’aller pour ces besoins et qui ne pourront entendre les heures établies pour le service de Dieu, il est précisé qu’ils n’en sont pas dispensés pour autant et qu’ils doivent rendre la dette à Dieu.

Des frères morts
11. Lorsqu’un frère passe de vie à trépas, chose que personne ne peut éviter, nous demandons de chanter la messe pour le repos de son âme et l’office doit être fait par les prêtres qui servent le souverain prêtre, car c’est à vous qu’il appartient d’exercer la charité. Là ou se trouve le corps, tous les frères qui sont présents doivent dire cent patenôtres durant les sept jours qui suivent. Et tous les frères qui sont du commandement de cette maison doivent dire les cent patenôtres, comme il est dit ci-dessus, pour implorer la pitié de Dieu. Nous prions aussi et commandons par notre autorité pastorale, qu’un pauvre soit nourri de viande et de vin jusqu’au quarantième jour en souvenir du frère mort, comme s’il était encore vivant. Toutes les autres offrandes, lesquelles sont faites sans discrétion pour la mort d’un frère, en la solennité de Pâques et aux autres fêtes, et que les pauvres chevaliers du Temple ont coutume de faire de leur propre volonté, nous les défendons expressément.

12. Mais, de jour comme de nuit, avec le grand courage qui est donné par la profession, que chacun puisse se comparer avec le plus sage des prophètes qui dit: Calicem salutaris accipiam, c’est-à-dire: « Je prendrai le calice du salut »; qui est encore: « Je vengerai la mort de Jésus-Christ par ma mort. » Car ainsi que Jésus-Christ sacrifia son corps pour mon salut, je suis prêt de la même manière à mettre mon âme au service de mes frères. Cela est une offrande convenable ; là est le véritable sacrifice bien plaisant à Dieu.

Des frères qui sont debout au moutier
13. Il nous a été dit, et nous l’avons entendu par de véritables garanties, que sans aucune mesure et sans tempérance, vous entendiez debout l’office divin. Cette manière, nous ne la commandons pas mais nous la délouons. Mais nous commandons, tant aux forts qu’aux faibles, afin d’éloigner le scandale, de chanter assis le psaume qui se nomme Venite, avec tout l’invitatoire et l’hymne. Que les frères disent leurs oraisons en silence, simplement, sans crier ; celui qui parle haut détourne les autres frères de leurs prières.

14. A la fin des psaumes, quand on chante le Gloria Patri en l’honneur de la Sainte-Trinité, levez-vous et courbez-vous ; les faibles et les malades inclineront seulement la tête. Nous commandons de faire toujours de cette manière et lorsque l’évangile se lira et que le Te Deum laudanus se chantera, et jusqu’à ce que les laudes commencent et que les matines soient terminées, les frères resteront debout. De la même manière, nous commandons d’être debout aux matines et à toutes les heures de Notre-Dame.

Comment ils doivent manger
15. Au palais, qui serait mieux de nommer réfectoire, les frères doivent manger ensemble. Mais contre l’exemple d’autres gens qui n’en ont pas coutume, il convient que vous n’ayez aucune rancune, chose qui est nécessaire pour vous tous et en privé, cela en toute humilité et révérence, car l’apôtre dit: Manduca panem tuum cum silentio, c’est à dire, « Mange ton pain en silence. » Et le psalmiste ajoute: Posui ori meo custodiam, c’est à dire: « Je mets une garde à ma bouche », ce qui veut dire: « Je pense ne pas faillir avec ma langue », ce qui veut dire encore: « Je garde ma bouche afin de ne pas mal parler. »

De la lecture
16. En tout temps, pour le dîner et le souper du couvent, qu’il soit lu la sainte leçon, si cela peut-être. Si nous aimons Dieu et toutes ses saintes paroles et ses saints commandements, nous devons la désirer et l’écouter attentivement. Le lecteur qui lit la leçon vous enseigne à garder le silence dès qu’il commence à lire.

De la viande
17. Trois fois par semaine, il suffit que vous mangiez de la viande. Il en est de même à la fête de la Nativité de Notre Seigneur, à la fête de la Toussaint, aux fêtes de Notre-Dame ou à celles des douze apôtres. Car si vous avez coutume de manger de la viande, vous aurez une mauvaise corruption de votre corps. Mais s’il advient que le mardi soit un jour de jeûne, jour pendant lequel on ne doit pas manger de viande, il en sera donné le lendemain. Le dimanche, il sera donné deux plats de viande à tous les frères du Temple, aux chapelains et aux clercs, cela en l’honneur de la Sainte Résurrection de Jésus-Christ. Les autres habitants de la maison, à savoir les écuyers et les sergents, se contenteront d’un plat, et que, pour cela, ils rendent grâce à Dieu.

Des écuelles et des verres
18. En ce qui concerne la disposition des écuelles, que les frères mangent deux à deux afin que l’un se pourvoie de l’autre, qu’ils apprécient la vie dans l’abstinence et dans le fait de manger en commun. Il nous semble juste chose que chacun des frères ait une mesure égale de ration de vin dans son verre

Des mets les jours de semaine
19. Les autres jours de la semaine: c’est à savoir: le lundi, le mercredi et même le samedi, les frères auront deux plats ou trois, de légumes ou de soupe et nous entendons que ce soit suffisant et nous commandons que cela soit tenu, cela pour que si un frère ne mange d’un plat, il mange de l’autre.

Des mets du vendredi
20. Le vendredi, qu’il soit donné à toute la congrégation de la viande de carême, en révérence de la passion de Jésus-Christ. Nous demandons de jeûner de la fête de la Toussaint jusqu’à Pâques, sauf lorsque ce sera la fête de Noël, la fête de Notre-Dame ou la fête d’un des douze apôtres. Mais les frères faibles et malades ne sont pas tenus au jeûne. De Pâques à la Toussaint, ils peuvent manger deux fois par jour, à moins qu’il n’y ait un jeûne général.

Des grâces à rendre
21. En tout temps, après le dîner et après le souper, tous les frères doivent rendre grâces à Dieu. Si l’église est proche du palais où ils mangent, et si elle n’est pas proche, qu’ils rendent grâces à notre Seigneur Jésus-Christ, avec humilité, car il est le souverain procureur. Les restes du pain brisé seront donnés aux pauvres et le pain entier sera gardé. Maintenant, comme le don aux pauvres est semblable au règne du ciel et pour que la foi chrétienne vous reconnaisse comme ceux qui ne doutent pas de cela, il conviendra que le dixième du pain soit donné à l’aumônier pour les pauvres.

De la collation
22. Lorsque le jour s’en va et que la nuit approche, lorsque la cloche sonne ou que l’appel de la communauté est fait, ou selon l’usage de la contrée, que tous aillent aux complies. Nous demandons premièrement de prendre une collation générale, mais elle sera mise à l’arbitrage du maître. Quand un frère voudra de l’eau et quand il demandera, par miséricorde, du vin trempé, qu’il lui en soit donné raisonnablement. On doit en prendre avec mesure car, dit Salomon: Quia vinum facit apostatare sapientes, c’est à dire: « Le vin corrompt les sages. »

Tenir silence
23. Quand les frères sortent des complies, aucune permission ne doit être donnée pour parler publiquement, à moins d’une grande nécessité. Mais que chacun s’en aille sagement et en paix dans son lit. S’il a besoin de parler à son écuyer, qu’il lui dise ce qu’il a à lui dire bellement et en paix. Mais si, par aventure, le jour n’a pas suffit à accomplir le travail et qu’il ait besoin de parler pendant les complies, pour une grande nécessité ou pour les besoins de la chevalerie ou pour l’état de la maison, nous entendons que le maître ou une partie des frères anciens qui ont à gouverner la maison après le maître, puissent parler convenablement, et nous demandons que ce soit fait de cette manière.

24. Car il est écrit: In multiloquio non effugies peccatum, c’est à dire que trop parler incite au péché. Et en autre lieu: Mors et vita in manibus lingue, ce qui veut dire: « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue. » A celui qui parle, nous défendons, en toute manière, les paroles oiseuses et les vilains éclats de rire. Et si aucune chose n’est à dire de ce qui est dit ci-dessus, lorsque vous viendrez dans votre lit, nous vous commandons de dire l’oraison patenôtre avec humilité et dévotion.

Des frères souffrants
25. Les frères qui sont fatigués, pour avoir veillé au plus grand bien de la maison, peuvent être dispensés es matines, après avoir demandé l’assentiment et la permission du maître ou de ceux qui sont chargés de cet office. Ils doivent, cependant, dire pour les matines treize patenôtres, comme il est établi ci dessus, afin que la parole s’accorde avec le coeur, ainsi que le dit David: Psallite sapienter, c’est à dire: « Chantez avec sagesse. » Et, comme le dit ailleurs le même David:In conspectu angelorum psallam tibi, c’est à dire: « Je chanterai pour toi devant les anges. » Que cette chose soit faite suivant l’arbitrage du maître et de ceux qui sont nommés à cet office.

De la vie en commun
26. On lit dans la Sainte Ecriture:Dividetur singulis prout cuique opus erat, c’est à dire: « Qu’à chacun soit donné suivant ses besoins. » Pour cela, nous demandons qu’aucune personne ne soit choisie entre vous, mais que chacun soit prévoyant des malades, et que celui qui est mal à l’aise rende grâces à Dieu et ne se tourmente pas, mais s’humilie pour s’affermir et ne s’agenouille pas par pénitence. De cette manière, tous les membres seront en paix. Et nous défendons que quiconque fasse abstinence sans mesure ; mais qu’il vive fermement de la vie commune.

Des robes des frères
27. Nous demandons que toutes les robes des frères soient teintes d’une même couleur, à savoir blanche, noire ou de bure, et nous octroyons le manteau blanc à tous les frères chevaliers, en hiver comme en été. A nul autre, qui n’est pas chevalier du Christ, il n’est permis de porter le blanc manteau. Et que ceux qui ont abandonné la vie ténébreuse du monde, à l’exemple de ces robes blanches, puissent se reconnaître comme réconciliés avec le Créateur: ce qui signifie que la blancheur sanctionne la chasteté. La chasteté est la sûreté du courage et la santé du corps, car si un frère ne promet pas la chasteté, il ne peut venir au repos éternel, ni voir Dieu, comme le dit l’apôtre:Pacem sectamini cum omnibus et castimoniam sine qua nemo Deum videbit, ce qui veut dire: « Recherchez la paix avec tous, gardez la chasteté sans laquelle personne ne peut voir Dieu. »

28. Par le commun conseil de tout le chapitre, nous contredisons et ordonnons que soit reconnu comme un vice familier celui qui, sans discrétion, serait dans la maison de Dieu et des chevaliers du Temple. Que les écuyers et les sergents n’aient pas de robe blanche, car ce serait grand dommage pour la maison. Il advint, dans les parties d’outre-mont, que de faux frères, mariés ou autres, surgirent en disant qu’ils étaient frères du Temple alors qu’ils étaient du siècle. Ils nous procurent honte et dommage, ainsi qu’à l’ordre de la chevalerie. Que, pour cela, les écuyers ne s’enorgueillissent pas car, à cause de cette chose, ils firent naître plusieurs scandales. Donc, qu’il leur soit donné des robes noires, qu’ils mettent, si l’on ne peut trouver d’autre toile, que l’on trouvera dans la province, des toiles qui seront données ou encore qui sera le plus vil, à savoir la bure.

29. Mais ces robes doivent être sans superflu et sans orgueil. Et si nous avons décidé qu’aucun frère n’ait de fourrure, ni de pelisse à sa robe, ni autre chose qui appartienne à l’usage du corps, ni même une couverture, nous autorisons celle d’agneau ou de mouton. De toute manière, nous ordonnons à tous que chacun ne puisse se vêtir ou se dévêtir, se chausser ou se déchausser, comme un bon lui semble. Et le drapier, ou celui qui tient sa place, se doit de pourvoir et de penser à avoir le don de Dieu en toute chose, comme il est dit: que les yeux des envieux et des mauvais ne puisse noter quelque chose sur les robes qui sont données ; quelles ne soient ni trop longues, ni trop courtes, mais qu’elles soient à la mesure de ceux qui doivent en user. Le drapier, ou celui qui tient sa place, doit les répartir suivant les besoins de chacun.

30. Et si un frère, par un mouvement d’orgueil ou par présomption de courage, veut avoir, comme une chose qui lui est due, la plus belle ou la meilleure robe, qu’il lui soit donné la plus vile. Ceux qui reçoivent des robes neuves doivent rendre les vieilles pour les donner aux écuyers et aux sergents, mais le plus souvent aux pauvres, selon ce qui semblera meilleur à celui qui tient cet office.

Des draps de lit
31. Nous demandons que chacun ait des robes et le nécessaire pour le lit, suivant la prévoyance du maître. Nous entendons que cela suffise à chacun, après le sac, le coussin et la couverture. A celui à qui il en faudra en plus, nous autorisons une carpite et, en tout temps, il pourra user d’une couverture de linge, c’est-à-dire en peluche de fil. Et, en tout temps, les frères seront vêtus de chemises et de braies, de chausses et de ceintures ; dans le lieu où ils dormiront, qu’il y ait une lumière jusqu’au matin. Le drapier doit donner aux frères des habits bien taillés afin qu’ils puissent avoir bon aspect devant et derrière. De cette manière, nous ordonnons fermement qu’ils aient la barbe et la moustache sans qu’aucune superfluité de vice ne puisse être notée en leur tenue.

Des becs et des lacets de souliers
32. Nous défendons les becs et les lacets de souliers et nous défendons que quelqu’un en ait. Et, à tous ceux qui servent la maison à temps, nous ne l’octroyons pas non plus et nous contredisons de toute façon qu’ils aient des souliers avec des becs et des lacets, car cette chose est connue pour être abominable et réservée aux païens. Qu’ils n’aient pas non plus de choses superflues dans les cheveux et les robes ; car ceux qui servent le Souverain Créateur doivent nécessairement être nés dans et hors la garantie de Dieu qui dit:Estote mundi quia ego mundus sum, c’est-à-dire: « Sois net, comme je suis net. »

Des bêtes et des écuyers
33. Chaque frère chevalier peut avoir 3 bêtes et pas plus, à moins qu’il n’ait une permission du maître, et cela à cause de la grande pauvreté qui est actuellement dans la maison de Dieu et du Temple de Salomon. A chaque frère chevalier, nous octroyons donc d’avoir trois bêtes et un écuyer ; et si cet écuyer sert de son propre gré et pour la charité, le frère ne doit pas le battre pour quelque faute qu’il fasse.

Des chevaliers séculiers qui servent à terme
34. Pour tous les chevaliers séculiers qui désirent, par pure volonté, servir à terme avec Jésus-Christ et avec la maison du Temple de Salomon, nous commandons d’acheter, avec loyauté, un cheval convenable, des armes et tout ce qui leur sera nécessaire pour leurs besoins. Ensuite, nous demandons aux deux parties de mettre le cheval à prix et de noter le prix par écrit pour qu’il ne soit pas oublié. Que les choses nécessaires à la vie de l’écuyer, du chevalier et du cheval, comme les fers pour le cheval, leur soient donnés selon l’aisance de la maison et par fraternelle charité. Si d’aventure, pendant le terme, le cheval venait à mourir au service de la maison, et que la maison puisse le faire, le maître lui en donnerait un autre. Si, à la fin du terme, le chevalier désire rentrer dans son pays, la moitié du prix du cheval sera laissée par charité à la maison par le chevalier et l’autre moitié, s’il le veut, il la recevra comme aumône de la maison.

Comment doivent aller les frères
35. Il est une chose convenable à tous les frères qui sont profès, que pour faire le saint service et pour avoir la gloire du souverain bien et pour éviter le feu de l’enfer, qu’ils aient une ferme obéissance à leur maître. Car aucune chose n’est plus chère à Jésus-Christ que l’obéissance. Que lorsqu’une chose sera commandée par le maître ou par celui à qui le maître en aura donné le pouvoir, qu’elle soit faite sans aucune réserve, comme si c’était Dieu qui l’avait commandée. Comme dit Jésus-Christ par la bouche de David, et c’est la vérité:Ob auditu auris obedivit mihi, c’est à dire: « Il m’a obéi dès qu’il m’a entendu. »

36. Pour cela, nous demandons à tous les frères qui ont abandonné leur propre volonté, comme à tous ceux qui servent à terme, de ne point aller dans la ville ou dans la cité sans la permission du maître ou de celui qui tiendra sa place, excepté de nuit, au Sépulcre et aux lieux de prières qui se trouvent dans les murs de la cité de Jérusalem.

37. Ainsi peuvent aller les frères et ils ne peuvent pas aller d’une autre manière, ni de jour, ni de nuit. Lorsqu’ils sont en arrêt à l’herbage, aucun frère, ni écuyer, ni aucun sergent ne doit aller au campement d’un autre pour le voir ou pour parler avec lui sans permission, comme il est dit ci-dessus. Nous commandons aussi, par le commun conseil de la maison et qui est ordonné par Dieu, qu’aucun frère ne combatte, ni ne se repose selon sa propre volonté, mais selon les commandements du maître auxquels tous doivent se soumettre. Qu’ils s’efforcent de suivre cette sentence de Jésus-Christ, qui dit Non veni facere voluntatem meam, sed ejus qui misi me patris, c’est-à-dire: « Je ne viens pas faire ma volonté mais la volonté de mon père qui m’a envoyé. »

Que personne ne demande
38. Nous commandons de garder proprement cet usage et de le garder fermement entre tous les autres: qu’aucun frère ne demande le cheval d’un autre, ni ses armures. Il sera donc pratiqué de cette manière: si l’infirmité d’un frère ou la faiblesse de ses bêtes ou de ses armures sont reconnues telles que le frère ne puisse aller à la besogne de la maison sans dommage, qu’il vienne trouver le maître et qu’il lui montre son cas en pure foi, ou à celui qui tient cette place après le maître et, qu’en vraie fraternité, il demeure à la disposition du maître ou de celui qui tient sa place.

Que nul frère n’ait de harnais dorés
39. Nous défendons totalement que les frères aient de l’or et de l’argent à leurs brides, à leurs étriers et à leurs éperons. Si cela arrivait, qu’ils les mettent de côté. Mais s’il advient qu’un vieil harnais leur soit donné par charité, que l’or et l’argent soit gratté afin que la beauté resplendissante ne soit pas vue des autres, non plus que l’orgueil qu’on en peut ressentir. Mais si c’est un harnais neuf qui est donné, c’est le maître qui le fera.

Du maître
40. Le maître peut donner à qui il veut le cheval d’un autre frère ainsi que ses armures et ce qu’il voudra. Le frère à qui cette chose sera donnée, ou aura été ôtée, ne doit pas se courroucer, car sachez bien que s’il se courrouçait, il le ferait contre Dieu.

Des serrures
41. Sans la permission du maître ou de celui qui est à sa place, aucun frère ne peut avoir de loquet, ni dans son sac, ni dans sa malle. A cela ne sont pas tenus les commandeurs des maisons ni des provinces, ni même le maître. Sans autorisation du maître ou de son commandeur, un frère ne doit recevoir de lettres ni de ses parents, ni d’autres personnes ; mais lorsqu’il en aura la permission, les lettres seront lues devant lui, si cela plaît au maître ou au commandeur.

Que nul ne se glorifie de ses fautes
42. Bien que toutes les paroles oiseuses soient connues généralement pour être un péché, que devront dire ceux qui s’en glorifient, devant Jésus-Christ, le juge suprême, nous démontrons ce que dit le prophète David:Obmutui et silui a bonis, c’est à dire que l’on doit se garder même de bien parler et observer le silence. Ainsi, pour fuir le péché, on doit cesser et s’interdire de mal parler. Nous défendons et contredisons fermement qu’un frère raconte à un autre frère les procès qu’il a eus dans le siècle, ce qui est une mauvaise chose en travail de chevalerie, et qu’il narre aussi les délits de chair auxquels il a pu succomber avec des femmes assujetties. Et s’il advenait qu’un frère l’entende raconter d’un autre frère, qu’il le fasse taire aussitôt ; et s’il n’y parvenait pas, qu’il abandonne aussitôt sa place et ferme les oreilles de son coeur à ce marchand d’huile.

Des dons séculiers
43. Si, par grâce, une chose qui ne peut être conservée, comme la viande, est donnée à un frère par un homme du siècle, il doit aussitôt présenter ce don au maître ou au commandeur de la viande. Mais s’il advient qu’un de ses amis ou un parent ne veuille le donner qu’à lui, il ne peut le prendre sans congé du maître ou de celui qui tient sa place. A ce commandement, nous voulons que soient tenus les commandeurs et les baillis, auxquels cet office est spécialement demandé.

Des victuailles
44. Ce commandement, établi par nous, est une chose profitable que tous doivent garder et pour cela nous demandons fermement que rien ne soit gardé et qu’aucun frère ne possède rien, ni victuaille, ni linge, ni laine, ni autre chose, hormis son sac.

Comment ils doivent changer
45. Sans congé du maître ou de celui qui tient sa place, aucun frère ne doit changer une chose avec une autre, ni ne doit demander si cette chose est petite ou vile.

De la chasse
46. Ensemble, nous contredisons qu’un frère prenne un oiseau avec un autre oiseau. Il ne convient pas à des religieux de se procurer des plaisirs, mais d’entendre volontiers les commandements de Dieu et d’être souvent en prière, pour reconnaître chaque jour, avec Dieu, par des larmes et des pleurs, le mal qui l’aura tué. Qu’aucun frère ne cherche à accompagner spécialement un homme qui tue un oiseau avec un autre oiseau. Il est plus convenable à tout homme religieux d’aller simplement et humblement, sans rire et sans parler, raisonnablement et sans hausser le ton. Et pour cela, nous commandons spécialement à tous les frères qu’on ne les voie pas dans les bois avec des arcs et des arbalètes pour chasser les bêtes, ni avec l’homme qui chasse, à moins que ce ne soit pour le préserver des délits païens. Vous ne devez pas non plus aller après les chiens, ni crier, ni bavarder, ni pointer le cheval pour tenter de capturer une bête sauvage.

Du lion
47. Il est une chose que vous devez considérer comme une dette, ainsi que le fit Jésus-Christ: défendre la terre des mécréants païens qui sont les ennemis du fils de la Vierge Marie. Cette défense de chasser, dite ci-dessus, ne s’entend pas du lion, car il tourne et cherche qui il peut dévorer, les mains levées contre tous et toutes les mains levées contre lui.

Des jugements
48. Nous savons, pour l’avoir vu, que les persécuteurs sont sans nombre et que les gens aiment les querelles et s’efforcent de tourmenter cruellement leurs amis et les fidèles de la Sainte Eglise. Aussi, par la claire sentence de notre concile, nous défendons d’écouter quelqu’un, dans les parties d’Orient ou en autre lieu, mais, à cause de la faiblesse des hommes et par amour de la vérité, nous commandons de juger l’affaire, si l’autre partie veut accepter. Que ce même commandement soit tenu à tout jamais pour toutes choses qui vous seront dites ou enlevées.

Comment peut-on avoir des terres et des hommes
49. Cette manière de nouvelle religion, nous croyons qu’elle prit naissance dans la sainte Terre d’Orient par la Divine Ecriture et par la Divine Providence. Nous faisons savoir que cette chevalerie armée doit, sans culpabilité, tuer les ennemis de la Croix. Pour cela, nous jugeons par droit que vous soyez appelés chevaliers du Temple, avec le double mérite de beauté et de prouesse, et que vous puissiez avoir des terres, des hommes, des vilains, tenir des champs et les gouverner avec justice et prendre votre droit de ces choses comme cela est spécialement établi.

Des frères malades
50. Aux frères malades, qu’il soit donné une fidèle garde et une grande bonté et qu’il soient servis selon ce que dit l’Evangile et Jésus-Christ: « Infirmus fui et visitastis me, c’est-à-dire: « Je fus malade et vous m’avez visité. » Que cela ne soit jamais oublié, car les frères qui sont malades doivent être traités en paix et avec soin: on gagne le règne du paradis si l’on fait un tel service avec foi. Nous commandons donc à l’infirmier qu’il se pourvoie soigneusement et fidèlement des choses qui sont nécessaires aux divers malades, commes les viandes, les chairs, les oiseaux et toutes les autres viandes qui rendent la santé, et ce la selon l’aisance et le pouvoir de la maison.

De la paix
51. Chaque frère se doit de ne pas inciter son frère au courroux, ni à la colère, car la grande pitié de Dieu protège le frère puissant comme le faible, et cela au nom de la charité.

Des frères mariés
52. Si des frères qui sont mariés demandent la fraternité et le bénéfice des prières de la maison, nous vous octroyons de les recevoir de la manière suivante. Qu’après leur mort ils vous donnent la part de leur bien et tout ce qui affèrera. Entre-temps, ils doivent mener une honorable vie et s’efforcer de faire du bien aux frères. Mais ils ne doivent jamais porter des robes blanches, ni les blancs manteaux ; mais si le baron meurt avant sa femme, les frères doivent prendre la part de ses biens, et l’autre part, la dame en aura jouissance pendant toute sa vie. Il ne semblerait pas juste aussi que de tels confrères habitasses dans une maison où les frères ont promis la chasteté à Dieu.

Des soeurs
53. La compagnie des femmes est une chose dangereuse. Nombreux sont ceux, que par la fréquentation des femmes, le Diable a rejetés du droit sentier du paradis. Que les dames, en qualité de soeurs, ne soient jamais reçues en la maison du Temple. Pour cela, très chers frères, comme il est dit ci-dessus, il ne convient pas de vous accoutumer de cet usage et que la fleur de chasteté apparaisse en tout temps entre vous.

Des chevaliers excommuniés
54. En aucune manière, un homme excommunié ne doit avoir de compagnie avec les frères du Temple. Et cela, nous vous le défendons fermement, parce que c’est pour une chose honteuse qu’il fut excommunié. Mais s’il lui est seulement interdit d’entendre le service de Dieu, on peut bien user de relations avec lui et prendre son bien par charité, suivant la permission du commandeur.

Comment on doit recevoir les frères
55. Si un chevalier séculier, ou tout autre homme, veut s’en aller de la masse de perdition et abandonner ce siècle et choisir la vie commune du Temple, ne vous pressez pas trop de le recevoir. Car ainsi le dit messire saint Paul: Probate spiritus si ex Deo sunt, c’est-à-dire: « Eprouvez l’esprit pour voir s’il vient de Dieu. » Mais pour que la compagnie des frères lui soit donnée, que la règle soit lue devant lui et s’il veut obéir à ses commandements, s’il plait au maître et aux frères de le recevoir, qu’il montre sa volonté et son désir aux frères assemblés en chapitre et devant tous et qu’il fasse sa demande avec courage.

Des frères envoyés
56. Les frères qui sont envoyés à travers les diverses contrées et les diverses parties du siècle doivent s’efforcer de pratiquer les commandements de la règle selon leur pouvoir, et ils devront vivre sans reprendre des viandes ou du vin ou autre chose afin qu’ils donnent un bon témoignage à ceux qui sont dehors. Qu’ils ne faillissent en rien dans le propos de l’ordre et qu’ils donnent l’exemple des bonnes oeuvres et de la sagesse. Et même chez ceux où ils séjourneront et chez celui dans la maison duquel ils hébergeront, qu’ils soient honorés de bien et de bonté. Et si cela peut se faire, que la nuit ne soit pas sans lumière dans cette maison ou s’ils guerroient ou s’ils sont à l’herbage, afin que l’ennemi ténébreux ne leur donne raison du péché, ce dont Dieu les défende.

De la confiance des sergents
57. Pour les écuyers et les sergents qui veulent servir à la charité du Temple, pour le salut de leur âme et à terme, venant de diverses provinces, il nous semble profitable qu’ils soient reçus en toute confiance, pour que les ennemis envieux ne les mettent en courage de se repentir, ni ne leur retirent leurs bons propos.

De ne pas recevoir les enfants
58. Malgré que la règle des saints pères accepte de recevoir les enfants en religion, nous ne vous conseillons pas de vous en charger. Car celui qui voudra donner pour toujours son enfant à la religion de la chevalerie doit le nourrir jusqu’à l’heure où il pourra porter les armes et arracher de la terre les ennemis de Jésus-Christ. Mais si, auparavant, le père et la mère le conduisent à la maison et font savoir aux frères ce qu’ils veulent, il est meilleur qu’ils s’en abstiennent de le recevoir tant qu’il est enfant, car il est meilleur qu’il ne se repente pas lorsqu’il atteindra la maturité. Et dès ce moment, qu’il soit mis à l’épreuve selon la prévoyance du maître et selon l’honnêteté de celui qui demande la fraternité.

Des vieux frères
59. Nous commandons par pieux égard que les vieux frères et les faibles soient honorés et soient traités selon leur faiblesse et suivant l’autorité de la règle pour les choses qui sont nécessaires à leur corps et que rien ne leur soit retenu en aucune manière.

Du conseil
60. Le maître doit connaître la sagesse des frères qui sont appelés en conseil, ainsi que le profit de leur conseil ; car nous le commandons de cette manière et non pas à tous: lorsqu’il advient qu’ils aient à traiter de choses importantes, comme donner une terre de l’ordre, ou parler des affaires de la maison ou recevoir un frère, s’iI plaît au maître, il est convenable de réunir toute la congrégation et d’entendre le conseil de tout le chapitre. Ce qui semblera plus profitable et meilleur au maître, qu’il le fasse alors.

Des chevaliers excommuniés
61. Là où vous saurez qu’il y a une réunion de chevaliers excommuniés. ncus vous commandons d’y aller. Si aucun ne veut se rendre et s’ajouter à l’ordre de chevalerie des parties d’outre-mer, songez au salut éternel de leurs âmes et non seulement au profit temporel. Nous vous commandons, par cette condition de réception, qu’il aille d’abord devant l’évêque de la province et qu’il fasse savoir son propos. Lorsque l’évêque l’aura entendu et absous, s’il l’envoie au maître et aux frères du Temple et si sa vie est honnête et digne de leur compagnie, s’il semble bien au maître et aux frères, qu’il soit reçu avec miséricorde. Mais s’il meurt entre-temps, à cause de la crainte et du travail dont il aura souffert, qu’il lui soit donné tous les bénéfices de la fraternité comme à l’un des pauvres chevaliers du Temple.

Des dîmes
62. Vous qui avez abandonné les délicieuses richesses de ce siècle, nous pensons que vous êtes opprimés de par bonne volonté, à vous qui vivez en communauté, nous vous conservons l’avoir des dîmes. Si les évêques du lieu où la dîme doit être rendue par le droit, veulent vous la donner par charité, avec l’assentiment du chapitre de cette même église, il peut le faire. Mais si un homme laïc retire les dîmes de son patrimoine et à son dommage, contre l’église, et veut vous les laisser, il peut le faire par la concession du prélat et de son chapitre.

Des fautes
63. Si un frère fait une faute, en chevauchant ou en parlant ou en toute autre manière, il doit, de son propre gré, montrer la faute au maître et il doit le faire avec pur courage de satisfaction. S’il n’est pas coutumier de faire des fautes, il en aura une légère pénitence, mais si la faute est trop grave, qu’il se retire de la compagnie des frères, qu’il ne mange, ni ne boive à aucune table, mais seul, et qu’il soit soumis au pardon et au jugement du maître et des frères afin qu’il soit pur au jour du dernier jugement.

Des petites fautes
64. Avant toute chose, nous devons prévoir qu’un frère, puissant ou non, fort ou faible, qui ne veut pas s’amender petit à petit, s’humilier ou défendre sa faute, ne demeure pas sans discipline. S’il veut s’amender, qu’il soit mis à la plus petite peine. Mais s’il refuse de se plier à de petites admonestations et si malgré les prières faites pour lui à Dieu, il ne s’amende pas et s’enorgueillit de plus en plus, qu’il soit ôté du petit troupeau suivant ce que dit l’apôtre: Auferte malum ex vollis, c’est-à-dire: « Enlevez les mauvais parmi vous. » Il est besoin que vous enleviez la mauvaise brebis de la compagnie des frères faibles.

65. Mais que le maître, qui doit tenir en sa main le bâton et la verge pour soutenir les faiblesses et les forces des uns - la verge pour guérir les vices de ceux qui fauteront - par amour du droit et par conseil du patriarche, étudie ce qu’il doit faire comme le dit monseigneur saint Maxime: « Que la bonté ne soit plus grande que la faute et qu’aucune détresse démesurée ne fasse retourner le pécheur à mal faire. »

Des chemises
66. Parmi toutes les choses, nous commandons, avec miséricorde, qu’à cause de la grande chaleur qu’il y a en pays d’Orient, de Pâques à la Toussaint, par grâce et non par devoir, il soit donné à chaque frère une chemise de toile pour celui qui voudra en user.

Du murmure
67. Nous vous commandons de fuir comme la peste: l’envie, le murmure et la calomnie. Ainsi donc que chacun se garde avec sagesse de ce que dit l’apôtre: Ne sis criminator et susurro in populo, c’est-àdire: « ne fais pas de blâmes, ni ne sois médisant du peuple de Dieu. » Mais lorsqu’un frère connaîtra clairement que son frère a fauté, en paix et avec fraternelle pitié, qu’il soit corrigé entre eux deux en privé ; s’il ne veut rien entendre, il ajoute un autre frère et s’il méprise l’un et l’autre, qu’on le reprenne devant le chapitre. Car ceux qui méprisent les autres sont atteints de grande cécité et beaucoup sont remplis de malheur. Qu’on se garde de porter envie les uns sur les autres afin de ne pas être plongés dans la vilenie du démon.

Qu’ils n’aient pas de familiarités avec les femmes
68. Nous croyons qu’il est une chose périlleuse à toute religion de regarder les femmes en face. Et pour cela qu’aucun d’entre vous ne présume pouvoir embrasser une femme, une veuve, une pucelle ni sa mère, ni sa soeur, ni sa tante, ni aucune autre femme. Ainsi donc, la chevalerie de Jésus-Christ doit fuir de toute manière d’embrasser les femmes par quoi les hommes ont continué maintes fois de tomber ; qu’ils puissent conserver et demeurer perpétuellement devant Dieu avec pure conscience et une vie sûre.

Des couvertures
69. Qu’aucun frère n’ait de couverture, ni pour l’écu, ni pour la lance, car ce n’est d’aucun profit, ainsi nous entendons que ce soit grand dommage.

Des prêtres et des clercs qui servent par charité
70. Toutes les offrandes de toutes sortes et de quelque manière qu’elles seront faites aux chapelains et aux clercs et à ceux qui servent à terme, par l’universalité du commun concile, nous commandons de les rendre. Les serviteurs de l’Eglise, selon l’autorité du nom de Dieu, ont la viande et la robe et ne peuvent prétendre à autre chose à moins que le maître, de son bon gré, ne leur donne par charité.

Des chevaliers séculiers
71. Sont chevaliers de la maison de Dieu et du Temple de Salomon ceux qui servent par miséricorde et qui demeurent près de vous. Donc nous, par pitié, nous vous prions et pour la perfection, nous vous commandons fermement que si la puissance de Dieu emmena l’un d’eux pendant son temps, par charité fraternelle qu’un pauvre soit reçu et nourri sept jours pour le repos de son âme et que chaque frère qui sera dans cette maison dise trente patenôtres.

Du baptème
72. Nous commandons à tous les frères qu’aucun ne lève un enfant sur les fonts baptismaux et n’ait aucune vergogne à refuser les compères et les commères et que cette vergogne anime plus la gloire que le péché.

73. Tous les commandements qui sont dits et écrits ci-dessus en cette présente règle sont à la discrétion et à l’égard du maître.

Ce sont les fêtes et les jeûnes que tous les frères du Temple doivent célébrer
74. Qu’il soit connu à tous les frères du Temple présents et à venir qu’ils doivent jeûner les vigiles des douze apôtres, c’est à savoir: saint Pierre et saint Paul, la saint André, saint Jacques et saint Philippe, saint Thomas, saint Barthélemy, saints Simon et Judes, saint Jacques, saint Matthieu, la vigile de saint Jean-Baptiste, la vigile de l’Ascension, et les deux jours avant les rogations ; la vigile de Pentecôte, les Quatre-temps, la vigile de saint Laurent, la vigile de Notre Dame de la mi-aoùt, la vigile de la Toussaint. Pour toutes ces fêtes nommées, ils doivent jeûner selon les commandements du pape Innocent et par le concile qui fut fait dans la cité de Pise. Et si une de ces fêtes tombait un lundi ou un samedi, ils doivent jeûner le jour avant. Si la fête de la Nativité de Notre Seigneur tombe un jour de vendredi, les frères doivent manger de la chair en l’honneur de la fête. Mais le jour de la fête de saint Marc, ils doivent jeûner à cause des Litanies, car cela est établi par Rome pour la mortalité des hommes. Mais si la fête tombe dans les octaves de Pâques, ils ne doivent pas jeûner.

Ce sont les fêtes qui doivent être célébrées en la maison du Temple
75. La Nativité de Notre Seigneur, la fête de saint Etienne, saint Jean l’Evangéliste, les Innocents, les huitaines de Noël qui est le jour du Nouvel An, le baptême, sainte Marie de la Chandeleur, saint Mathias l’Apôtre, l’Annonciation de Notre Dame de mars, la Pâques et les trois jours suivants, la Saint-Georges, Saint Philippe et Saint Jacques, deux apôtres, l’Invention de la Sainte Croix, l’Ascension de Notre Seigneur, la Pentecôte et les deux jours suivants, la Saint-Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul, deux apôtres, sainte Marie-Madeleine, saint Jacques l’Apôtre, saint Laurent, l’Assomption de Notre-Dame, la Nativité de Notre-Dame, l’exaltation de la Sainte-Croix, saint Matthieu l’apôtre, saint Michel, saint Simon et saint Jules, la fête de tous les saints, saint Martin hors les charrues, sainte Catherine hors les charrues, saint André, saint Nicolas hors les charrues, saint Thomas l’Apôtre.

76. Aucune autre fête plus petite ne doit être célébrée dans l’ordre du Temple. Et nous voulons et conseillons que cela soit gardé et tenu fermement. Tous les frères du Temple doivent jeûner du dimanche avant la Saint-Martin jusqu’à la Nativité de Notre Seigneur, à moins d’une infirmité. S’il advenait que la fête de saint Martin tombât un dimanche, le dimanche avant tous les frères doivent laisser la chair.


Statuts hiérarchiques
Les retraits et les établissements de la maison du Temple

Retraits du maître
77. Le maître doit avoir quatre bêtes, un frère chapelain, un clerc avec trois bêtes et un frère sergent avec deux bêtes, un valet gentilhomme pour porter son écu et sa lance, avec une bête ; et quand il aura servi un temps, le maître pourra l'ordonner frère chevalier, si cela lui plaît, mais qu'il ne le fasse pas trop souvent. Il doit avoir un maréchal-ferrant et un écrivain sarrasinois, un turcopole et un queux ; il peut avoir deux garçons à pied et un turcoman qui doit être gardé dans la caravane. Quand le maître chevauche d'une terre à une autre, le turcoman doit être mené à droite par un écuyer et par une bête de la caravane. Quand le maître s'en va, il doit être remis dans la caravane et, en temps de guerre, il peut le mettre avec sa corde.

78. Lorsque le maître chevauche d'une terre à une autre, il peut mener deux sommiers. Et lorsqu'il est en herbage ou à l'herbage, il peut les tenir à sa corde. Quand il chevauche d'une terre à une autre ou s'il est en guerre, il peut mener quatre sommiers, ou s'il passe le fleuve du Jourdain ou le Pas du Chien. Lorsqu'il retourne à la maison où il doit séjourner, les sommiers doivent revenir à la sommellerie et faire le service de la maison.

79. Le maître doit avoir deux frères chevaliers comme compagnons qui doivent être des prud'hommes et qui ne peuvent être rejetés d'aucun conseil où il y a cinq ou six frères. Ils doivent avoir la même mesure d'orge que le maître. Lorsque les frères du couvent prennent la mesure d'orge pour douze bêtes, les bêtes du maître en prennent pour dix ; lorsqu'il est en guerre, et que les frères chevauchent, la provision doit être commune et elle ne peut ni croître ni diminuer, sinon par le consentement du chapitre. Et pour tous, il en est de même de l'huile et du vin. Mais le maître peut diminuer l'orge tant que durera l'herbage. Mais lorsque l'herbe fait défaut, la ration d'orge doit être comme elle est indiquée ci-dessus.

80. Si Dieu fait son commandement à un compagnon du maître, il peut prendre à son profit ce qu'il lui plaira pour son équipement, et l'autre partie doit retourner au maréchal dans la caravane.

81. Le maître ne doit pas tenir la clef, ni la serrure du trésor. Mais il peut avoir comme trésor une huche avec la serrure pour y mettre ses joyaux. Si des avoirs sont présentés au maître, il doit les mettre en recette.

82. Le maître peut prêter des avoirs de la maison jusqu'à mille besants, pour une partie des prud'hommes de la maison. Et si le maître veut prêter une plus grande somme, il doit solliciter l'approbation du conseil des prud'hommes de la maison. Et le maître peut donner cent besants ou un cheval à un prud'homme ami de la maison ; il peut aussi présenter une coupe d'or ou d'argent, ou une robe de vair' ou tout autre joyau valant cent besants pour le profit de la maison. Et pour ce faire 1e maître doit en référer au conseil de ses compagnons et des prud'hommes de la maison où il est ; et cela pour le profit de la maison. Il peut donner aussi des armures, sauf les épées, les fers de lances et la cotte d'armes: cela il ne peut le donner.

83. Quand il arrive des avoirs d'outre-mer, ils doivent être mis au trésor par ordre du commandeur du royaume de Jérusalem et nul n'en doit rien prélever ni toucher, tant que le maître ne l'a pas vu et qu'il n'a pas donné son assentiment.

84. Quand les bêtes viennent d'outre-mer, elles doivent être mises dans la caravane du maréchal et le maréchal ne doit pas en donner, ni en toucher aucune avant que le maître ne les ait vues. Si le maître n'en veut pas prendre pour lui-même, il en a le droit, mais il peut réserver un cheval ou deux de la caravane pour les donner aux prud'hommes du siècle, amis de la maison. Et si les chevaux sont présentés, il peut en donner au frère qu'il choisira. Le maître peut demander et prendre un cheval à l'un quelconque des frères, pour le donner à un riche homme du siècle pour l'accroissement de la maison. Pour chevaucher avec lui et un frère, il doit en donner un autre aussi beau. Le maître peut aussi donner cent besants au frère à qui il a pris le cheval, afin qu'il puisse acheter une monture, sinon il doit demander au maréchal de lui en donner une en remplacement. Le maréchal doit le faire, s'il le peut.

85. Le maître ne peut donner de terre, ni aliéner, ni prendre un château en campagne sinon par chapitre. Il ne doit relâcher ni élargir aucun commandement qui soit fait par lui ou par le couvent si ce n'est par lui et par le couvent. Nul ne doit commencer la guerre, ni faire la trêve en la terre, ni dans un château dont la maison possède la seigneurie ; mais s'il est nécessaire que les trêves soient brisées, le maître peut les retarder en réunissant le conseil des frères qui sont dans ce pays.

86. Quand le maître vient de chevaucher, il peut manger dans sa chambre, ou lorsqu'il est saigné, ou lorsqu'il invite des chevaliers ou autres gens du siècle. Quand il est malade, il peut coucher dans sa chambre ; ses compagnons doivent manger au palais avec les autres frères. Quand il est guéri, il doit manger à une des tables de l'infirmerie et le meilleur sera servi à tous les frères de l'infirmerie, pour l'amour de lui.

87. Le maître ne peut mettre commandeur dans ces royaumes, s'il ne les met par autorisation du chapitre: comme le sénéchal, le maréchal, le commandeur du royaume de Jérusalem, le commandeur de la cité de Jérusalem, le commandeur d'Acre, le drapier, le commandeur de la terre de Tripoli et d'Antioche, celui de France et d'Angleterre, de Poitou, d'Aragon, de Portugal, de Pouilles et de Hongrie. Les dits commandeurs des parties d'Occident ne doivent pas venir en terre d'Orient, sinon par le commandement du maître et s'ils ne viennent pour le chapitre. Les autres commandeurs des terres et des autres baillis, pour la pauvreté des terres, s'ils sont nommés à la discrétion du maître avec ou sans le chapitre, mais avec le conseil des prud'hommes de la maison ; et s'il ne peut les mettre par chapitre, il ne peut les ôter sans chapitre, sinon par le conseil d'une partie des prud'hommes de la maison.

88. Si les visiteurs ou commandeurs faits par chapitre général sont rappelés par le maître et par le couvent, et qu'ils demeurent dans les terres pour quelque motif que ce soit, ils abandonnent et doivent envoyer au maître et au couvent, le boule et la bourse ; et ainsi qu'il est dit, le visiteur ne doit pas se démettre de sa visite, ni le commandeur de sa baillie, car les frères ne devront plus leur obéir, mais ils doivent mettre un frère prud'homme à sa place. Et cela doit être entendu des baillis qui sont faits par le conseil du maître.

89. Quand le maître veut aller dans la terre de Tripoli ou d'Antioche, il peut prendre au trésor trois mille besants ou plus, si besoin est, pour aider les maisons. Mais il doit les prendre avec le consentement du commandeur du royaume de Jérusalem, qui est trésorier du couvent, lequel doit tenir et garder les clefs du trésor. Il doit donner les besants au maître. Mais s'il advenait que les maisons n'en aient pas besoin, le maître doit les retourner audit commandeur et le commandeur doit les remettre dans le trésor.

90. Quand le maître chevauchera d'une terre à une autre, il cherchera et regardera les maisons et les chàteaux ; s'il le veut, il fera qu'une maison aide l'autre, si besoin est. Et s'il veut prendre une chose d'un commandeur, parmi les choses qui sont en son commandement, il peut prendre ce qu'il voudra. Il doit en être ainsi de tous les baillis, du plus grand au plus petit.

91. Si le maître ou les commandeurs demandent aux commandeurs qui sont sous leurs ordres de leur montrer les affaires de la maison, ils doivent toutes les montrer ; car si un mentait ou retenait quelque chose, il en serait condamné et pourrait en perdre la maison.

92. Quand le maître s'en va du royaume de Jérusalem, il peut mettre à sa place le commandeur du royaume ou un autre frère et celui à qui sont remis les pouvoirs, il ne peut les augmenter sauf celui de donner conseil pour une chose qui advient dans la terre et que le maître ne puisse venir pour cela. Il ne peut tenir le chapitre et les armes, car tous sont en son commandement. Le maître ne peut envoyer aucun frère à sa place dans la terre de Tripoli et d'Antioche, qui soit supérieur des commandeurs qui y sont à moins qu'une chose ne soit intervenue dans la terre ; il peut envoyer un frère pour conseiller ou pour voir les garnisons des châteaux. Pour ces choses, ils doivent alors obéir. Si le maître peut envoyer des prud'hommes de la maison outre-mer et à sa place, pour les besoins de la maison, il doit le faire par décision du chapitre. Pour obtenir l'autorisation, il peut mettre tous les baillis hors-du conseil, sauf le sénéchal.

93. Quand nous tenons le chapitre général, si le maître veut envoyer des frères outre-mer à cause de leur maladie ou pour les besoins de la maison, il doit appeler le maréchal, le drapier, le commandeur d'Acre et trois ou quatre prud'hommes de la maison et il doit leur dire: « Allez voir les frères, quels sont ceux à qui il serait profitable d'aller dans les parties d'outre-mer. » Et ils doivent aller à l'infirmerie voir les frères qu'il leur semblera raisonnable d'envoyer outre-mer. Ils doivent consigner leur avis par écrit et solliciter l'accord du maître. S'il y a en outre une chose à amender suivant leur conseil, elle doit être amendée.

94. Si des joyaux sont présentés à la maison du Temple en aumône, le maître peut les prendre et les mettre là où il voudra ou encore les resserrer dans sa huche avec ses autres joyaux. Le vin des complies est en la discrétion du maître, il peut en interdire l'usage, soit le donner. La quatrième bête et les seconds écuyers des chevaliers, et la seconde bête des frères sergents, s'ils ne les ont eus par chapitre, sont à la discrétion du maître. Tous les jours où le maître est en la maison du Temple, cinq pauvres doivent manger pour lui en la maison de la même viande que mangent les frères.

95. Tous les frères qui sont mis en pénitence par devant le maître, ne peuvent se lever de la terre, s'ils ne sont levés par lui. Il peut leur pardonner les travaux manuels et les jeûnes mais pas de se lever de terre le vendredi. Aucun frère ne peut donner la permission de saignée, ni de faire courir les chevaux, ni de se baigner, ni de combattre à la lance en un lieu où se trouve le maître, si le maître ne l'autorise. Quand le maître mange à la table du couvent, il peut présenter les mets de son écuelle à qui il voudra ; et cela aucun frère ne peut le faire, sauf le maître.

96. Quand il arrive qu'après Pâques les maisons font de grandes dépenses pour les moissons et que le commandeur s'aperçoit qu'il n'y a pas assez de chariots, le maître peut en parler aux frères et doit demander leur avis, et s'ils s'accordent pour prêter le chariot le mardi, qu'ils s'en privent. Toutes les choses que le maître accomplit par le conseil du couvent doivent obtenir l'accord des frères en communauté se prononçant en majorité.

97. Le maître ne doit pas ordonner un frère sans le chapitre, mais s'il va en un lieu où il ne puisse trouver un chapitre et qu'il soit prié par un prud'homme de le faire frère pour Dieu, parce qu'il est malade et proche de la mort, le conseil des frères présents est suffisant, pourvu qu'on reconnaisse en lui les qualités nécessaires. Si Dieu lui donne la santé, au plus tôt qu'il sera à notre maison, il doit faire sa profession devant tous les frères et apprendre ses devoirs. Toutes les robes que le maître laisse de son vestiaire et de son lit, doivent être données aux lépreux, pour Dieu, ou là où il verra qu'elles seront mieux employées. Et si le maître donne une de ses robes qu'il aura portée à un frère, il doit en faire donner une autre, pour Dieu, à la place, soit aux lépreux, soit là où il verra qu'elle sera bien employée.

98. Le Jeudi Saint, là où se trouve le maître, il doit laver les pieds de treize pauvres et à chacun des pauvres, il doit donner des chemises, des braies, deux pains, deux deniers et des souliers. Et s'il était dans un lieu où il ne pouvait les avoir, à la première maison du Temple qu'il rencontrera pouvant les avoir, il doit les prendre. S'il advient qu'en temps de guerre, les frères sont aux armes ou aux champs, le maître peut prendre avec lui six ou sept, et jusqu'à dix frères chevaliers, pour être en sa compagnie. Tous les frères du Temple doivent être obéissants au maître et le maître doit être obéissant à son couvent.

Retraits du sénéchal
99. Le sénéchal doit avoir quatre montures et au lieu d'une bête mulasse, il peut avoir un palefroi. Il doit avoir deux écuyers et un frère chevalier pour compagnon qui doit avoir trois bêtes et deux écuyers, et un frère sergent avec deux bêtes, et un diacre écrivain pour dire ses heures et un turcopole avec une bête et un écrivain sarrasinois avec une bête, et peut avoir deux garçons à pied ; et il peut tous les mener avec lui. Et il doit porter la même boule que le maître. Le sénéchal porte un gonfanon bauçan (baussant) et une tente ronde comme le maître, et en tous les lieux où le maître n'est pas, il le remplace. Quand il chevauche, ses bêtes doivent avoir les mêmes provisions que le maître. Et en tous lieux où le maître est absent, tous les équipages des terres et des maisons et toutes les maisons et les viandes sont au commandement du sénéchal.

100. Quand le sénéchal sera sur une terre, sans le maître, il la visitera et en prendra ce qu'il voudra et fera aider une maison par une autre ; s'il veut changer un frère d'une terre en une autre, il peut le faire, sauf dans la terre où sera le maître. Le sénéchal peut donner à un prud'homme ami de la maison un palefroi ou un mulet ou une selle à arçonniere ou une belle coupe d'argent ou une robe de vair ou d'écarlate. Mais tous ces dons, il doit les faire suivant le conseil des frères qui seront dans les parties où il sera, pour le profit de la maison.

Retraits du maréchal du couvent du Temple
101. Le maréchal doit avoir quatre bêtes et deux écuyers et au lieu d'une bête mulasse, il peut avoir un bon palefroi ; s'il arrivait qu'un frère le lui demandât pour monture, s'il le veut, il peut lui donner. Et s'il tenait un roncin avec les troupes légères et qu'un frère qui devait être payé pour un don le lui demandât, il doit le lui donner. Il doit avoir un frère sergent avec avec une bête et il peut lui prêter, s'il le veut, une autre bête de la caravane. Il doit avoir un turcoman avec une bête et un aiguiller de quatre toiles et de trois bâtons et de deux crochets et pour son écuyer et son harnais, il doit avoir une grebeleure. Il doit avoir le même équipement que le couvent et la même provision. Quand il chevauche en l'herbage avec le couvent, ou ailleurs, les équpages du commandeur de la terre doivent porter son aiguiller, son orge et son chaudron, cela en quelque terre qu'il soit.

102. Le maréchal doit avoir sous son commandement toutes les armes et les armures de la maison, celles que 1'on achète pour les frères du couvent, celles en don, en aumône ou de gain. Et tous les gains qui ont trait aux armes ou qui viennent d'une vente aux enchères, doivent aller entre les mains du maréchal. Et tout le harnais qui touche aux armes qui ont été d'un frère que Dieu a rappelé à lui, doit venir aussi en sa main, sauf les arbalètes qui doivent aller entre les mains du commandeur de la terre et les armes turques que les commandeurs achètent pour les donner aux frères sergents pour les besoins qui leur sont commandés. Le maréchal, en tous les lieux où il est, doit faire les commandements et les distinctions des frères. Mais il ne peut pas mettre un frère à sa place s'il ne va hors de la terre ou s'il est malade.

103. Quand le cri de guerre est levé, les commandeurs des maisons doivent réunir leurs bestiaux et quand ils les ont recueillis, ils doivent tous venir à l'échelle du maréchal d'où ils ne doivent pas s'en aller sans permission. Et tous les frères chevaliers, tous les frères sergents et tous les gens d'armes sont au commandement du maréchal quand ils sont en armes. Le maréchal, en quelque terre qu'il soit, peut acheter des chevaux, des mulets ou des mules. Mais il doit le faire savoir au maître s'il est là. Et le maître doit lui faire donner des besants s'il voit qu'il en a besoin. Le maréchal peut donner à un prud'homme du siècle une selle qui a servi ou qui a été rendue ; il peut donner quelques petits harnais mais qu'il ne le fasse pas trop souvent ; sans le maître, il ne doit rien faire.

104. Quand le maréchal est en la terre de Tripoli ou d'Antioche, le commandeur de la terre peut mettre la maréchaussée sous ses ordres s*il le veut. Et s'il le veut, il ne la mettra pas. Et si le maréchal veut. il la prendra et s'il le veut il ne la prendra pas. Et si le commandeur la lui met dans sa main et qu*il la prenne, il peut donner aux frères ce dont ils auront besoin et s*il ne la met dans sa main, le menu harnais sera en la main du maréchal du couvent. S'il y a un maréchal dans la terre, le maréchal du couvent n'a aucun pouvoir sur la maréchaussée du pays, hors des commandements de la maison qu'il doit faire partout où il sera ; il en est de même du menu harnais. » Mais s'il le prie de lui donner un cheval qui se trouve dans la caravane, pour le donner à un frère qui ait domicile dans la terre, le maréchal de la terre doit lui obéir.

105. Et si le maréchal du couvent le prie de le donner à un frère qui n'a pas domicile dans la terre, il peut le refuser s'il veut ; mais s'il y a la guerre dans le pays et qu'il y ait un frère privé de cheval ou d'autre bête mulasse et qu'il doit aller en chevauchée, le maréchal du couvent peut aller dans la caravane et voir ce qu'il y a ; et il peut commander au maréchal de la terre que tel cheval aille à tel frère et celui-ci doit lui obéir. Et lorsque les frères sont revenus, les bêtes doivent être rendues à la caravane. S'il y a deux échelles de chevaliers, le maréchal de la terre doit en avoir une ; et s'il n'y a pas de maréchal dans la terre, le commandeur de la terre doit avoir une échelle, s'il lui plaît et s'il peut le faire.

106. Le maréchal du couvent peut nommer par conseil le sous-maréchal et le gonfanonier. Et si le maréchal désire envoyer d'une maison à une autre une partie du harnais de la maréchaussée à porter en host, ou en chevauchée, ou à l'herbage, le commandeur de la terre doit la faire porter sur les sommiers, ce que le maréchal lui paiera. Dans la terre où sera le maréchal du couvent, le commandeur de la terre ne peut se servir de l'équipement du couvent sans lui en parler. Comme il est dit du maréchal du couvent dans la terre de Tripoli, il en est de même dans celle d'Antioche. Le maréchal du couvent doit faire tous les appels et tous les commandements aux frères là où est le maitre ou en autre lieu, et là où il est, car il est bailli du couvent. Le maréchal doit tenir chapitre dans la terre de Jérusalem si le maître n'y est pas, ou le sénéchal, ou tout autre qui doit avoir la place du maître.

107. Quand les bêtes viennent d'outre-mer, elles doivent être gardées dans la caravane tant que le maître ne les a vues. Et le maître peut en prendre pour son usage et, si besoin est, il peut prendre, comme il est dit ci-dessus, un cheval ou deux pour les donner ; mais il doit les faire garder dans la caravane tant qu'il ne les a pas donnés ; le maréchal peut ensuite répartir les autres bêtes entre les frères, là où il verra qu'il y en a besoin. Si des frères trépassent de ce siècle tandis qu'ils sont en résidence dans la terre, qu'ils sont envoyés dans un autre pays sans leur équipage, celui-ci doit retourner à la maréchaussée de la terre. L'équipement des autres frères du couvent doit venir à la maréchaussée du couvent.

108. Quand les frères sont répartis dans les maisons, le maréchal ne peut pas changer un frère pour un autre. Le maréchal du couvent ne peut prendre un frère en résidence dans une terre pour le mettre au couvent, ni pour le mettre hors de la terre ; le maréchal du couvent ne peut pas laisser en la terre un frère du couvent sans l'autorisation du maître. Quand le maître et les frères mettent les frères hors du chapitre pour nommer un commandeur en deçà de la mer, le maréchal ne doit pas sortir à moins que le couvent ne l'ait remercié de sa fonction. Mais tous les commandeurs en deçà des mers peuvent être mis hors du chapitre pour faire le maréchal sans avoir la merci de leurs baillies, sauf le sénéchal et le commandeur du royaume de Jérusalem.

109. Le maréchal ne peut envoyer son compagnon de rang pour aller d'une terre à l'autre pour l'étage, mais il peut l'envoyer pour la quinzaine, pour le portage et pour l'échelle. Le maître et le commandeur de la terre doivent trouver en la maréchaussée tout ce dont ils auront besoin, sauf l'acier et le fil de Bourgogne.

Retraits du commandeur de la terre de Jerusalem
110. Le commandeur du royaume de Jérusalem doit avoir quatre bêtes et au lieu d'une bête mulasse, il peut avoir un palefroi et deux écuyers et un frère sergent à deux montures et un diacre qui sache écrire et un turcopole avec une bête et un écrivain avec une bête et deux garçons à pied comme le sénéchal, une grebeleure pour ses écuyers et un aiguiller comme le maréchal. Mais le drapier doit être son compagnon.

111. Le commandeur de la terre est trésorier du couvent et tous les avoirs de la maison de quelque endroit qu'ils soient apportés ou d'en deçà des mers ou d'en delà de la mer, ils doivent être rendus et baillés entre la main du commandeur de la terre, et il doit les mettre au trésor et il ne doit rien toucher, ni remuer tant que le maître ne les a vus et comptés. Et quand il les aura vus, ils seront mis par écrit ; le commandeur les gardera au trésor et s'en servira suivant les besoins de la maison. Et si le maître, ou une partie des prud'hommes de la maison, veulent entendre le compte, il doit le leur rendre.

112. Le commandeur de la terre doit garnir la draperie de toutes les choses dont on aura besoin et il prendra ce qu'il voudra avec l'assentiment du drapier ; le drapier doit lui obéir. Le commandeur de la terre peut donner un palefroi, ou un mulet, ou une mule, ou une coupe d'argent, ou une robe de vair ou de brunette, ou une étoffe de vair, ou une toile de Reims aux amis qui font de grands présents à la maison. Et toutes les robes de vair, de gris, d'écarlate et tous les draps non taillés qui proviennent de dons ou d'aumônes à la maison sont au commandeur de la terre ; les autres robes taillées doivent aller à la draperie.

113. Le commandeur de la terre doit avoir les achats et les legs de cent besants, même ceux qui sont faits aux maisons de son commandement. Mais si le legs est supérieur à cent besants, il doit être mis dans la recette et s'il est de cent besants juste, il doit venir entre les mains du commandeur de la maison, là où l'aumône est faite ; mais si le legs est fait sur mer pour la maison, de grand ou de petit avoir, il doit venir à la recette. Si un esclave se rachète, qu'il soit sous les ordres du commandeur ; si la somme est de plus de mille besants, l'argent doit aller en la recette , et si la rançon s'élève à mille besants juste, elle doit venir entre là main du commandeur, et si l'esclave est de la maréchaussée et que la rançon se monte à mille besants, elle doit venir entre la main du maréchal, et si la rançon s'élève à plus de mille besants, elle doit être mise en la recette.

114. Le commandeur peut donner aux frères une ou deux bêtes mulasses de sa corde, ou un de ses sommiers ; mais qu'il ne le fasse pas trop souvent. Le commandeur ne doit pas tenir à sa corde la bête que le frère aura changée, car elle doit aller à la maréchaussée, si le maréchal n'a pas donné permission au frère de la changer. Si le commandeur fait nourrir des poulains aux frères de son commandement, et que des frères du couvent lui en demandent pour cheval, et qu'il soit payé, il peut bien en donner un ou deux. Mais qu'il ne le fasse pas trop souvent.

115. Si le commandeur a besoin de chevaux pour les frères des étables et des parcs et qu'il en demande au maréchal, celui-ci doit l'aider s'il a de quoi, et il peut bien prêter des poulains et des chevaux. Mais quand il le voudra, il pourra les reprendre pour équiper les frères du couvent ; et le commandeur doit les lui rendre quand ils seront pour le besoin. Et si un frère demande une bête au maréchal qu'il a prêtée de la maréchaussée, il peut la donner, car toutes les bêtes qui sortent de la maréchaussée doivent y retourner ; mais si le commandeur achète les poulains, et qu'il les baille aux frères, ou s'il y a des bêtes qu'il nourrit, le maréchal ne doit rien prendre sans congé du commandeur ou du maître. Et si le maréchal n'a pas de quoi en acheter et qu'il en informe le maître ou le commandeur, ils doivent lui faire bailler les bêtes que les frères de son commandement doivent nourrir et celles dont il pourra payer les frères du couvent. Et le maître ne peut en prendre qu'il ne le fasse savoir au commandeur ; et le commandeur doit lui obéir. Le commandeur peut acheter des sommiers, des chameaux et autres bêtes dont il aura besoin pour son affaire.

116. Tous les gains, toutes les bêtes de selle, tous les esclaves et tout le bétail que les maisons du royaume de Jérusalem gagnent par la guerre doivent être au commandement du commandeur de la terre, sauf les bêtes de selle, les armures et les armes qui entrent à la maréchaussée. Si le commandeur du royaume de Jérusalem veut chevaucher à travers la terre, et qu'il porte des avoirs avec lui, il peut demander au maréchal les frères dont il aura besoin pour l'accompagner. Le maréchal doit les lui donner.

117. Si les bêtes du commandeur sont fatiguées et qu'elles ont travaillé, et qu'il y en ait besoin pour la maison, il doit les demander au maréchal ou à celui qui sera à sa place et celui-ci doit les lui procurer ; et le commandeur doit mettre ses bêtes en la caravane. Quand il retournera, il doit reprendre ses bêtes et rendre les autres là où il les a prises. Si le commandeur veut faire garnir une selle à la maréchaussée, pour lui-même ou pour un ami de la maison, il peut le faire, mais qu'il ne le fasse pas trop souvent.

118. Le commandeur de la terre ne peut envoyer des frères hors de sa baillie dans une autre terre pour résidence, s'il ne les envoie par ordre du maître. Toutes les maisons et tous les casaux du royaume de Jérusalem, et tous les frères qui y sont, sont au commandement du commandeur de la terre. Le commandeur ne doit pas faire de grandes réprimandes, ni de présents aux gens du siècle et aux chevaliers là où se trouve le maître, si ce n'est à des amis de la maison, en privé. Si le maître n'y est pas, il peut le faire.

119. Si le commandeur a besoin de dépense, il doit le faire savoir au maître, et, par lui, il doit prendre ce qu'il lui faudra. Tous les vaisseaux de mer qui sont de la maison d'Acre sont au commandement du commandeur de la terre. Et le commandeur de la voûte d'Acre, et tous les frères qui sont sous ses ordres sont en son commandement et toutes les choses que les vaisseaux apportent doivent être rendues au commandeur de la terre. Mais si une chose nommée est envoyée soit au maître soit à un autre frère, cette chose doit être rendue là d'où elle est envoyée. Quand il vient de répartir les frères du couvent dans les maisons, le commandeur peut dire au maréchal: « Mettez-en tant dans telle maison et tant dans l'autre. » Et le maréchal doit le faire et il ne doit en mettre ni plus ni moins.

Retraits du commandeur de la cité de Jerusalem
120. Le commandeur de la cité de Jérusalem doit avoir quatre bêtes et, au lieu d'une bête mulasse, il peut avoir un Turcoman ou un bon roncin, deux écuyers, un frère sergent avec deux bêtes et un écrivain sarrasinois avec une bête et un turcopole avec une bête ; il doit avoir la même prébende que le maître et, dans la cité de Jérusalem, tenir sous ses ordres le commandeur des chevaliers.

121. Le commandeur de la cité de Jérusalem doit avoir dix frères chevaliers en son commandement pour conduire et garder les pèlerins qui vont au fleuve Jourdain ; et il doit porter une tente ronde et le gonfanon haussant ou enseigne, tant que dure sa baillie. Pour cela, lorsqu'il est en herbage, s'il trouve un homme malade, il le met dans sa tente et le sert avec les aumônes de la maison ; pour cela, il doit porter une tente ronde, mener les bêtes de somme, porter la viande et ramener les pèlerins sur les bêtes de somme, si besoin est.

122. Lorsqu'on emporte la vraie Croix en chevauchée, le commandeur de Jérusalem et les dix chevaliers doivent la garder nuit et jour, et ils doivent héberger au plus près qu'ils pourront de la vraie Croix tant que durera la chevauchée, et chaque nuit deux frères devront la veiller et la garder ; si, par aventure, il advient que l'herbage soit arrêté, tous doivent héberger avec le couvent.

123. Le commandeur de Jérusalem peut donner aux frères partout où il est des chevaux, des mulets et des mules et des selles turques d'un homme du siècle, s'ils lui sont présentés. Et tous les gains qui sont faits par la guerre outre le Jourdain et qui affairent au commandeur du royaume de Jérusalem, le commandeur de la cité de Jérusalem doit en avoir la moitié, et tous les gains qui sont faits en deçà du fleuve, il ne prend rien, car ils affairent au grand commandeur du royaume de Jérusalem.

124. Tous les chevaliers du siècle qui sont à Jérusalem et sont affiliés à la maison doivent aller héberger près de lui et doivent chevaucher avec son gonfanon. Et tous les frères qui demeurent dans la ville, tous ceux qui vont et viennent sont à son commandement si le maréchal est absent, et ils doivent faire ce qu'ils doivent faire par son congé.

Retraits des commandeurs de la terre de Tripoli et d'Antioche
125. Le commandeur de la terre de Tripoli et celui de la terre d'Antioche doivent chacun avoir quatre bêtes et, au lieu d'une bête mulasse, ils peuvent avoir un palefroi, et un frère sergent avec deux bêtes, un diacre avec une bête, un turcopole avec une bête, un écrivain sarrasinois avec une bête, et un garçon à pied. Et, en tous les lieux où ils sont dans leur baillie, ils sont à la place du maître, si le maître n'y est. Et ils doivent avoir une tente ronde et un gonfanon baussant, et un chevalier pour compagnon qu'ils peuvent prendre du rang pour aller d'une terre à une autre. Ils doivent avoir la même prébende d'orge que le maître. Et toutes les personnes qui ont domicile dans les maisons de leur baillie sont à leur commandement, soit avec des armes, soit sans armes. Et ils peuvent tenir chapitre, si le maître n'y est, tant que durera leur baillie.

126. Et ces commandeurs doivent garnir les chateaux de leur commandement avec du cuir, du blé, du vin, du fer, de l'acier et des sergents pour garder les portes ; et les autres choses doivent être trouvées par les châtelains ; et s'il leur faut quelque chose et qu'ils n'ont pas de quoi acheter, les commandeurs doivent leur trouver et leur donner de quoi acheter.

127. Les maréchaussées de leurs baillies sont à leur commandement, et ils ont à trouver, pour leurs garnisons, des chevaux, des mules, des mulets et autres équipements dont ils auront besoin. Et s'il n'y a pas de maréchal dans la terre, ils doivent donner l'équipement aux frères et ils doivent faire les commandements de la maison partout là où le maréchal du couvent n'est pas, et s'ils en ont besoin, les commandeurs doivent leur trouver les garnisons pour leurs maréchaussées ; et aussi ils doivent trouver ce qu'il leur est nécessaire à la draperie. Et s'il y a un maréchal de la terre, les commandeurs peuvent les mettre et les ôter par le chapitre de la terre ; et, tous ensemble, les commandeurs peuvent mettre et ôter les drapiers et les châtelains qui sont dans leurs baillies.

128. Le commandeur ne doit pas faire de grandes semonces, ni de grands présents aux gens, ni aux chevaliers du siècle, au lieu où est le maître, si ce n'est à un ami ou un confrère de la maison. Et personne ne peut donner la permission de la saignée, ni de faire courir les chevaux au galop, ni de faire des tournois, dans un lieu où il est. Ces commandeurs n'ont pas pouvoir d'augmenter ou de diminuer la ration d'orge, ni mettre les bêtes des frères au haras s'ils n'en ont commandement du maître et du chapitre, si le maître est dans la terre ; et s'il n'y est pas, ils peuvent le faire par le conseil des frères du couvent, sauf pour la quatrième bête, qui est en leur volonté de la mettre au haras ou de la retenir pour une demi-prébende.

129. Et ces commandeurs, s'ils le veulent, ils verront les trésors des châteaux, des maisons chevetaines de leur commandement et des garnisons ; et s'ils veulent prendre quelque chose aux commandeurs des maisons, ils doivent en prendre ce qu'ils en voudront. Et ces commandeurs peuvent donner des bêtes, des robes et tout ce qu'il est dit du sénéchal, pour le profit de la maison. Et tous les jours qu'ils sont en la maison du Temple dans leur baillie, ils doivent nourrir trois pauvres pour Dieu, de la viande des frères. Et ces commandeurs ne peuvent donner asile à un homme s'ils n'en n'ont reçu ordre du maître. Et quand le commandeur de la terre d'Antioche va en la terre d'Arménie, il peut mener un chapelain et porter la chapelle.

Retraits du drapier
130. Le drapier du couvent doit avoir quatre bêtes, deux écuyers, un homme de peine, un aiguiller comme le maréchal, une grebeleure avec ses écuyers, et une autre avec ses tailleurs de parements et l'équipement de la parementerie qui doivent être portés par les hommes de peine ainsi que son aiguiller. Le drapier doit donner aux frères ce qui est nécessaire pour se vêtir et pour dormir, comme il affaire à sa charge, sauf les tapis de laine des lits. Lorsque les robes viennent d'outre-mer, le drapier doit être là pour défaire les paquets, et tous les présents qui viennent aux frères du couvent, il doit les prendre et les mener là où ils doivent être. Et il doit prendre garde que les frères soient habillés honnêtement, et si un ne l'est pas, il peut lui commander et il doit obéir ; car après le maître et le maréchal, le drapier a une place supérieure à tout autre frère.

131. Le drapier doit prendre garde qu'aucun frère n'ait surabondance ou possède une chose qu'il ne doit ; qu'il les fasse laisser ou rendre là où ils le doivent, car tous les frères doivent être contre celui qui fait ou dit des choses fausses. Le drapier doit prendre du frère, quand on le fait frère, toute la robe, sauf si elle est de vair ou d'écarlate ; et s'il donne de l'or ou de l'argent ou de la monnaie à la maison, s'ils valent jusqu'à dix besants, ils doivent rester à la draperie et le surplus va au commandeur de la terre. Et tout ce qui est dit du drapier du couvent, il en est de même du drapier de la terre de Tripoli et d'Antioche, hors l'aiguiller qu'ils ne doivent pas avoir.

Retraits des frères chevaliers commandeurs des maisons
132. Les commandeurs chevaliers des maisons doivent avoir quatre bêtes et deux écuyers chacun et, pour deux de leurs bêtes, la même prébende que le maître, et les deux autres bêtes comme le couvent. Et lorsque les frères du couvent ont trois bêtes, ils peuvent en avoir trois, et quand les frères du couvent en ont deux, ils peuvent en avoir trois. Et ces commandeurs peuvent donner cent besants au maréchal, et cinquante besants au drapier, et vingt besants au sous-maréchal, et dix besants au sous-drapier, et à un frère du couvent, ils peuvent donner un besant ou une cotte, ou une chemise ou une guarnache, ou un cuir de daim ou un bouqueran.

133. Les commandeurs chevaliers des maisons peuvent se donner jusqu'à cent muids de leur cuisine et faire bonté de leur viande et peuvent changer ou donner un de leurs sommiers à un frère du couvent, et le frère du change doit prendre congé du maréchal ou mettre sa bête dans la caravane. Ces commandeurs ne doivent pas faire de grands présents, ni de grandes semonces aux gens du siècle, dans un lieu où le maître ni le commandeur de la terre se trouvent, s'ils ne le font par eux, si ce n'est à un confrère ou un ami de la maison, en privé.

134. Ces commandeurs, ni autres, ne peuvent condamner d'eux-mêmes un frère qui est en leur charge pour des paroles qu'ils ont eues entre eux ; pour cela ils doivent venir en chapitre ; car ainsi seront crus les frères, comme les commandeurs ; mais les commandements que font les commandeurs aux frères qui sont en leur pouvoir, seront crus, et ils peuvent les recevoir d'eux seuls et reprendre un frère lorsqu'ils le doivent, sauf l'habit.

135. Si le commandeur veut donner une des bêtes de sa corde à un frère du couvent, il doit prendre congé de son commandeur et la bête du frère du couvent doit être mise dans la caravane. Mais si le frère du couvent fait échange de bête au commandeur par congé du maréchal, la bête du frère doit revenir au commandeur. Et si le commandeur a de bons poulains, il peut les donner aux frères de son commandement ou d'autres montures s'il les a, et il peut donner aux frères cavaliers une bête mulasse ou de quoi l'acheter et il peut acheter des poulains et des sommiers pour qu'ils soient nourris par leurs vilains.

136. Ces commandeurs ne peuvent bâtir aucune maison nouvelle en chaux, ni en mortier, ni en pierre sans la permission du maître ou du grand commandeur de la terre. Mais ils peuvent refaire et réparer des maisons en ruine.

Retraits du commandeur des chevaliers
137. Le commandeur des chevaliers doit être au commandement du commandeur de la terre, qu'il ait des armes ou sans armes, là où le maréchal n'est pas, sauf de donner congé aux frères pour la saignée, et pour se baigner et de faire courir le cheval au galop. Il peut donner congé à un frère de couvent de dormir une nuit dehors, il peut tenir le chapitre, là où le maréchal ni le commandeur de la terre ne sont.

Retraits des frères chevaliers et des frères sergents du couvent
138. Les frères chevaliers du couvent doivent avoir chacun trois bêtes et un écuyer et la quatrième bête et le second écuyer, s'ils les ont, sont à la discrétion du maître ; et ils doivent avoir pour leurs bêtes la ration commune d'orge, l'haubert, les chauces de fer, le heaume, le chapeau de fer, l'épée, l'écu, la lance, la masse turque, le jupon d'arme, les espalières, les souliers d'arme, trois couteaux: un d'arme, l'autre pour couper le pain et un canif ; et ils peuvent avoir des couvertures de chevaux, et deux chemises et deux braies, et deux paires de chausses, et une petite ceinture qu'ils doivent mettre sur leur chemise. Ainsi doivent se coucher les frères du Temple, sauf quand ils sont malades à l'hôpital ; et ils doivent le faire par congé. Et ils doivent avoir un jupon à giron devant et derrière, et une pelisse couverte, et deux manteaux blancs, l'un à pan, l'autre sans pan ; mais celui à pan doit être rendu en été, et le drapier peut bien le laisser pour leur besoin.

139. Il doit avoir une chape, une cotte, une courroie de cuir pour ceinture, un sac pour mettre la paille, un linceul, et une étamine, ou ce que le drapier voudra lui donner, une carpite, si on lui donne, pour couvrir son lit, ou un haubert quand il chevauche mais la carpite doit être blanche, ou noire, ou rayée et deux petits sacs, un pour mettre la robe de lit l'autre pour les jupons d'arme et les espalières, et un sac de cuir ou un sac en mailles de fer pour mettre le haubert ; et s'il a l'un, il ne peut avoir l'autre.

140. Il peut avoir une toile pour manger et une autre pour se laver, une carpite pour cribler l'orge, une chemise pour couvrir les chevaux ; et si la carpite lui est accordée, il ne doit point avoir de chemise. Il doit avoir un chaudron pour cuisiner et un bassin pour mesurer l'orge. Il peut avoir une hache et une râpe par congé ; et s'il va d'une terre à une autre, il ne peut pas tout porter sans congé du maître. Il peut avoir trois paires de besaces, une de frère et deux d'écuyers, deux hanaps pour boire, deux flacons, une longe, une sangle à boucle, une écuelle en corne et une cuiller. Il peut avoir un chapeau de bonnet et un de feutre ; une grebeleure et un chevallet ; le jupon d'arme doit être blanc.

141. Et les jupons d'arme des frères sergents doivent être noirs avec la croix rouge devant et derrière. Et ils peuvent avoir leurs manteaux noirs ou bruns ; et ils peuvent avoir la même chose que les frères chevaliers, sauf l'équipement des bêtes qu'ils n'ont pas, ainsi que la grebeleure et le chaudron. Et ils peuvent avoir l'hauberjon sans manche, les chausses de fer sans avant-pied, un chapeau de fer. Toutes ces choses, ils peuvent les avoir selon les aises de la maison.

142. Et un frère du couvent peut donner, sans congé, à un autre frère une garnache qu'il aura portée un an, une vieille cotte, un vieux jupon. une chemise, des braies, des bottes, une lanterne si c'est lui qui l'a faite, un cuir de daim et une chevreline. Et si un écuyer s'en va de son seigneur et qu'il a bien servi la maison pendant son terme, son seigneur ne doit pas lui prendre la robe qu'il lui a prétée, sauf la garnache d'un an ; celle de deux ans, il peut la donner s'il veut.

143. Il y a cinq frères sergents qui doivent avoir deux bêtes: ce sont le sous-maréchal, le gonfanonier, le frère queux du couvent, le maréchal-ferrant du couvent, le commandeur de la voûte de la mer d'Acre. Et chacun de ces cinq peut avoir deux bêtes et un écuyer. Et aucun des autres frères sergents ne peut avoir plus d'une bête, et l'autre, le maître peut la leur prêter et la reprendre quand il lui plaira ; et s'il advient qu'un de ces cinq frères susnommés soit nommé commandeur dans une maison, l'autre bête doit revenir au maréchal.

144. Une chose qu'un homme du siècle donne à un frère du couvent pour lui-même, il ne doit pas la prendre sans congé, si ce ne sont des dons ou une cession qui sont donnés à la maison en aumône ; et cela peut être pris et donné à la maison. Aucun frère ne peut accourcir ses étriers sur les pendants. ni sa ceinture, ni sa range d'épée, ni sa ceinture de braies sans congé ; et là où il ne peut aller sans congé, il ne peut envoyer son écuyer ni sa bête.

145. Si les frères sont à table, qu'ils mangent et que leur nez saigne, ou que le cri de guerre est lancé, ou le feu, ou que les chevaux se battent, pour éviter les dommages de la maison, pour toutes ces choses ils peuvent se lever sans congé et puis retourner manger à table s'ils le veulent. Lorsque les frères sont hébergés au dortoir, ils ne peuvent aller, sans congé, dormir dans un autre lieu ; et quand ils sont en herbage et que leurs tentes sont tendues, ils ne peuvent pas aller d'un endroit à un autre sans congé ; personne ne doit aller dans l'herbage des personnes du siècle ou d'un autre ordre sans congé s'ils ne sont hébergés près de l'hôpital corde à corde.

146. Quand la cloche sonne, ou que l'on appelle pour dire les heures ou pour assembler les frères, tous les frères doivent aller au moutier ; si par détresse de maladie, ou s'il a les mains dans la pâte, ou que le fer soit bouillant pour battre la chaude, ou s'il est paré pour ferrer le pied d'un cheval, pour ces choses devant dites, un frère peut se dispenser de none et de vêpres. Et quand ils ont fait ce qu'il est dit ci-dessus, ils doivent aller au moutier pour dire les heures, pour les entendre, et aller là où les autres demeurent. Mais des autres heures, ils ne peuvent s'en dispenser sans congé, sauf s'ils sont empêchés par la maladie.

147. Et lorsque les frères entendent ensemble la messe ou les heures, ils doivent s'agenouiller ensemble et s'asseoir et être debout ; car tout cela la règle le dit. Mais les vieux et les malades doivent se tenir dans une autre partie du moutier, s'ils ne peuvent se tenir comme les frères sains ; et ceux qui ne savent pas quand les frères doivent s'agenouiller, ou être aux heures, ils doivent le demander à ceux qui le savent et apprendre comment on le fait et ils doivent être derrière les autres.

Comment les frères doivent prendre herbage
148. Quand le gonfanon prend l'herbage, les frères doivent héberger autour de la chapelle et hors des cordes, chacun venant à sa route ; et ceux qui sont hors des cordes doivent tendre leur grebeleure dehors et mettre leur équipement dedans ; et chaque frère peut prendre place pour toute la compagnie. Aucun frère ne doit prendre place tant que le cri n'a pas été lancé: « Hébergez-vous, seigneurs frères, de par Dieu », jusqu'à ce que le maréchal ait pris place ; sauf le maître, la chapelle, la tente de la viande avec son commandeur, et le commandeur de la terre ; et si des frères ont pris place, le maréchal la pourrait donner à qui il voudrait, s'ils ne l'ont fait par congé. Et chaque frère peut prendre place au moutier ou à la chapelle, à savoir depuis la porte jusqu'à la moitié, car s'ils étaient plus haut, ils gêneraient le prêtre, pour quoi cela est défendu. Et quand quelqu'un dit les heures, un frère doit aller chercher l'autre qui a sa place près de lui, s'il n'y est.

149. Aucun frère ne doit envoyer au fourrage sans congé, ni au bûcher, tant qu'on ne le crie pas, si ce n'est près de l'herbage pour qu'il puisse entendre le cri. Et ils doivent couvrir leurs selles de l'esclavine, de la carpite ou d'autre chose ; et s'ils font porter des pierres dessus, ils doivent le faire par congé. Et la selle à croix, ils ne peuvent l'avoir sans congé ; un frère qui a deux écuyers ne doit en envoyer qu'un entre l'herbage ou le pré, pour l'avoir avec lui s'il en a besoin. Aucun frère ne doit aller en réduit tant qu il n'entend pas le cri ou la cloche. Les frères qui sont en résidence dans les maisons en temps de guerre ne doivent pas chevaucher, sauf comme il est dit ci-dessus ; aucun frère ne peut chevaucher plus d'une lieue de la terre sans congé en temps de guerre ou en temps de paix ; aucun frère de couvent ne peut chevaucher sans congé, sans bottes et pendant le jour entre deux repas. Le crieur et le grainetier doivent héberger avec le gonfanonier et ce qu'il criera il doit faire la même chose pour lui, et pour celui qui le fera crier.

150. Quand les frères sont hébergés et que l'on crie aux livraisons, les frères doivent agrafer leur manteau et aller bellement et en paix, l'un après l'autre, et prendre de ce que par Dieu on voudra leur donner. Si des gens du siècle ou des frères qui ne sont pas à l'herbage leur envoient des présents de viande, ils doivent les envoyer au commandeur de la viande, et ils n'en doivent rien retenir sans congé. Et si le commandeur leur envoie, ils peuvent en manger et le donner à qui ils voudront ; mais la plus belle chose est que le commandeur le leur rende plutôt qu'il ne le retienne. Et s'il y a un frère qui mange la viande de l'infirmerie, pour sa maladie, les frères qui sont hébergés avec lui peuvent en manger de telle manière que le frère n'en souffre pas.

151. Chaque frère peut convier tout prud'homme que l'on doit honorer, qui vient dans son campement, ou qui passe devant son hôtel ; et le commandeur de la viande doit donner au frère des viandes qu'il aura, si largement que tous ceux de l'hôtel puissent en avoir en abondance pour l'honneur du prud'homme ; et ainsi, il est dit des baillis comme des autres. Toutes quêtes de viandes sont défendues aux frères du couvent, des viandes de la maison et d'autres gens, sauf pour les herbes des champs, les poissons, les oiseaux, et les bêtes sauvages, s'ils les savent prendre sans chasser , car la chasse est défendue par la règle. Nul frère ne doit avoir de la viande dans son hôtel, sauf celles que l'on livre à la tente de la viande, s'il ne l'a pas eue par congé. Lorsque le commandeur de la viande met les pièces en rang pour les livrer aux frères, il ne doit pas mettre deux pièces du même endroit: ni deux hanches, ni deux épaules ensemble ; mais il doit les répartir aux frères le plus communautairement qu'il pourra.

152. Si le commandeur de la viande veut faire crier aux livraisons, il doit le faire savoir au frère sergent du maître pour qu'il fasse crier ; et quand le frère sergent du maître va à la livraison, on doit lui donner du plus beau qui sera ; et les compagnons du maître doivent prendre ce que le commandeur de la viande leur donnera. Il n'est pas belle chose que le commandeur de la viande fasse des présents au campement à un frère s'il n'est pas malade ; il doit livrer communautairement, aux uns comme aux autres ; et aux malades, il peut donner deux viandes ou trois, et des meilleures qu'il aura, et lorsque les bien-portants auront un mets, les malades doivent en avoir deux ; et il doit alors donner la même chose aux malades comme aux bien-portants. Et lorsque les bien-portants auront deux viandes, les malades pourront en avoir trois ou plus ; mais ils n'auront pas moins de deux mets lorsque les bien-portants n'auront qu'un mets.

153. Les écuelles de chair de deux frères de couvent doivent être telles que de ce qui reviendrait à deux frères, on puisse soutenir deux pauvres. Et de deux écuelles de frères que l'on en fasse trois pour les turcopoles , et de deux de turcopoles que l'on en fasse trois pour les sergents. Les mesures doivent être égales. Et lorsque les frères jeûnent, on doit livrer entre deux et deux frères quatre mesures de vin ; et quand ils ne jeûnent pas entre deux frères, cinq mesures et entre deux turcopoles trois mesures ; et il doit en être de même pour l'huile. Et cela doit se faire dans la terre de Tripoli et d'Antioche.

154. Aucun frère ne doit demander des chevaux, des mulets, des mules, ni autre chose si petite soit-elle ; et si un frère a un cheval qui soit rétif, ou tirant, qui se cabre, ou qui tombe, il doit le montrer ou le faire montrer au maréchal ; et lorsqu'il le voit, le maréchal ne doit pas le faire garder, mais il doit le changer, s'il a de quoi. Et si le maréchal ne veut pas lui changer, le frère peut se faire porter en repos de son cheval s'il le veut, comme il l'entendra, jusqu'à ce qu'il puisse le monter , mais le maréchal ne doit pas le forcer à monter dessus par un commandement, si ce n'est par sa bonne volonté.

155. Si le cri est poussé en campagne, ceux qui sont près du cri doivent aller avec leurs écus et avec leurs lances, et les autres frères doivent aller à la chapelle pour entendre le commandement que l'on fera. Et si le cri est poussé hors du campement, ils ne doivent aller sans congé ni pour le lion, ni pour les bêtes dévorantes.

Comment les frères vont dans la troupe
156. Quand le couvent va chevaucher, les frères ne doivent pas mettre leurs selles, ni faire les paquets, ni monter, ni bouger de leur place, sauf si le maréchal le fait crier ou s'il le commande ; mais les chevilles et les flacons vides et la hache de campagne et la corde de campagne et le puisoir peuvent être mis sous les bêtes avant que l'on dise de faire les paquets. Et si un frère veut parler au maréchal, il doit y aller à pied, et quand il aura parlé, il doit retourner à sa place ; et il ne doit pas aller ailleurs que sa place, avant que 1'on ait dit de monter, tant que dure le campement de ses compagnons.

157. Quand le maréchal fait crier l'ordre de monter, les frères doivent regarder leurs places, que rien de leur équipement ne reste, puis ils doivent monter et aller en route bellement, au pas ou à l'amble, leurs ecuyers près d'eux, et se mettre dans la troupe s'ils trouvent une place vide pour eux et leur équipement et s'il n'y a pas de place, ils peuvent bien la demander à un frère qui l'aura prise, et il lui donnera s'il veut, et s'il ne veut pas, il ne lui donnera pas. Et quand ils ont pris la route, chaque frère doit mettre son écuyer et son équipement devant lui. Et s'il fait nuit, qu'il y ait le silence, si ce n'est pour un besoin profitable. Puis ils doivent aller bellement et en paix dans la troupe jusqu'au lendemain qu'ils aient entendu prime ou qu'ils aient dit prime, de la même manière qu'il est établi dans la maison, et ainsi tant que dure le campement. Le frère qui a pris la troupe, peut la donner à un autre frère qui ne l'aura pas prise et personne ne peut la donner devant ou derrière lui et puis ces deux frères, ou un autre qui l'aurait donnée ou prise de cette manière, ne pourraient pas la donner ni avant ni après.

158. Et si deux frères veulent parler de l'un à l'autre, le premier doit venir en arrière, de manière que leur équipement soit devant eux, et quand ils auront parlé, chacun doit retourner à sa troupe. Et si un frère chevauche sur le côté de la troupe pour son affaire, il doit aller et venir sous le vent ; car s'il allait sur le vent, la poussière ferait mal et ennui à la troupe. Et s'il advenait qu'un frère ne puisse ou ne sût venir à la troupe, un des frères doit le mettre devant lui tant qu'il est jour, et il doit retourner dans sa troupe au plus beau et au plus tôt qu'il pourra. Il en est dit ainsi des écuyers. Et aucun frère ne doit chevaucher au côté de la route, ni deux, ni trois, ni quatre ni plus pour se divertir ou pour parler. Ils doivent aller ainsi près de leur équipement et tenir chacun sa troupe bellement et en paix.

159. Aucun frère ne doit s'éloigner de sa route pour abreuver ni pour autre chose, sans congé, et s'il passe sur l'eau courante en terre de paix, les frères peuvent abreuver leurs bêtes s'ils le veulent, mais qu'ils n'entravent pas la troupe. Et s'ils passent l'eau en terre de surveillance, et que le gonfanon passe sans abreuver, ils ne doivent pas abreuver sans congé ; et si le gonfanon s'arrête pour abreuver, ils peuvent abreuver sans congé. Et si le cri est poussé dans la troupe, les frères qui seront près du cri peuvent monter sur leurs chevaux et prendre leurs écus et leurs lances, se tenir prêts et attendre le commandement du maréchal ; et les autres doivent aller vers le maréchal pour entendre son commandement.

160. Quand il y a la guerre et que les frères sont en campagne ou que le campement est arrêté et que le cri est poussé, ils ne doivent pas aller tant que le gonfanon ne s'en est pas allé ; et quand il est allé, ils doivent tous aller au plus tôt qu'ils pourront, et ils ne doivent armer, ni désarmer sans congé ; et s'ils sont en embuscade, ou s'ils gardent les fourrages, ou qu'ils soient dans un lieu de surveillance, ou qu'ils aillent d'un lieu à un autre, ils ne doivent ôter ni frein, ni selle, ni donner à manger à leurs bêtes sans congé.

Comment les frères doivent aller en escadron
161. Quand ils sont établis en escadron, aucun frère ne peut aller d'un escadron à un autre, ni monter sur son cheval sans congé, ni prendre l'écu et la lance sans congé ; et quand ils sont armés et qu'ils vont à l'escadron, ils doivent mettre devant eux leurs écuyers avec les lances, et ceux avec les chevaux derrière eux, de la manière que le maréchal ou celui qui est à sa place le commandera. Aucun frère ne doit tourner la tête de sa bête devers la queue pour combattre, ni pour crier, ni pour autre chose puisqu'ils vont en escadron.

162. Si un frère veut essayer son cheval pour savoir comment il pourra s'en servir, ou s'il y a quelque chose à ajuster à la selle, ou aux couvertures, il peut le monter pour sauter un peu sans congé, puis retourner bellement et en paix à l'escadron. S'il veut prendre son écu et sa lance, il doit prendre congé ; et celui qui veut armer sa tête de sa coiffe de fer, il peut le faire sans congé ; mais il ne peut pas la désarmer. Nul frère ne doit charger, ni bousculer sans congé.

163. Et s'il advient par aventure qu'un chrétien va follement, parce qu'un Turc lui court après pour le tuer et qu'il est en péril de mort et qu'un frère qui est de cette partie veut partir de l'escadron pour le secourir, et que sa conscience lui dicte qu'il peut le secourir, il peut le faire sans congé et retourner ensuite à l'escadron bellement et en paix. Et si autrement, il chargeait et bousculait, la justice en serait prise, de même s'il allait à pied au campement et on lui prendrait tout ce que l'on pourrait lui prendre, sauf l'habit.

Quand le maréchal prend le gonfanon pour charger
164. Lorsque le maréchal veut prendre le gonfanon de la part de Dieu de la main du sous-maréchal, 1e sous-maréchal doit aller au turcoplier si le maréchal ne le retient pas. Et puis le maréchal doit commander à cinq ou six frères chevaliers, jusqu'à dix frères de le garder, ainsi que le gonfanon ; et ces frères doivent grever les ennemis tout autour du gonfanon, du mieux qu'ils le pourront, et ils ne doivent pas partir ni s'éloigner mais ils doivent se tenir au plus près qu'ils pourront du gonfanon, afin que s'il a besoin d'être aidé, ils puissent l'aider. Et les autres frères peuvent poindre devant et derrière, à droite ou à gauche et là où ils croiront grever leurs ennemis, de telle manière que si le gonfanon a besoin d'aide, ils puissent l'aider et garder le gonfanon avec eux, si besoin en était.

165. Et le maréchal doit établir au commandeur des chevaliers de porter un gonfanon plié autour de sa lance, et il doit être un des dix. Et ce frère ne doit pas s'éloigner du maréchal, mais il doit se tenir le plus près qu'il pourra, afin que, si le gonfanon du maréchal est pris ou déchiré, ou qu'il advienne une mésaventure, dont Dieu ne veuille, qu'il puisse déployer son gonfanon, ou sinon, il se doit contenir de telle manière que les frères puissent se rallier à son gonfanon si besoin est. Et si le maréchal était blessé ou malade qu'il ne puisse fournir la pointe, celui qui porte le gonfanon doit fournir la pointe. Et ceux qui sont établis pour garder le gonfanon doivent aller avec lui ; ni le maréchal, ni celui qui porte le gonfanon déployé dans la bataille ne doit s'en servir pour frapper, ni l'abaisser pour la raison de frapper.

166. Et ceux qui mènent l'escadron des chevaliers ne doivent poindre, ni bousculer sans congé ou sans l'accord du maître, s'il y est, ou de celui qui serait à sa place ; s'il convient de forcer, ou que l'on est en pas serré, on peut légèrement prendre le congé ; et s'il advient d'une autre manière, la grande justice en serait prise, et l'habit ne pourrait lui demeurer. Et chaque commandeur d'escadron peut avoir un gonfanon ployé et peut commander jusqu'à dix chevaliers de le garder, ainsi que le gonfanon. Et ainsi qu'il est dit du maréchal, il est dit de tous les commandeurs qui mènent les escadrons.

167. Et s'il advient qu'un frère ne peut se diriger vers son gonfanon, qu'il soit allé trop avant par peur des Sarrasins, qu'ils soient entre lui et le gonfanon, ou qu'il ne sache pas ce qu'il est devenu, il doit aller au premier gonfanon chrétien qu'il trouvera. Et s'il trouve celui de l'hôpital, il doit se tenir avec celui-ci et doit faire savoir à celui qui tient l'escadron, ou a un autre, qu'il ne peut venir à son gonfanon, et il doit rester bellement et en paix, avant qu'il puisse venir à son gonfanon. Nul ne doit bouger de l'escadron pour plaie ou pour blessure sans congé ; et s'il est si gravement atteint qu'il ne puisse prendre congé, il doit envoyer un frère afin qu'il le prenne pour lui.

168. Et s'il advenait que la chrétienté tournât en déconfiture, ce dont Dieu l'en garde, aucun frère ne doit partir du champ pour retourner à la garnison tant que le gonfanon baussant y est ; car s'il en partait, il en perdrait la maison pour toujours. Et s'il voit qu'il n'y a aucun recours, il doit aller au premier gonfanon de l'hôpital ou des chrétiens, s'il y en a. Et quand ce gonfanon ou les autres tournent en déconfiture, de là et en avant, il peut aller à la garnison, là où Dieu le conseillera.

Retraits du turcoplier
169. Le frère turcoplier doit avoir quatre bêtes, et au lieu d'un mulet, il peut avoir un turcoman ; et il doit avoir une grebeleure et la ration comme le couvent ; et le sommier doit porter la prébende, la grebeleure et le chaudron. Et s'il est en hôtel ou en campement, et que le cri est poussé, il ne doit pas sortir sans congé ; mais le maréchal doit le diriger pour ce qu'il doit faire. S'il doit aller en un lieu, il doit envoyer, au lieu où est poussé le cri, un turcopole ou deux pour voir ce que c'est ; et il doit ensuite le faire savoir au maréchal ou à celui qui sera à sa place pour qu'il puisse envoyer et faire son commandement.

170. Et quand le turcoplier va avec des éclaireurs et qu'on lui donne cinq ou six ou huit chevaliers, ou dix, ils sont au commandement du turcoplier. S'il y en a dix et s'il y a un commandeur des chevaliers et un gonfanon baussant, le turcoplier sera à son commandement. Et quand les escadrons du couvent sont ordonnés, le turcoplier doit tenir sa troupe dans l'escadron et être, lui aussi, comme les autres, et il doit se tenir de cette manière, porter le gonfanon baussant, comme il est dessus dit du maréchal. Il ne doit poindre, ni attaquer, avant que le maître ou le maréchal le commanderont.

171. Tous les frères sergents, quand ils sont en armes, sont au commandement du turcoplier, et sans armes, ils n'y sont pas ; mais les turcopoles y sont, avec ou sans armes. Le sous-maréchal, le gonfanonier, le frère sergent du maître, celui du maréchal et celui du commandeur de la terre, s'ils ne sont pas dans la troupe du turcoplier, ne sont pas en son commandement.

172. Les frères sergents qui sont armés de fer doivent se tenir en armes comme il est dit des frères chevaliers ; et les autres frères sergents qui ne sont pas armés, s'ils le font bien, qu'ils en aient pour le bon gré de Dieu et des frères. Et s'ils voient qu'ils peuvent souffrir ou être blessés, ils peuvent rester à l'écart, en arrière, sans congé s'ils le veulent, et sans qu'il y ait de dommage pour la maison. Si l'on met des frères pour garder les sergents d'arme, ils ne doivent pas aller pour poindre, ni pour autre chose, sans congé. Mais si le maréchal ou les frères poignent, ils doivent mener les sergents serrés et rangés, du mieux qu'ils pourront, afin que si les frères ont besoin d'aide, les sergents puissent les secourir.

Retraits du sous-maréchal
173. Le sous-maréchal doit avoir deux bêtes, une grebeleure et la même prébende que le couvent ; les sommiers doivent lui porter la grebeleure. Il doit livrer aux frères le menu équipage, le faire charger et réparer s'il le peut et s'il l'a ; il peut donner des vieilles selles, des outres, des petits tonneaux et des puisoirs, des lances, des épées, des chapeaux de fer, des armes turques usagées et des arbalètes qui échoiront à la maréchaussée et des pennaux nus ; et le petit équipement dit ci-dessus, il peut le donner et le livrer là où le maréchal est ou n'est pas, à moins que ce ne soit une chose dont le maréchal fasse défense. Et du grand équipement, le sous-maréchal ne peut rien donner, à moins que le maréchal ne le commande.

174. Et si un frère va outre-mer ou s'il trépasse dans le siècle, et que le maréchal veuille donner entièrement son équipement ou le faire garder tant qu'il le voudra, il doit l'envoyer et commander au sous-maréchal ce qu'il doit en faire ; aucune chose ne peut être donnée par le sous-maréchal avant que le maréchal ne l'ait vue. Et si le maréchal ne la lui demande, puisqu'il l'aura vue et qu'il n'y aura pas fait défense, il peut la donner suivant son affaire.

175. Tous les frères de métiers de la maréchaussée sont à son commandement et c'est à lui qu'ils doivent répondre de leur travail, ou à celui qui sera à sa place, et il doit leur procurer et leur faire avoir toutes les choses qui appartiennent à leur labeur. Il peut les envoyer au service de la maison et leur donner congé d'aller festoyer d'une maison à une autre les jours de fête. Et là où le maréchal n'est pas, le gonfanonier est à son commandement comme il est dit ci-dessus. Et s'il y a un écuyer sans seigneur, le sous-maréchal peut le demander pour le mettre dans la caravane des chevaux et si on le prie de donner un écuyer de la caravane pour un frère, il doit obéir. Et le sous-maréchal, s'il a trop d'écuyers dans la caravane et que le gonfanonier en eût besoin, il doit lui en donner tant qu'il en est besoin dans la caravane.

176. Et en tous lieux où n'est pas le gonfanonier, le sous-maréchal peut prendre la justice des écuyers s'il le veut et s'ils se rendent coupables d'une faute envers lui. Et il peut prendre les écuyers de la caravane et les donner aux frères dont il verra qu'ils en ont besoin et mettre des écuvers de la caravane dans la caravane des bêtes. Et si le gonfanonier assemble un chapitre d'écuvers et que le sous-maréchal veuille y venir, il peut tenir le chapitre et peut prendre justice des écuyers s'il le veut. Et tous les écuyers qu'il a prêtés aux frères de métiers ou aux frères qui n'ont qu'une bête, doivent aller au gonfanonier lorsqu'on dira que les écuyers de la caravane y vont.

Retraits du gonfanonier
177. Le gonfanonier doit avoir deux bêtes, une grebeleure, une prébende comme le couvent et les sommiers doivent lui porter la grebeleure. Tous les écuyers de la maison sont en son commandement en tous lieux où il est, et il doit les tenir et les prendre en confiance, et il doit leur donner les statuts de la maison ainsi que les choses par lesquelles ils peuvent perdre la maison, être mis aux fers et fustigés, et se faire payer quand ils ont fini leur terme. Il peut tenir chapitre et les assembler quand il lui plaira et si besoin est, il prendra la justice de ceux qui se seront rendus coupables en la manière qu'il est établi dans la maison, et il doit leur donner l'orge, la paille et les souliers. Les grenetiers et les sentinelles sont à son commandement et chacun doit avoir une bête.

178. Et si les frères sont ensemble et qu'ils envoient leurs bêtes et leurs écuyers au portage de la maison ou à l'herbe ou autre part pour la communauté, le gonfanonier doit les mener et ramener en escadron, un gonfanon baussant en tête de l'escadron. Et en tous les lieux où les écuyers et les frères mangent en couvent, le gonfanonier doit garder les tables ; et si les frères sont en campagne et que les écuvers prennent livraison, il ne doit pas intervenir.

179. Quand le couvent chevauche en escadron, le gonfanonier doit aller devant le gonfanon et il doit le faire porter par un écuyer ou une sentinelle et il doit conduire l'escadron de la manière que le maréchal le commandera. Et quand il est en guerre et que les chevaliers vont en troupe, un turcopole doit porter le gonfanon, et le gonfanonier doit faire aller les écuyers en troupe. Et si le maréchal et les frères poignent, les écuyers qui mènent les chevaux à droite doivent poindre après leur seigneur ; et les autres doivent prendre les mulets où leur seigneur chevauche et les autres doivent les rejoindre avec le gonfanonier. Et il doit avoir un gonfanon ployé sur sa lance ; et quand le maréchal point, il doit faire mettre les écuyers en troupe et déployer le gonfanon ; et il doit aller après ceux qui poignent, au mieux et au plut tôt et le plus en ordre qu'il pourra, au pas ou à l'amble ou au mieux qu'il lui semblera.

Retraits des frères sergents commandeurs des maisons
180. Les frères sergents commandeurs des maisons doivent avoir une bête et la même prébende que le couvent ; et ils peuvent donner à un frère quatre deniers, et peuvent avoir un de leurs sergents pour écuyer. Et si le gonfanonier leur donne un écuyer quand il lui plaira, ils peuvent le prendre.
Retraits des frères casaliers
181. Les frères casaliers doivent avoir deux bêtes et un écuyer et la même prébende d'orge que le maître ; et ils peuvent donner à un frère quatre deniers ; et ils peuvent tenir une ventrière aux bêtes quand ils chevauchent.

Comment le maître et les frères doivent manger au couvent
182. Le maître et tous les autres frères forts et sains doivent manger à la table du couvent et entendre la bénédiction ; et chacun doit dire une patenôtre avant qu'ils ne tranchent leur pain et qu'ils ne mangent. Et quand ils auront mangé, ils doivent rendre grâce à Dieu de ce qu'il leur aura donné, et ils ne doivent pas parler avant qu'ils n'aient rendu grâce au moutier s'il est près, et s'il n'est pas près, au lieu même.

183. Le maître, ni un autre frère ne doivent avoir à la table du couvent des fioles de vin, ni d'eau, ni souffrir que les frères en portent. Et si un homme du siècle envoyait des présents de vin ou de viande, le maître sans plus, peut envoyer le présent à l'infirmerie ou là où il lui plaira, sauf à la table du couvent. Et tous les autres frères, si des choses leur sont présentées, doivent les envoyer au maître s'il est à la table du couvent, et s'il n'est pas à table, aux frères de l'infirmerie. Et si le maître mange à une autre table ou à la table de infirmerie, quand il ne mange au couvent, le présent doit lui être envoyé.

184. S'il arrive que 1'on donne à table du boeuf et du mouton, ceux qui ne mangent pas du boeuf, le commandeur de la maison doit les mettre à une table à part du couvent, sauf le maître et le frère chapelain. Chaque frère peut demander s'il le veut de la viande des sergents. Si l'on apporte aux frères de la viande crue, ou plus petite, ou qui sent, il peut la rendre et on doit la lui changer, si c'est possible.

185. Maintes fois donc, on donne au couvent, à tous les frères deux plats de viande, pour que celui qui ne mange de 1'une puisse manger de l'autre, il en est ainsi à Noël et à Pâques et aux deux carêmes prenants ; et trois plats de viande lorsque les maisons sont aisées et si les commandeurs le veulent. Et les écuelles doivent être communes comme il est dit dans l'article du commandeur de la viande.

186. Les jours où ils mangent de la viande, ils doivent avoir deux plats cuits ; mais si l'on donne soit du fromage soit du poisson, ils ne doivent avoir qu'un plat cuisiné, si les commandeurs ne veulent leur en faire la bonté. Mais aux deux carêmes, on doit leur donner de deux mets ou de trois. Et lorsqu'il est dimanche ou mardi ou jeudi, il est d'usage qu'on leur donne du poisson frais ou salé ou autres mets que l'on mange avec du pain. Mais s'ils ont du poisson le lundi, le mercredi, le vendredi ou le samedi, le commandeur de la maison peut leur ôter un plat cuisiné s'il le veut, s'il leur donne le poisson qu'il aura payé. Et les sergents et écuyers qui jeûnent chaque jour doivent avoir deux plats cuisinés et chacun sa mesure de vin.

187. Il est d'usage que, le vendredi, on leur donne un plat cuisiné, puis après, des herbes ou un autre plat que l'on mange avec du pain et chaque frère peut demander ce que l'on mange à la table du couvent et ce que l'on donne aux autres frères. Mais bellement chaque frère doit parler, et tenir silence, et écouter le clerc qui lit la leçon. Et chacun peut donner de sa viande à ceux qui sont autour de lui, jusqu'à ce qu'il peut tendre son bras, sans plus.

188. Le maître peut donner de sa viande aux frères qui mangent à terre et font leur pénitence. Et. pour cela, on doit mettre dans l'écuelle du maître autant de viande que pour quatre frères, ou de la chair, ou du poisson, ou d'autre plat que l'on mange avec du pain ; ni le maître, ni autre ne doit avoir d'autre viande, ni boisson, ni mets en dehors de ce que 1'on donne communément aux frères du couvent. Aucun frère ne doit avoir une place qui lui soit propre, à la table du couvent, sauf le maître et le chapelain qui mange près de lui. En tous lieux où se trouve le maître, trois pauvres doivent être nourris, et quatre dans chaque maison majeure et dans les châteaux. Quand la cloche sonne, le frère chapelain, les pauvres et tous les frères chevaliers peuvent s'asseoir, et les frères sergents doivent attendre que la petite cloche sonne, ensuite ils doivent s'asseoir ; ils doivent remplir les tables en dedans et au dehors. Les hanaps, les écuelles et les toiles doivent être communes sauf celles du maître et des frères chapelains auxquels on donne deux hanaps.

189. Quand le couvent a trois mets de chair, ou d'autre viande, les serviteurs doivent en avoir deux mais les turcopoles et tous ceux qui mangent à leur table doivent avoir ce que mange le couvent. Et les pauvres que l'on fait manger au couvent où ils sont établis, doivent avoir autant de viande et d'autres mets que les frères du couvent.

Retraits du frère infirmier
190. Le frère infirmier doit avoir tant de discrétion qu'il doit demander aux frères malades qui ne peuvent manger de la viande commune de l'infirmerie, ou n'en osent, de quelle viande ils pourraient manger et ils doivent lui dire puisqu'il le leur demande ; et il doit leur faire préparer et leur donner s'ils peuvent en manger, de la viande de l'infirmerie. Et aux frères faibles et malades ou relevant de maladie, il doit leur faire comme il est dit ci-dessus. Et à ceux qui sont malades de la fièvre quarte, il peut donner de la chair tous les jours de la semaine, sauf le vendredi, et ainsi pendant tout le carême de saint Martin jusqu'à l'Avent et en Avent trois jours par semaine.

191. Tous les frères malades et les frères qui ne peuvent manger la viande du couvent doivent manger à la table de l'infirmerie et les frères sains, quand ils sont saignés, doivent manger trois fois, sans plus. Et si le frère saigné, ou le vieux, ou ceux qui ont la fièvre quarte demandent la viande du couvent, on doit leur donner. Mais aux autres frères qui mangent pour leur maladie, on ne doit rien leur donner, si ce n'est pour essayer s'ils peuvent souffrir celle du couvent ; et, pour cela, on peut leur en donner une fois ou deux, et s'ils peuvent la manger, ils doivent aller manger au couvent.

192. Les lentilles, ni les fèves à l'écorce, ni chou s'il n'a fleuri, ni chair de boeuf, ni de truie, ni de chèvre, ni de bouc, ni animal non châtré, ni anguilles ne peuvent être donnés à la table de l'infirmerie, sauf lorsque le couvent en mange et ceux dont nous avons parlé ci-dessus, et quand un frère mange suivant un ordre, il peut en manger par celui qui l'a ordonné. Le fromage ne peut être donné comme mets à l'infirmerie.

193. Quand le maître veut manger à la table de l'infirmerie, il doit demander à l'infirmier qu'il lui fasse attribuer des viandes. Et à la table qui sera a plus proche de l'infirmerie, il doit faire mettre une toile, du vin, de l'eau en fiole et une coupe de verre , et puis le frère infirmier doit faire attribuer les viandes, et que tous les frères soient amendés pour lui. Nul frère qui mange à la table de l'infirmerie ne peut avoir des fioles en verre, ni des coupes, si ce n'est pour un gentilhomme ou pour un grand ami de la maison.

194. Tous les frères qui ne peuvent entendre les heures, ni aller au moutier à cause de leur maladie, doivent aller dormir à l'infirmerie. Mais il est une bonne chose, qu'ils se soient d'abord confessés et qu'ils aient communié et qu'ils prient le chapelain de leur administrer l'extrême-onction, si besoin est. Seul le maître peut se reposer dans sa chambre, s'il est malade. Et chaque frère, quand il est malade, peut manger trois fois dans son lit, s'il le veut: c'est à savoir le jour où il ne peut aller au moutier pour sa maladie, le lendemain jusqu'à vêpres ; il doit entrer à l'infirmerie, s'il n'est guéri. Mais aux frères qui sont malades de dysenterie, ou qui ont une mauvaise blessure, ou qui vomissent ou qui sont atteints de frénésie ou d'autre maladie que les autres frères ne peuvent souffrir, à ceux-là, on doit donner une chambre au plus près de l'infirmerie, jusqu'à ce qu'ils soient guéris et que les autres frères puissent les supporter.

195. Le frère infirmier doit faire préparer des viandes pour les frères qui se reposent à l'infirmerie et suivant ce que chacun demandera, il peut les trouver dans la maison ou les acheter en ville, et de même s'ils demandent des sirops. Et l'infirmier peut leur donner congé de la saignée et de faire tondre leur tête. Mais pour raser leur barbe, pour couper des peaux mortes ou pour prendre des médicaments, il doit prendre le congé du maître ou de celui qui est à sa place.

196. Le commandeur de la maison doit trouver pour le frère infirmier ce qui sera nécessaire à la table de l'infirmerie, et pour l'infirmerie là où les frères se reposent, il doit mettre à son commandement la cave, la grande cuisine, le four, la porcherie, le poulailler et le jardin. Si le commandeur ne peut le faire, il doit donner au frère infirmier l'argent nécessaire pour ce dont il a besoin à l'infirmerie.

197. Lorsque les frères sortent de l'infirmerie, ils doivent d'abord aller au moutier pour entendre la messe et le service de Jésus-Christ et après ils peuvent aller manger trois fois à l'infirmerie ; puis ils peuvent sortir, s'ils sont guéris, de telle manière qu'ils puissent entendre toutes les heures. Et puis ils doivent manger à la table de l'infirmerie jusqu'à ce qu'ils puissent manger avec sûreté le repas du couvent. Le commandeur de la terre ou le maître doivent trouver un médecin au frère malade pour qu'il les visite et pour leur donner le conseil de leur maladie.


Election du Grand-Maître

198. Lorsque le maître du Temple trépasse et que Dieu lui a fait son commandement, s'il trépasse au royaume de Jérusalem et que le maréchal soit présent, il prend la place du maître et doit tenir le chapitre pour l'office de la chevalerie, qu'il tient jusqu'à ce que lui, le couvent et tous les baillis en deçà des mers aient fait égart et élu le grand commandeur qui tiendra la place du maître. Il doit assembler tous les prud'hommes de la baillie et doit demander à tous les prélats de la terre et à toutes les bonnes gens de religion, qu'ils assistent aux obsèques et à l'enterrement. Et avec de grands luminaires de cierges et de chandelles, le service doit être célébré et le maître doit être enseveli avec grand honneur. Et ces luminaires de chandelles lui sont octroyés, à lui seulement, en l'honneur de sa maîtrise.

199. Et tous les frères qui sont présents doivent dire dans les sept jours deux cents patenôtres, et ainsi doivent faire tous les frères qui se trouvent dans la baillie de cette maison ; et ils doivent faire ainsi et ils ne doivent rien renvoyer pour aucune nécessité. Et cent pauvres doivent être nourris, pour son âme, au dîner et au souper. Ensuite, on doit partager son équipement, comme tout autre frère du couvent, sauf la robe de son corps et de son coucher qui doivent venir entre les mains de l'aumonier et doit être donnée entièrement, pour Dieu, aux lépreux, comme il faisait de ses vieilles robes lorsqu'il en prenait de neuves.

200. Et après, le maréchal doit faire savoir le trépas du maître, le plus tôt qu'il pourra, à tous les commandeurs des provinces en deçà des mers pour qu'ils viennent au jour fixé conseiller la maison et élire le grand commandeur qui remplacera le Maître. Et si cela peut être sans dommage pour la maison, l'élection du Maître doit être célébrée à Jérusalem ou dans le royaume. Car là est la tête de la maison et la souveraine province de tout le Temple.

201. Mais s'il advenait que le maréchal et tout le couvent se trouvent dans la terre de Tripoli ou d'Antioche, et que le maître y trépassât, ce qui est dit du maréchal du Temple dans le royaume de Jérusalem, doit être entendu des deux commandeurs de ces deux provinces et chacun pour soi. Comme le maréchal devrait tenir le chapitre pour élire le grand commandeur, s'il se faisait dans le royaume de Jérusalem, de la même manière le commandeur de Tripoli ou d'Antioche doit le faire. Et si le maître trépasse dans le royaume de Jérusalem et que le maréchal soit absent, le commandeur du royaume de Jérusalem doit faire les obsèques comme un des autres commandeurs de province et il doit le faire savoir au maréchal, au couvent et autres commandeurs le plus tôt qu'il pourra, au nom de la Sainte-Trinité.

202. Le grand commandeur que l'on doit faire pour tenir la place du maître, s'il est fait dans le royaume de Jérusalem, le maréchal doit tenir le chapitre comme il est dit ci-dessus et il doit être élu d'un commun accord et de la volonté de tous les frères ou de la plus grande partie, au lieu et nom de Dieu.

203. Le grand commandeur doit se retirer à part avec le maréchal et avec les trois commandeurs des provinces, si faire se peut, à moins qu'ils en soient empêchés canoniquement, avec les autres prud'hommes et baillis, avec ceux qui sont avec lui et les autres prud'hommes qui lui semblera utile d'appeler en conseil. Et, avec eux, il traitera du temps et du jour où ils pourront s'assembler convenablement pour faire l'élection. Et chaque commandeur des provinces doit venir au jour indiqué, sans qu'on aille le chercher, avec une partie des prud'hommes de son commandement qu'il pourra amener sans dommage.

204. Et à partir de ce jour, le grand commandeur doit porter le sceau du maître et faire tous les commandements de la maison à la place du maître jusqu'à l'heure où Dieu aura pourvu la maison d'un maître et d'un gouverneur. Et il doit être obéi comme si le maître vivait.

205. Et tous les frères du Temple en deça les mers doivent jeûner trois vendredis au pain et à l'eau, depuis ce moment jusqu'au jour de l'élection. Et, dès ce jour, chaque commandeur doit aller en sa baillie et traiter des besoins de la maison du plus beau et du mieux que Dieu lui enseignera, et il doit prier et commander à ses frères qu'ils soient en oraison et en prière, pour que Dieu conseille la maison pour un père et un maître. Et cette prière doit être faite même par toutes les bonnes gens de religion.

206. Le jour de l'élection étant venu, le couvent et tous les baillis, comme il est dit ci-dessus, doivent se réunir au lieu indiqué, selon ce que bon leur semblera. Et, après les matines du jour où l'élection doit se faire, le grand commandeur doit convoquer la plus grande partie des prud'hommes de la maison et non pas tous les frères, et, par conseil, ils doivent mettre, hors d'eux, deux ou trois prud'hommes de la maison et plus si besoin est, qui sont frères et des plus connus. On doit leur commander qu'ils aillent hors du conseil, et ils doivent obéir.

207. Et après, le grand commandeur leur fait sa demande et celui sur qui s'accordera tout le conseil ou la plus grande partie, celui-là sera le commandeur de l'élection. Après. il doit les rappeler et à celui qui aura été élu, il doit faire savoir qu'il est fait commandeur de l'élection de par Dieu. Et celui qui a été élu doit être tel qu'il aime Dieu et la justice, qu'il soit connu de toutes les provinces et de tous les frères, qu'il aime la paix et la concorde de la maison, et qu'il ne suscite pas de divisions. Les treize électeurs du maître doivent être ainsi, et de diverses provinces et de diverses nations. Et ainsi, lorsqu'ils partent du conseil, le grand commandeur, lui et tous les frères du conseil, doivent se donner un frère chevalier pour compagnon comme dit ci-dessus. Ce conseil et cette assemblée peuvent être faits en tout temps, sans changer.

208. Après les matines du jour de l'élection, qu'ils puissent veiller Dieu et prier jusqu'au jour. A ce moment, les deux frères doivent aller à la chapelle pour Dieu et prier qu'i1 les dirige et les conseille, qu'ils puissent parfaitement et selon sa volonté accomplir l'office et le commandement qui leur est fait. Et chacun doit dire ses heures pour lui et ils ne doivent parler à aucun autre frère, ni un autre frère à eux ; ni s'assembler si ce n'est que pour parler de cette affaire, qu'ils ont a traiter. Et ils doivent toute la nuit demeurer en oraison et traiter de l'affaire de l'élection, et tous les autres frères du conseil ne peuvent s'en aller, et ceux qui sont malades peuvent se reposer dans leur lit et prier Dieu qu'il conseille la maison ; et les autres frères sains, selon la force de leur corps, doivent être en oraison et en prières jusqu'au jour.

209. La prime sonnée et les frères venus au moutier entendre prime et chanter la messe du Saint-Esprit avec grande dévotion, et après avoir entendu tierce et midi, qu'ils entrent en paix et humblement en chapitre. Et après le sermon entendu et la prière faite selon la coutume de l'ordre de la chevalerie, le grand commandeur doit prier les frères et leur demander qu'ils appellent sur eux la grâce du Saint-Esprit, par laquelle ils pourront avoir tel maître et tel pasteur par qui la maison soit conseillée et toute la Terre sainte, et qui serve la maison comme cela est établi et ordonné. Et tous les frères doivent s'agenouiller à terre et faire et dire les oraisons comme Dieu leur aura enseigné.

210. Et après, le grand commandeur doit faire venir le commandeur de l'élection et son compagnon, devant lui et devant tout le chapitre, et doit leur commander, en vertu de l'obéissance, l'office qui est dit ci-dessus, au péril de leurs âmes et en guerre du paradis, que toute étude et toute entente soient d'élire leurs compagnons qui seront avec eux pour cet office. Et il doit encore leur commander que ni par grâce, ni par haine, ni par amour mais seulement en voyant Dieu devant leurs yeux, ils élisent tels compagnons suivant leur bon sens, lesquels s'entendent pour la paix de la maison comme il est dit ci-dessus et ils doivent sortir du chapitre.

211. Et ces deux frères doivent élire deux autres frères, et ils seront quatre. Et ces quatre doivent élire deux autres frères et ils seront six. Et ces six frères doivent élire deux autres frères et ils seront huit. Et ces huit frères doivent élire deux autres frères, et ils seront dix. Et ces dix frères doivent élire deux autres frères et ils seront douze en l'honneur des douze apôtres. Et les douze frères doivent élire ensemble le frère chapelain pour tenir la place de Jésus-Christ, lequel doit beaucoup s'efforcer de tenir les frères en paix, en amour et en accord: et ils seront treize frères. Et parmi ces treize il doit y avoir huit frères chevaliers, quatre frères sergents et le frère chapelain. Et ces treize frères électeurs doivent être comme il est dit ci-dessus du commandeur de l'élection, de diverses nations et de divers pays pour tenir la paix de la maison.

212. Et après, tous les treize électeurs doivent entrer devant le commandeur et devant les frères et le commandeur de l'élection doit demander à l'ensemble des frères et au grand commandeur, qu'ils prient Dieu pour eux, car ils sont chargés d'une grande chose. Et aussitôt tous les frères, ensemble, doivent se jeter à terre en oraison et prier Dieu et tous les saints et toutes les saintes par qui la maison prit commencement afin qu'ils la conseillent et leur donnent un maître tel qu'ils en ont besoin pour la maison et la Terre sainte.

213. Après, tous les treize doivent se redresser devant le grand commandeur, et il doit leur commander, et chacun pour soi, qu'en cet office où ils sont nommés, ils aient Dieu devant leurs yeux et qu'ils n'écoutent rien d'autre que l'honneur et le profit de la maison et de la Terre sainte. Et la personne qui leur semblera la plus profitable à tous et à la plus grande partie, ils la mettront en cette place qui est celle du maître, qu'elle n'ait aucune haine et nulle malveillance. Et celui qui ne leur semblera pas le plus profitable à tous ou à la plus grande partie, pour aucune grâce, ni pour aucun amour, qu'ils ne l'appellent, ni ne l'élisent à tenir une si grande place que celle de la maîtrise.

214. Et que ce commandement soit fait de cette manière à tous les treize électeurs devant tout le chapitre par le grand commandeur: Nous conjurons -de par Dieu, et de par Madame Sainte Marie et de par Monseigneur Saint Pierre et par tous les saints et par toutes les saintes de Dieu et de par tout le chapitre, en vertu de l'obéissance, pour la peine de la grace de Dieu et du jour du jugement, si en telle manière comme vous devez aller en cette élection, vous soyez tenus de rendre compte et raison devant la face de Dieu et de tous ses saints- que, vous, tels frères du Temple, élisiez celui qui vous semblera le plus digne et le plus profitable et le plus commun à tous les frères, à la maison et à la Terre sainte et qu'il soit de grande renommée.

215. Et le grand commandeur de l'élection doit prier le grand commandeur et tous les frères qu'ils prient Dieu pour eux, afin qu'il les conseille. Et tous les treize frères électeurs sortiront ensemble du chapitre et iront dans un lieu qui leur semblera convenable pour faire l'élection.

216. Au nom de la Sainte-Trinité, c'est du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen - Là ils commenceront à traiter de l'élection et à nommer des personnes, celles qu'il leur semblera profitable d'élire pour maître. Premièrement, les personnes des frères qui sont en deçà de la mer, ou du couvent, ou des baillies. Et s'il arrive que Dieu veuille souffrir qu'il soit trouvé profitable à tel de tenir cette place, et que d'un commun accord entre les treize ou dans la plus grande partie, celui-ci soit élu maître du Temple. Mais s'il advenait, chose plus profitable, que la personne soit trouvée dans les parties d'outre-mer et qu'il y ait l'accord des treize ou de la plus grande partie, que celui-ci soit élu maître du Temple.

217. Et s'il advenait que les treize frères soient divisés en trois ou en quatre parties et qu'ils ne s'accordent pas, ce dont Dieu les protège, le commandeur de l'élection, avec un des autres prud'hommes, doit venir en chapitre devant le commandeur et devant tous les frères et doit leur demander d'être en oraisons et en prières et qu'ils les adressent à Dieu et que Dieu les protège d'avoir une parole qui les mette en discorde. Et ces prières doivent être faites plusieurs fois à la demande des électeurs. Et tous les frères doivent s'agenouiller et s'abaisser à terre, et prier la grâce du Saint-Esprit pour qu'il les conseille et qu'ils puissent élire un maître. Après ils doivent retourner avec leurs compagnons au lieu où on fait l'élection.

218. Et s'il advenait une chose par laquelle ils puissent s'accorder pour élire une personne, est maître celui sur qui est l'accord commun de la plus grande partie. Il est nommé et élu. Et celui qui est ainsi élu par l'ensemble, s'il est en deçà des mers, comme nous avons dit ci-dessus et qu'il est au chapitre avec les autres frères, les treize électeurs doivent venir devant le commandeur et devant tous les autres frères du chapitre.

219. Et le commandeur de l'élection doit dire à tous les frères en son nom et pour l'ensemble de ses compagnons: « Beaux seigneurs, rendez grâce et merci à Notre Seigneur Jésus-Christ et à Madame Sainte Marie, et à tous les saints et à toutes les saintes que nous nous sommes accordés ensemble. Et si nous avons, de par Dieu, élu par vos commandements le maître du Temple, soyez apaisés de ce que nous avons fait. » Et ils doivent dire tous ensemble et chacun pour soi: « Oui, de par Dieu. » « Et lui promettez-vous de tenir obéissance tous les jours de sa vie ? » Et ils doivent répondre: « Oui, de par Dieu. »

220. Après, le grand commandeur doit lui faire la demande en cette forme: « Commandeur, si Dieu et nous t'avons élu pour maître du Temple, promets-tu d'être obéissant tous les jours de ta vie au couvent et de tenir les bonnes coutumes de la maison et les bons usages ? » Et il doit répondre: « Oui, s'il plaît à Dieu. » Et cette demande doit être faite par trois ou par quatre des plus prud'hommes de la maison.

221. Et si la personne qui est élue est présente, il doit venir lui parler de cette manière et le nommer par son nom et dire: « Et nous, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, nous avons élu un maître et vous élisons, frère N... » Le commandeur de l'élection doit dire aux frères: « Beaux seigneurs frères, rendez grâce à Dieu, voyez ici notre maître. » Et ensuite les frères chapelains doivent commencer le Te Deum laudamus. Et les frères doivent aussitôt se lever et prendre le maître en grande dévotion et en grande joie et le porter entre leurs bras à la chapelle et, devant l'autel, l'offrir à Dieu, qui l'a pourvu au gouvernement de la maison. Et il doit être à genoux devant l'autel tant que l'oraison dure. Et les frères chapelains doivent dire:

222. Kyrie eleison. Christe eleison. Kyrie eleison
Notre Père ... et ne nous induis pas à la tentation
Mais délivre-nous du mal
Sauve ton serviteur
Mon Dieu, j'espère en toi
Envoie-lui, Seigneur, l'aide de ton sanctuaire
Et de Sion qu'il les soutienne
Qu'il soit seigneur à l'abri de la tour fortifiée
A la face de l'ennemi
Seigneur, écoutez ma prière
Et que mon cri parvienne vers toi
Le Seigneur soit avec vous
Et avec ton esprit
Prions.
Seigneur Dieu tout-puissant, prends pitié de ton familier et dirige-le selon ta clémence dans la voie du salut éternel, afin que, toi donnant, il veuille t'être agréable et qu'il accomplisse la totale vertu, par le Seigneur ...

223. Toutes les choses qui ont été dites et rapportées entre les frères électeurs, doivent être tenues en secret et scellées comme le chapitre ; car grand scandale et grande haine en pourraient sortir, à qui souffrirait de rapporter les paroles qui ont été dites et rapportées entre les frères.


Les pénalités

La perte de la maison
224. La première chose par laquelle les frères du Temple perdent la maison est la simonie, car un frère qui vient par simonie à la maison doit la perdre pour cela ; car il ne peut sauver son âme. Et la simonie se fait par un don ou par une promesse à un frère du Temple ou à un autre qui puisse l'aider à entrer dans l'ordre du Temple.

225. La seconde chose est si un frère dévoile son chapitre à un frère du Temple qui n'y ait été, ou à un autre homme.

226. La troisième chose est celui qui tue ou fait tuer un chrétien ou une chrétienne.

227. La quatrième chose est le larcin, qui est entendu de plusieurs manières.

228. La cinquième chose est celui qui sort d'un château ou d'une maison fermée par un autre lieu hors de la porte.

229. La sixième chose est de faire une chose commune ; car elle est faite par deux frères.

230. La septième chose est celui qui laisse la maison et s'en va chez les sarrasins.

231. La huitième chose est l'hérésie, ou qui va à l'encontre de la loi de Notre Seigneur.

232. La neuvième chose est si un frère laisse son gonfanon et fuit par peur des sarrasins.

La perte de l'habit
233. La première chose est si un frère refuse le commandement de la maison et se maintient dans sa folie et ne veuille faire le commandement comme on lui aura demandé, on doit lui enlever l'habit et on peut le mettre aux fers, et s'il se repent avant qu'on lui ait enlevé l'habit et qu'aucun dommage ne soit venu à la maison, l'habit est en la volonté des frères, de lui prendre ou de lui laisser. Car il est dit en notre maison que lorsqu'on commande à un frère qu'il fasse la besogne de la maison, il doit dire « de par Dieu » ; et s'il disait « je n'en ferai rien », aussitôt son commandeur doit assembler les frères et tenir le chapitre, disant aux plus âgés de la maison qu'on lui enlève l'habit pour le commandement qu'il a refusé ; car la première promesse que nous faisons est celle de l'obéissance.

234. La seconde est si un frère met la main, avec colère et courroux, sur un autre frère, l'habit ne doit pas lui être laissé ; et si la bataille est laide, on peut le mettre aux fers. Et il ne doit porter le gonfanon baussant, ni la boule d'argent, ni faire partie de l'élection du maître ; et cela a été fait plusieurs fois. Et avant qu'on lui donne égard de sa faute, il doit se faire absoudre, car il est excommunié ; et s'il n'est pas absous, il ne doit pas manger avec les frères et ne doit pas aller au moutier. Et s'il bat un homme de religion ou un clerc, il doit se faire absoudre avant qu'on lui considère sa faute.

235. La troisième chose est si un frère bat un chrétien ou une chrétienne, avec des armes émoussées, avec des pierres, avec des bâtons ou avec une chose qui puisse tuer ou blesser d'un coup, l'habit est en la volonté des frères de lui prendre ou de lui laisser.

236. La quatrième chose est si un frère est en possession d'une femme. Car nous tenons pour possession un frère qui entre dans un mauvais lieu ou dans une mauvaise maison, avec une mauvaise femme seule, ou avec une mauvaise compagnie, l'habit ne peut lui être laissé et on peut le mettre aux fers. Et il ne doit porter le gonfanon baussant, ni la boule d'argent, ni être de l'élection du maître, et cela a été fait pour plusieurs.

237. La cinquième chose est si un frère met une chose sur un autre frère dont il puisse perdre la maison s'il en est atteint, si le frère qui l'aura repris ne peut l'atteindre, l'habit ne peut lui être laissé puisqu'il lui fait demander merci en chapitre ; et s'il se dément en chapitre, l'habit est à la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser ; et s'il ne l'a fait venir en chapitre, on ne peut lui venir à l'habit pour la chose qu'il dit, puisqu'il se dément et ne veut pas se maintenir dans sa folie.

238. La sixième chose est si un frère dit un mensonge sur lui-même pour avoir le congé de la maison et s'il est atteint, l'habit ne peut lui être laissé.

239. La septième chose est si un frère demande congé en chapitre d'aller sauver son âme dans un autre ordre et que l'on ne veuille lui donner et qu'il dise qu'il laissera la maison, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

240. La huitième chose est si un frère disait qu'il veut s'en aller aux sarrasins, encore qu'il ne le dise pas par colère ni par courroux, l'habit sera en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

241. La neuvième chose est si un frère du Temple qui porte le gonfanon dans le combat, qu'il le baisse pour raison de frapper et qu'il n'advient pas des dommages, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et s'il frappe et qu'il advient dommage, l'habit ne peut lui être laissé ; et on peut considérer de le mettre aux fers ; et qu'il ne porte jamais plus le gonfanon et qu'il ne soit jamais commandeur au combat.

242. La dixième chose est si un frère qui porte le gonfanon point sans congé de celui qui peut le donner, s'il n'était dans un passage rétréci ou en lieu où il ne peut avoir le congé ainsi qu'il est dit dans les retraits, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et s'il arrive grand dommage, on pourra considérer de le mettre aux fers, et que jamais il ne porte le gonfanon, ni qu'il soit commandeur au combat.

243. La onzième chose est si un frère qui est au combat point sans congé et qu'il advienne un dommage, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Mais s'il voit un chrétien en péril de mort et que sa conscience le reprenne de lui porter secours, ainsi qu'il est dit dans les retraits, il peut le faire. Et en aucune autre manière un frère du Temple ne doit poindre sans congé.

244. La douzième chose est si un frère refuse à un autre frère, allant ou venant, le pain et l'eau de la maison et qu'il ne le laisse manger avec les autres frères, son habit ne peut lui être laissé car quand un homme est fait frère, on lui promet le pain et l'eau de la maison et personne ne peut les lui enlever pour quoi que ce soit, ainsi qu'il est établi en la maison. Il en est de même s'il défend la porte à un frère et s'il ne le laisse entrer en dedans de la porte.

245. La treizième chose est si un frère donne l'habit de la maison à un homme à qui il ne doit pas le donner, ou qu'il n'ait pas le pouvoir de le donner, ou sans chapitre, l'habit ne peut lui être laissé. Et celui qui a le pouvoir de le donner, ne peut le donner, ni ne peut l'enlever sans chapitre et s'il le fait, l'habit ne peut lui être laissé.

246. La quatorzième chose est si un frère prend quelque chose d'un homme du siècle pour qu'il l'aide à être frère du Temple, l'habit ne peut lui être laissé, car il fait acte de simonie.

247. La quinzième chose est si un frère brise la bulle du maître ou de celui qui est à sa place, sans congé de celui qui peut le donner ; l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

248. La seizième chose est si un frère brise une serrure sans congé de celui qui peut le donner et s'il advient un dommage, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

249. La dix-septième chose est si un frère du Temple donne les aumônes de la maison à un homme du siècle ou à un autre frère du Temple sans congé de celui qui peut les donner ; son habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et si la chose peut être d'une grande lâcheté, ou s'il aliénait une terre, cet habit ne pourra lui être laissé ; et, à cause du grand dommage de la maison, on pourra considérer de le mettre aux fers.

250. La dix-huitième chose est si un frère prête une chose de la maison sans congé de celui qui peut le faire, de manière que la maison la perde, l'habit ne peut lui être laissé ; et si le prêt est grand, pour cela, on le mettra aux fers.

251. La dix-neuvième chose est si un frère prête sa bête à un autre frère en un lieu où il ne peut aller sans congé et que la bête se perde, ou meure, ou se blesse, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Mais il peut bien la prêter pour amusement, dans la ville où il est.

252. La vingtième chose est qu'il mette des choses d'autrui avec celles de la maison, et que les seigneuries des terres en perdent leur droit, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

253. La vingt et unième chose est si un frère dit, en connaissance, que les terres ou l'avoir d'autrui sont de la maison et qu'ils ne le sont pas, et qu'il est prouvé qu'il le fait ou par malice, ou par convoitise, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Mais si sa conscience le lui dicte il peut le dire et faire toute garantie sans qu'il y ait dommage.

254. La vingt-deuxième chose est si un frère tue, ou blesse ou perd un esclave par sa faute, l'habit est en la main des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

255. La vingt-troisième chose est si un frère tue, blesse une bête ou la perd par sa faute, l'habit est en la main des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

256. La vingt-quatrième chose est si un frère chasse et qu'il advienne un dommage, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

257. La vingt-cinquième chose est si un frère essaye des armures et qu'il advienne un dommage, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

258. La vingt-sixième chose est si un frère de la bergerie ou de l'étable donne une bête, sauf un chien ou un chat, sans congé de son commandeur, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

259. La vingt-septième chose est si un frère fait une maison neuve en pierre ou en chaux sans congé du maître ou du commandeur de la terre, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Mais les autres maisons en ruine, il peut les réparer sans congé.

260. La vingt-huitième chose est si un frère du Temple fait le dommage de la maison en conscience ou par sa faute, des quatre derniers plus haut, l'habit est en la volonté des frères ou de lui donner ou de lui laisser ; car tout dommage nous est défendu. Et si le dommage est grand on peut le mettre aux fers.

261. La vingt-neuvième chose est si un frère passe la porte avec l'intention de laisser la maison et qu'il se repente, on peut lui laisser l'habit ; et s'il va à l'Hôpital ou en un autre lieu hors de la maison, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et s'il passe une nuit dehors, l'habit peut lui être laissé.

262. La trentième chose est si un frère laisse la maison et s'en va et dort deux nuits hors de la maison, il en perd son habit et ne peut le recouvrer pendant un an et un jour. Et s'il retient les choses qui sont défendues plus de deux nuits, il en perd la maison.

263. La trente et unième chose est si un frère rend son habit par sa volonté ou le jette à terre par courroux et ne veuille le reprendre malgré les prières et les demandes qu'on lui fait, et que les autres frères le ramassent avant lui, il en perd son habit et il ne peut le recouvrer pendant un an et un jour. Et s'il le reprend avant, par sa volonté, il sera en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

264. Et si par aventure il ne voulait pas le reprendre et qu'un frère prenne son habit et lui mette au cou, le frère perdrait le sien ; car nul frère ne doit rendre l'habit, ni faire frère hors le chapitre. Et celui à qui l'habit aura été rendu de cette manière sera à la merci des autres frères ou de le lui prendre ou de le lui laisser.

265. Et en toutes autres fautes, hormis les deux dernières, de celui qui dort deux nuits hors de la maison et de celui qui rend l'habit par sa volonté, qui sont d'un an et d'un jour ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, pour les autres fautes de l'habit, elles sont à la volonté des frères selon la gravité et le comportement du frère ou de lui prendre ou de lui laisser.

266. Et lorsque l'on considère l'habit à un frère, on le tient pris aussi comme il est dit dans la maison ; et si l'on prend l'habit à un frère, il est quitte de toutes les pénitences qu'il avait à faire. Et quand on prend l'habit à un frère et qu'on le met aux fers, il doit héberger et manger à la maison de l'aumônier et n'est pas tenu de venir au moutier ; mais il doit dire les heures et doit travailler avec les esclaves. Et s'il mourait durant sa pénitence on doit lui faire le service des frères. Et un frère qui n'a pas le pouvoir de faire frère, n'a pas le pouvoir d'ôter l'habit sans congé de celui qui peut le donner.

Les égards
267. La première faute est de perdre la maison, ou s'il y a des choses dont on peut mettre aux fers et en prison perpétuelle.
La seconde chose concerne l'habit ; et les choses par lesquelles on peut mettre aux fers.
La troisième chose est quand un homme laisse l'habit pour Dieu à un frère, celui-ci est à trois jours tant que Dieu et les frères ne le relaxent, et il doit être mis en sa pénitence sans répit.
La quatrième chose est de deux jours ou de trois la première semaine.
La cinquième chose est de deux jours sans plus.
La sixième est d'un jour sans plus.
La septième est au vendredi et à la discipline.
La huitième est quand un homme met un frère en répit devant le maître ou devant les prud'hommes de la maison pour être assigné de choses dont les frères ne sont pas certains.
La neuvième est quand on remet le frère au frère chapelain.
La dixième est quand on met un frère en paix.
Les retraits des frères chapelains

268. Les frères chapelains doivent faire la même profession que les autres frères et ils doivent se tenir comme les autres frères ; sauf le droit des patenôtres, ils doivent dire les heures. Et ils doivent porter une robe fermée et raser leur barbe et ils peuvent porter des gants. Et quand ils sont en présence d'un frère qui trépasse, ils doivent chanter la messe et dire l'office, au lieu des cent patenôtres. Et aux frères chapelains, on doit porter honneur et on doit leur donner les meilleures robes de la maison et ils doivent être servis à la première table près du maître et ils doivent être servis les premiers.

269. Les frères chapelains doivent entendre les confessions des frères ; et nul frère ne doit se confesser à un autre prêtre, sauf à lui, et il peut voir le frère chapelain sans congé. Car ils ont un plus grand pouvoir de la part du pape, de les absoudre qu'un archevêque.

270. S'il est nécessaire qu'un frère chapelain demande merci, il doit le faire en chapitre comme un autre frère, sans s'agenouiller et il doit faire ce que les frères considéreront. Si un frère chapelain laisse la maison et revient demander merci à la porte, il doit se dépouiller à la porte du chapitre et venir au chapitre devant les frères, demander merci sans s'agenouiller. Et s'il fait quelque chose par quoi il doit perdre la maison, on doit le mettre en pénitence et il doit être un an et un jour sans son habit et il doit manger à la table des malades sans toile, et il doit faire tous les jeûnes que font les autres frères qui sont en pénitence tant que les frères ne le relaxent ; et il doit venir le dimanche à la discipline, au frère chapelain, en privé, et il doit faire toute la discipline qu'il doit faire. Et quand les autres frères qui sont en pénitence travaillent avec les esclaves, le frère chapelain doit dire son psautier au lieu de travailler.

271. S'il y a un frère chapelain qui soit de mauvaise vie ou qui mette la discorde entre les frères, ou qu'il provoque le scandale, on doit le signaler entre les mains du conseil, comme un autre frère, comme nous le demanda le pape quand il nous donna les frères chapelains. Et s'il fait sa pénitence avec son habit, il doit manger à la table des turcopoles, sans toile. Et selon sa faute, on peut le mettre aux fers ou à la prison perpétuelle.

272. Ce sont les choses dont un frère chapelain ne peut absoudre un frère du Temple.
C'est à savoir, s'il tue des chrétiens, hommes ou femmes.
L'autre est si un frère met la main sur un autre frère de manière à le faire saigner.
L'autre, si un frère du Temple met la main sur un homme d'un autre ordre, un clerc ou un prêtre qui soit ordonné de la sainte Eglise.
L'autre est si un frère a reçu la cléricature et la nie lorsqu'il entre dans la maison et qu'après il se confesse, ou quand il vient à la maison par simonie.

273. Le frère chapelain ne peut les absoudre car le pape les a retenus en l'Eglise de Rome ; et, pour cela, il convient qu'ils se fassent absoudre au patriarche ou à l'archevêque ou à l'évêque du pays où ils sont.

La formule de profession des frères chapelains
274. Renoncez-vous au siècle ?
R. Je le veux.
Déclarez-vous obéissance suivant l'institution canonique et selon les préceptes du seigneur pape ?
R. Je le veux.
Promettez-vous la conversion des moeurs ?
R. Je le veux.
A ce moment, on lui adresse la parole et, après, il dit tout le psaume: « Que Dieu nous aide et qu'il nous bénisse. »

275. Après, il déclare sa profession: « Moi, N... je veux servir avec l'aide de Dieu la règle fraternelle du Christ et de sa milice et je promets pour la vie éternelle de subir tous les jours de ma vie le joug de la règle. Et afin que je puisse tenir fermement cette promesse, je présente perpétuellement cette obéissance, en présence des frères, que je dépose de ma main sur autel qui est consacré à Dieu tout-puissant et à la Bienheureuse Marie et à tous les saints. Et, ensuite, je promets obéissance à Dieu et à cette maison, de vivre sans biens, et de tenir la chasteté suivant les préceptes du seigneur pape et de tenir la conversion des frères de la maison de la milice du Christ. »

276. Ensuite il se renonce sur l'autel et, prostré, il dit:
« Recevez-moi, Seigneur, selon votre parole et votre esprit. »
A ce moment-là les autres
« Et ne me confonds pas dans mon espérance. » Il dit ensuite:
Le Seigneur est ma lumière.
Le Seigneur est le protecteur de ma vie. Ensuite: « Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison. Notre Père. » Le prêtre dit « Et ne nous laisse pas... »
Psaumes: Je lève les yeux; Accorde-nous Seigneur; Sauve ton serviteur; Que ma supplication vienne à ta présence, Seigneur; Je suis errant comme une brebis perdue; Voici qu'il est bon; Que le nom du Seigneur soit béni; Seigneur, exauce ma prière. »

277. Prions. Reçois, nous t'en prions Seigneur, ton serviteur. Eloigne de lui l'orage de ce siècle et la couverture du diable afin que tu le défendes et le sauves des instances du siècle et qu'il se réjouisse au siècle futur et que tu lui accordes la félicité, par le Christ...

278. Prions, Dieu qui par toi et par tous nos saints pères garde la régularité, nous t'implorons avec bienveillance afin que par l'intercession de tous tes saints, tu accordes la clémence à ton serviteur et que tu reçoives sa renonciation au siècle ; que tu conserves son coeur de la vanité du siècle, que tu le fasses accéder à l'amour de sa vocation et qu'il persévère dans ta grâce, pour qu'il soit rempli de la grâce que tu lui as promise et qu'il puisse exécuter sa profession pour que, par elle, il mérite d'arriver dignement aux persévérances qu'il t'a promises.


La vie conventuelle des frères

279. Chaque frère du Temple doit savoir qu'il est tenu avant tout de servir Dieu et à cela il doit tout mettre à son étude et à son entente, et spécialement entendre son saint service ; car à cela il ne doit pas faillir, ni s'esquiver tant qu'il en est aidé. Car ainsi que le dit la règle, si nous aimons Dieu, nous devons volontiers écouter ses saintes paroles et les entendre.

280. Et aucun frère ne doit être sans son habit quand on chante les heures. Et si le frère boit et mange, il ne doit pas être sans son habit ; et il doit tenir son habit de telle manière qu'il soit attaché à son cou. Et s'il a une chape quand il entend les heures, il doit être vêtu avec son jupon d'arme, s'il n'a pas de manteau ; et il peut manger de cette manière s'il n'a pas de manteau.

281. Quand la cloche de matines sonne, chaque frère doit se lever aussitôt, se chausser, revêtir son manteau, aller au moutier et entendre le service, car nul ne doit demeurer dans son lit, s'il n'a pas travaillé le jour ou s'il n'est malade. Mais il doit prendre congé du maître ou de celui qui en tient la place. Et chaque frère peut venir à matines en caleçon et en chemise, et sans autre ceinture que la petite ; mais il doit être chaussé avec les chausses et les souliers, et il doit avoir son habit comme il est dit ci-dessus. Et toutes les heures, les frères doivent les entendre vêtus et chaussés de tout, selon que le temps et la saison le permettent.

282. Quand les frères sont au moutier et que les matines se chantent, chacun doit garder le silence et entendre le service bellement et en paix ; et il doit dire treize fois la patenôtre pour les matines de Notre-Dame et treize pour celles du jour s'il lui plait. Mais s'il veut, il peut bien se passer de les dire puisqu'il les entend, mais la plus belle chose est qu'il les dise sans en souffrir.

283. Quand les frères partent de matines, chacun doit aller voir ses bêtes et son équipement, s'il est dans un lieu où il puisse et doit aller, et s'il y a à corriger, il doit le corriger ou le faire corriger. Et s'il a besoin de parler avec son écuyer, il doit lui parler bellement puis il peut aller se coucher. Mais il doit dire une patenôtre quand il sera couché, parce qu'il a fauté ou qu'il a brisé le silence ou pour autre chose ; que Notre Sire lui pardonne.

284. Quand la cloche sonne pour prime, chaque frère doit se lever aussitôt, s'habiller et se chausser de toutes les affaires comme il est dit ci-dessus, et il doit aller au moutier et entendre le service entièrement. Et, tout premièrement, il doit entendre ou dire prime ; et après, il doit entendre la messe s'il peut; et après la messe, il doit entendre ou dire tierce et midi ; car ainsi est la coutume de la maison. Et si chaque frère entend ou dit tierce et midi avant la messe, il peut bien le faire. Et quand la première messe est chantée, si l'on chante plusieurs messes au moutier, chaque frère peut bien les entendre ; il peut les entendre s'il n'a rien d'autre à faire ; et toutes les fois, si le frère veut s'en aller, une fois que la première messe est dite, et qu'il ait entendu tierce et midi, il peut bien le faire. Mais avant qu'il aille autre part, chaque frère doit aller voir son équipement, comme il est dit ci-dessus.

285. Quand les frères sont sortis du moutier s'ils chevauchent ou si on leur fait un autre commandement, chacun doit aller à sa place et préparer ses armures et son équipement, s'il n'y a rien à réparer, ou à faire réparer, il doit travailler aux pieux et aux piquets, ou à autre chose qui incombe à son office. Et chaque frère doit s'efforcer que l'ennemi ne le trouve oisif, car l'ennemi assaille plus volontiers et plus hardiment de mauvais désirs et de vaines pensées et dit plus hardiment de laides paroles à un homme oisif qu'il ne fait à celui qu'il trouve entrepris d'un bon travail.

286. Quand la cloche du réfectoire sonne, chaque frère doit manger au premier couvent, que personne ne reste sans congé, sinon pour les choses qui sont énumérées ci-après. Mais chaque frère doit prendre garde, avec soin, qu'avant de manger une chose, il ait dit ou entendu matines, prime, tierce et midi et surtout les soixante patenôtres, lesquelles sont obligatoires à chaque frère du Temple, chaque jour pour les frères et pour les autres bienfaiteurs morts et vivants ; c'est à savoir, les trente pour les morts, que Dieu les délivre de la peine du purgatoire et les mette en paradis, et les autres trente pour les vivants, que Dieu les garde du péché et leur pardonne les fautes qu'ils ont faites et les conduise à bonne fin. Et ces soixante patenôtres, aucun frère ne doit les laisser et qu'il les dise chaque jour entièrement, à moins d'une maladie qui l'empêche de les dire sans dommage pour son corps.

287. Quand les frères sont venus à table pour manger, s'il y a un prêtre, ils doivent le faire venir et attendre qu'il soit venu, s'il est en un lieu d'où il puisse venir vite ; et après, ils doivent regarder qu'il y ait, sur la table, le pain, le vin et l'eau, s'ils ne doivent manger rien d'autre et s'il y a ce qui doit y être. Le prêtre, s'il y est, doit faire la bénédiction et chaque frère doit dire une patenôtre, et avant qu'il n'y ait eu la bénédiction, il ne doit pas trancher son pain, ni manger, ni boire. Et, de la même manière, s'il n'y a pas de prêtre, chaque frère doit faire la patenôtre et les autres choses ; et après seulement il peut manger de par Dieu.

288. En tous lieux où il y a le couvent, tant que le couvent mange, un clerc doit lire la sainte leçon ; et ce fut établi pour que les frères puissent mieux garder le silence et entendre les saintes paroles de Notre-Seigneur ; ainsi le commande la règle. Car sachez que, en tous les lieux où le couvent mange, le silence doit être gardé, et par les frères et par les autres personnes. Il en est de même lorsque les frères mangent à l'infirmerie, chacun doit manger bellement et en paix et garder le silence.

289. Quand les frères mangent au couvent, personne ne doit manger, ni boire, des viandes que celles que mange le couvent et les boissons communes, ni le maître ni les autres, si ce n'est du change, à savoir que l'on donna à un frère une viande changée parce qu'il ne mange pas de celle dont le couvent a reçu en commun. Quand on sert le couvent, on doit toujours porter, après le mets, le plat de change, parce que s'il y a un frère qui ne mange pas du mets. il faut qu'il puisse manger du change, s'il veut. Et, au couvent, les changes doivent être toujours pires que le mets que l'on donne avant ; et chaque frère qui ne mange pas du plat commun peut prendre le change s'il veut.

290. Chaque frère qui mange au couvent peut demander de la viande des domestiques s'il l'aime mieux que la viande du couvent, et on doit lui en donner. Mais s'il mange de la viande des domestiques, il ne peut pas manger de la viande du couvent ; où s'il mange de la viande du couvent, il ne peut pas manger de celle des domestiques. Et si, un frère qui mange au couvent peut demander ce que les autres mangent, il doit se garder de manger du change.

291. Quand les frères mangent au couvent, nul ne doit donner de la viande qu'il a devant lui, ni pain, ni autre chose, à un homme, ni à un oiseau, ni à une autre bête. Il ne doit pas ordonner à un homme de boire dans son hanap si c'est un homme qui ne soit digne de manger au couvent. Mais si un homme vient parler à un frère qui mange au couvent il peut bien le reprendre de boire ; mais il doit faire apporter du vin de la cave ou d'autre part que de la table du couvent.

292. Et l'on peut ordonner de manger à tout prud'homme qui vient au palais lorsque les frères mangent, et on peut le faire asseoir à l'une des tables du palais, de la manière qu'il lui revient. Mais toutes les fois le frère doit le demander ou le faire demander au commandeur de la maison, ou à celui du palais: et ils ne doivent pas refuser. Et quand ils mangent aussi à la table de l'infirmerie, personne ne doit donner de la viande qui est devant lui à un homme, ni à un oiseau, ni à une bête ; il ne doit ordonner à un homme de boire ni de manger, sinon comme il est dit ci-dessus des frères du couvent. Mais toutes les fois, il est plus laid qu'on le fasse au couvent qu'on ne le fasse à l'infirmerie ; et tout est défendu.

293. Nul frère qui demeure au couvent ne doit porter des chaussons, ni deux paires de chausses ; il ne doit se reposer sur son matelas sans congé et ne doit tenir une esclavine ou une carpite, ni autre chose qui lui fût aisé pour son corps, sur la paillasse, sans congé, sauf seulement le drap de lit.

294. Quand les frères sont assis pour manger au couvent, dès qu'ils ont brisé leur pain, et nul qui l'ait brisé ou qui ait mangé ne peut plus aucune chose, soit au manger ou au souper, ils ne doivent se lever ni peu ni beaucoup tant qu'il ait mangé de tout. Et s'ils sont au premier couvent, nul ne doit se lever tant que tous ne se lèvent à moins que leur nez saignât, car celui-ci pourrait se lever sans congé puis retourner manger lorsque le sang serait étanché. Et lorsqu'il y a le cri d'armes, s'ils sont certains que le cri soit poussé par un frère ou par un prud'homme, ou pour la ruade des chevaux, ou pour le feu s'il prend dans leur maison, ils peuvent aussi se lever sans congé et puis retourner manger.

295. Quand les frères ont mangé au premier couvent, ils doivent se lever tous ensemble en communauté lorsque le clerc dit: « Rendons grâce à Dieu » ; et nul ne doit alors demeurer à la table et ils doivent aller tous ensemble au moutier s'il est près et ils doivent rendre grâce au Seigneur de ce qui leur a été donné et chacun doit dire une patenôtre et le prêtre ou le clerc, s'il y en a un, doit aller au moutier devant les frères et doit rendre grâces à Dieu et faire dire les oraisons comme il est de coutume à la maison. Et si le moutier n'est pas près, il doit dire les oraisons à la place même et faire les grâces comme il est dit ci-dessus comme s'ils étaient au moutier. Et dès que les frères sont levés de table, ils ne doivent dire ni de bonnes ni de mauvaises paroles tant qu'ils n'ont pas rendu grâces à Dieu, ainsi qu'il est dit ci-dessus.

296. Lorsque les frères vont manger à la table du dernier couvent, ils doivent faire la bénédiction comme il est dit de ceux qui mangent au premier couvent et ils doivent être servis de la même viande et autant, comme les premiers ont été servis, et de la même manière ; et aucune autre viande ne doit être donnée aux derniers, sauf de celle que les premiers auront eue, s'il y a de la même. Mais si cette viande manque au dernier couvent, il conviendrait que l'on servît les frères d'une autre viande. Mais cette viande ne doit pas être meilleure que celle que l'on aura servie à l'autre couvent ; et sachez que les frères doivent le prendre avec patience et se tenir en paix. Mais sachez bien que celui qui sert les frères et celui qui partage la viande doivent la répartir de telle manière que le dernier en ait comme le premier.

297. Quand les frères mangent au dernier couvent, on ne lit pas la sainte leçon, mais les frères doivent garder le silence et autre, ainsi qu'il est dit de ceux qui mangent au premier couvent ; ceux qui mangent au dernier couvent peuvent se lever de table quand ils ont mangé ; mais ils doivent faire les grâces et les autres choses comme il est dit dessus de ceux qui mangent au premier couvent.

298. Et de cette même manière peut faire chaque frère qui mange à l'infirmerie, soit au premier couvent ou au dernier, et du lever et des grâces. Mais sachez bien que les frères qui mangent à la table de l'infirmerie au dernier couvent, ils ne doivent pas être servis d'une autre viande que celle qui aura été servie au premier, si ce n'est que la viande fasse défaut, car il conviendrait de leur en donner une autre. Et si on le fait, ce serait de la gloutonnerie et celui qui l'aurait fait serait chargé d'une grande pénitence et cela vaut de ceux des frères qui peuvent souffrir la viande commune de l'infirmerie, car aux plus malades, il convient que l'on fasse des avantages et aux vieux et aux faibles. Et ainsi le commande la règle.

299. Quand le commandeur du palais voit qu'il y a beaucoup plus de la viande de l'infirmerie et peu de celle du couvent, il peut bien demander aux frères qui doivent manger à la table du couvent, au dernier couvent, qu'ils aillent manger avec lui à la table de l'infirmerie. Ils doivent lui obéir, et le commandeur du palais peut faire servir ces frères de la viande de l'infirmerie, comme le premier couvent aura été servi.

300. Lorsqu'il est près de nones ou de vêpres ou de quelques heures que ce soit, chaque frère doit se tenir en un lieu où il puisse entendre la cloche, ou qu'on le trouve pour qu'on puisse aller le chercher pour entendre ces heures. Après, quand la cloche de nones sonnera, chacun doit aller au moutier entendre nones. Et après, lorsque la cloche de vêpres sonnera, chaque frère doit aller entendre vêpres, personne ne peut demeurer sans congé, sauf le frère du four, s'il a les mains dans la pâte ; le frère de la grosse forge, s'il a du fer bouillant au feu, celui-ci peut demeurer tant qu'il n'ait pas battu la chaude ; le frère maréchal-ferrant s'il pare le pied d'un cheval ou d'une autre bête de selle, ou s'il l'a paré, il peut demeurer jusqu'à ce qu'il ait ferré. Mais dès qu'ils auront fait leur besogne, ils doivent aller au moutier ou là où l'on chante les heures, et ils doivent les entendre, ou les dire s'ils ne peuvent les entendre.

301. Et vous devez savoir qu'aucun frère, s'il n'est malade, ne doit boire du vin entre le repas et vêpres ; et ceux qui mangent au couvent ne doivent pas boire avant que les nones ne soient chantées.

302. Quand les frères ont entendu ou dit vêpres, tout ceux qui mangent deux fois le jour doivent aller souper au premier couvent, que personne ne reste sans congé, sinon des trois qui sont dits ci-dessus, lesquels peuvent s'absenter du dîner et du souper, des nones et des vêpres, pour les choses qui sont nommées ci-dessus ; et ils doivent faire au souper la bénédiction, la leçon et les grâces comme il est dit ci-dessus quand ils doivent faire le dîner.

303. Quand les frères jeûnent, ils doivent entendre nones ou les dire avant de manger, ensuite ils peuvent manger à moins que l'on ne soit en grand carême ; car pendant le grand carême, dès que le premier dimanche est passé, chacun doit entendre ou dire vêpres avant de manger, les jours de jeûne.

304. Quand la cloche des complies sonne, tous les frères doivent s'assembler au moutier ou là où ils ont coutume de s'assembler et ils peuvent boire tous ensemble, ceux qui le voudront, eau ou vin trempé s'il plaît au maître ou selon la coutume de cette maison, mais ils doivent le faire de telle manière qu'il n'y ait rien de superflu, et de la manière que le commande la règle. Puis, si on fait le commandement, ils doivent obéir bellement et en paix. Après, chaque frère doit entendre complies, ou les dire, s'ils ne sont dans un lieu où ils puissent les entendre.

305. Et quand les complies sont chantées, chaque frère doit aller regarder ses bêtes et son équipement s'ils sont en place, comme il est dit ci-dessus ; et s'il veut dire quelque chose à son écuyer, il doit lui dire bellement et doucement, et puis il peut aller se coucher. Et lorsqu'il sera couché, il doit dire une patenôtre, parce qu'il a fauté de quelque chose, puisque les complies ont été dites et que Dieu lui pardonne. Et chaque frère doit tenir le silence depuis le commencement des complies jusqu'après prime, si ce n'est par nécessité.

306. Et chaque frère doit savoir que, s'ils ne sont en un lieu où ils puissent entendre les heures, chacun doit dire pour chacune des heures nommées ci-après la patenôtre autant de fois qu'il est nommé ci-après, c'est à savoir pour prime, tierce, sexte, nones et complies. Pour chaque heure quatorze patenôtres: sept fois pour les heures de Notre-Dame et sept fois pour les heures du jour. Et les heures de Notre-Dame, on doit toujours les dire et les entendre debout, et celles du jour, on peut tous les jours les dire et les entendre assis. Et pour vêpres chacun doit dire dix-huit fois la patenôtre: neuf fois pour celles de Notre-Dame et neuf fois pour celles du jour. Et les heures de Notre-Dame, on doit les dire en premier lieu, à la maison, sauf pour les complies de Notre-Dame que l'on doit dire en dernier, à la maison, parce que Notre-Dame fut le commencement de notre ordre et en elle et pour l'honneur d'elle, s'il plaît à Dieu, sera la fin de notre vie et la fin de notre ordre, lorsqu'il plaira à Dieu que ce soit.

307. Et chaque frère qui entend les heures peut bien souffrir de les dire s'il le veut ; mais plus belle chose est qu'il les dise sans qu'il en souffre, ce qui est plus sain. Et sachez que lorsque les frères sont au moutier, tous doivent s'agenouiller, être debout ou assis ensemble tant que le service durera. Si un frère ne peut le faire de cette manière pour sa fatigue, il doit être à part des autres frères

308. Chaque frère est tenu d'entendre ces heures entièrement et nul frère ne doit sortir du moutier tant que les heures ne sont pas terminées, si ce n'est pour un besoin qu'il ne peut éviter ou pour aller chercher celui qui a sa place à côté de la sienne au moutier, lequel il doit aller chercher s'il ne vient lorsqu'on commence le service et il doit le chercher au moins à la place de son lit et des bêtes.

309. Chaque frère doit prendre garde d'être à la fin des heures, parce que, à la fin des heures, on fait les appels et les commandements, sauf aux complies, car on doit les faire avec la collation avant que les complies ne commencent. On les faits en avance parce que si on les faisait après, on briserait le silence, et malgré tout, on pourrait bien les faire si besoin en était, mais il est mieux qu'on les fasse avant qu'après. Et nul frère ne doit quitter sa place où tous font la collation tant que la petite cloche ne sonne, s'il ne le fait par commandement ; et même si un frère ne veut pas boire, il doit venir avec les autres pour savoir s'il y a des commandements à faire.

310. Chaque frère est tenu d'entendre volontiers les commandements. Chaque frère qui n'a été à la fin des heures, doit demander aux autres qui y auront été, si l'on n'a pas fait de commandement, et ils doivent le lui dire, à moins que ce ne soit une chose qui leur soit défendue. Mais si un commandement a été fait, comme d'envoyer un frère en service, ou pour beaucoup d'autres choses, il doit venir aussitôt à celui qui aura fait le commandement, et doit lui dire: « Beau sire, je n'étais pas au commandement ». Après, il doit faire ce qu'on lui commandera.

311. Quand la cloche sonne pour assembler les frères, aucun frère ne peut demeurer sans congé. Aucun frère ne peut prendre congé pour un autre frère, ni des heures, ni de l'appel, ni du chapitre ni d'aucune chose, si le frère pour qui il prend congé ne lui a dit ou demandé. Quand un frère dit à un autre de prendre congé d'une chose pour laquelle on fera le congé, ce frère doit lui prendre congé et s'il ne le prend, il en est chargé et l'autre en est délivré.

312. Quand un frère veut prendre congé des heures pour un autre frère, il doit le dire de cette manière: « Sire, donnez congé à tel frère », et il doit le nommer et il doit dire la chose pour laquelle le frère veut demeurer des heures, soit pour fatigue ou pour autre chose ; et il est établi ainsi parce que le commandeur connaît le frère. Et s'il voit que ce frère est accoutumé de perdre les heures trop souvent, le commandeur doit l'admonester et le prier qu'il s'en garde comme le commande la règle ; et si le frère ne veut pas se corriger, le commandeur doit le faire passer par la justice de la maison et peut lui refuser le congé. Aucun frère ne doit dire à un homme du siècle de lui prendre congé, ni par un autre sauf à un frère du Temple ; mais il peut bien envoyer, par un homme du siècle ou par un autre, à un frère qu'il prenne congé pour lui.

313. Quand le maître fait commandement à un frère, le frère doit dire « de par Dieu » et il doit faire le commandement s'il le peut et le sait. Et s'il ne le peut ni ne le sait faire, il doit prier à un autre qu'il prie le maître qu'il le relaxe du commandement, parce qu'il ne peut le faire ou ne sait pas, ou que le commandement ne soit pas raisonnable ; et le maître est tenu de relaxer le frère s'il voit que la chose est de cette manière. Et de cette même manière doit faire chaque commandeur à tout frère qui est à son commandement ; et aussi chaque frère doit dire « de par Dieu » à tout commandement que lui fait son commandeur, et faire ensuite comme il est dit ci-dessus. Chaque frère doit se garder de faire ce qui est défendu à la maison.

314. Lorsqu'un frère vient à prime, il doit être vêtu et chaussé de tout son habillement, car il ne doit venir ni en chemise, ni en tunique s'il n'a la cotte ou le jupon, ou la coiffe. Aucun frère ne doit se peigner après les complies ; nul frère ne doit porter le manteau sur sa tête sinon quand il est à l'infirmerie et quand il va aux matines, car là, il peut le porter, mais il ne doit pas le garder lorsqu'on chante le service.

315. Chaque frère doit prendre garde avec soin de son équipement et de ses bêtes. Nul frère ne doit faire courir son cheval s'il n'est reposé, ni galoper sans congé de celui dont il fait le service ; le pas ou l'amblure il ne peut le faire en amusement. Nul frère ne peut faire courir son cheval d'une traite, sans congé. S'il ne porte l'arbalète et veut faire une traite avec son cheval, il peut faire courir son cheval d'une traite ou de deux ou de trois sans congé, s'il le veut. Nul frère ne peut, par hâte, faire courir son cheval une demi-traite avec une autre personne, sans congé. Nul frère ne doit faire courir son cheval d'une traite entiere ni porter les armes, sans congé, en chausses ; et une demi-traite il peut le faire. Quand les frères vont en paix pour courir une traite, ils doivent chausser leurs housses. Quand les frères joutent à la lance, ils ne doivent pas jeter leur lance à cause du dommage qui pourrait subvenir. Nul frère ne doit ferrer ou panser sa bête, ni faire une chose qui le mettrait en retard sans congé.

316. Nul frère ne doit prendre une chose d'un autre sans congé du frère qui en a la place. Si un frère trouve la bête d'un autre frère à sa place, il ne doit ni l'enlever, ni la déplacer, mais il doit dire au frère à qui appartient la bête qu'il lui redonne sa place et le frère doit lui laisser. Le maréchal, ou celui qui est à sa place, doit la lui faire laisser. Chaque frère qui chevauche en amusement doit laisser sa place et son équipement en garde à un frère.

317. Nul ne doit mettre en gage, ni un cheval, ni autre chose, si ce n'est un trait d'arbalète sans fer ou autre chose qui ne coûte pas d'argent ni à lui, ni à un autre, comme une lanterne découverte, ou une masse en bois ou des pieux de campement ou de grebeleure. Et même ces choses, qui ne coûtent rien comme il est dit ci-dessus, un frère ne peut les donner à un autre sans congé. Et chaque frère du Temple peut jouer avec un autre frère, avec son arbalète, dix coupes de chandelle sans congé, mais pas plus ; et il ne peut en perdre plus en un jour ; et il peut mettre en gage la fausse corde de son arbalète pour les coupons ; mais il ne peut laisser la cordelette pendant la nuit sans congé. Et en autre gage le frère ne peut, ni ne doit mettre, un trait d'arbalète. Nul frère ne doit ceindre son baudrier sur sa tunique ni sa ceinture tout le jour. Chaque frère peut jouer aux chevilles de bois sans fer ou au forbot si le bois est à lui. Et sachez que le frère du Temple ne doit jouer à un autre jeu, sauf au méreaux auquel tout le monde peut jouer, s'il le veut, en amusement sans mettre des gages. Nul frère du Temple ne doit jouer aux échecs, ni au Datum (pions de jeu) « trictrac est un mot qui date du XVe siècle. »

318. Et si un frère trouve un autre équipement, il ne doit pas le garder, niais s'il ne sait pas à qui est cette chose, il doit la porter ou la faire porter à la chapelle ; ou s'il sait à qui est la chose, il doit la rendre. Si l'on apporte un équipement à la chapelle, qui a été trouvé, et que l'équipement soit de la maison, et que l'on ne sait de quel frère il est, si l'équipement appartient à la maréchaussée, on doit le rendre à la maréchaussée, ou à la parementerie s'il est de la parementerie, ou à d'autres métiers s'il leur appartient

319. Nul frère ne doit faire avantage de la prébende à une de ses bêtes, de manière que les autres bêtes en soient malades. Nul frère ne doit rechercher l'orge pour ses bêtes sans congé, hors de la prébende qui est communément livrée par le grenier. Nul frère ne doit retenir une prébende d'orge à sa place lorsqu'il prend l'autre prébende, et s'il la retient, il doit le dire. Quand les frères donnent une demi-prébende à leurs bêtes, la demi-prébende doit être de dix mesures, et sachez qu'aux bêtes de la caravane, on doit donner tous les jours une demi-prébende, mais elle doit être de dix mesures ; il en est de même pour les frères de métiers à qui on doit donner une demi-prébende de dix mesures. Et il doit en être ainsi toujours, à moins que le couvent se soit mis d'accord pour que la demi-prébende soit en plus ou en moins.

320. Nul frère du couvent ne doit entrer sans congé en ville, ni dans un casal, ni dans un château, ni dans une ferme, ni dans une maison, dans une région près d'une demeure, si ce n'est s'il accompagne un frère bailli, lequel a pouvoir de le mener en ce lieu. Et sachez que chaque frère, qu'il soit de couvent ou de métier, doit se garder d'entrer dans une ville ou dans un jardin ou dans une ferme si elle n'est dans son commandement. Nul frère, ni de couvent ni de métier, ne doit manger, ni boire du vin sans congé s'il se trouve à une lieue de la terre ou à moins d'une maison où demeurent des frères, si ce n'est par grande nécessité ; mais il peut boire de l'eau, s'il en a besoin. Et il peut boire du vin s'il est avec un évêque, ou un archevêque ou avec une autre personne d'Eglise qui soit d'une dignité aussi grande qu'un évêque. Et à l'hôpital de Saint-Jean, il peut boire s'il le veut et s'il en a besoin, mais il doit le faire comme s'il était à la maison.

321. Quand un frère va à un des métiers pour son besoin, il ne doit entrer dans la garde-robe sans congé du frère qui est sur cet office ou de plus. Quand les frères du couvent demandent aux frères de métiers les choses dont ils ont besoin, ils doivent le demander bellement et en paix ; et les frères de métiers doivent le leur donner bellement et sans tapage et sans dommage, s'ils en sont aidés ; et s'ils n'en sont pas aidés, ils doivent leur refuser bellement et en paix. Et s'ils le faisaient d'une autre manière, la justice devrait en être saisie ; chaque frère se doit de garder que son frère ne se meuve avec colère, ni avec courroux car c'est un âpre commandement de la règle.

322. Nul frère ne doit porter son haubert ni ses chausses de fer dans le sac, ni dans la guarelle, ni dans son profinel mais dans son petit sac ou dans celui en mailles ; mais le treillis ne doit pas pendre à la corde pour porter son haubert, mais il peut le porter entre les mains, tant que lui ou un sergent pourra le tenir ; et, par congé, il peut le tenir ou le pendre à la corde.

323. Nul frère ne doit manger au palais vêtu de la chape, ni au couvent, ni à l'infirmerie et nul frère qui a mangé le matin au couvent ne peut souper le soir autre part qu'au couvent, ni le maître, ni un autre. Mais s'il advient que le maître ait mangé le matin à l'infirmerie et qu'il chevauche le jour même en promenade ou autre part, et qu'il mène avec lui des frères qui ont mangé le matin au couvent, le maître peut les inviter à souper avec lui à même le palais où ils auront mangé le matin. Mais si le maître a mangé le matin au couvent, il doit souper le soir au couvent s'il soupe, et non ailleurs. Et quand le maître mange à une autre table que celle du couvent, l'aumônier doit prendre toute la viande qui sera levée de cette table, pour la donner aux pauvres sergents et aux pauvres écuyers qui sont à l'infirmerie ; et il doit prendre de la table de l'infirmerie les sauces et le rôt et le manger blanc, s'il y a.

324. Nul frère ne doit porter un chaperon sur sa tête. Nul frère ne doit porter la coiffe sans chapeau de coton. Nul frère ne doit pendre son manteau autour de son lit avec des crochets, car chaque frère est tenu de porter honneur à son habit. Nul frère ne peut faire peindre sa lance sans congé, ni peut brandir son épée sans congé, ni son chapeau de fer, ni son couteau d'arme, ni peindre son chapeau de fer.

325. Nul frère ne doit jamais jurer avec satisfaction et contentement, ni ne doit jamais dire de vilaines paroles, et il doit moins le faire. Chaque frère est tenu de dire et de faire toutes les courtoisies et toutes les belles paroles. Nul frère ne doit porter des gants de cuir, sauf les frères chapelains à qui l'on autorise de les porter en l'honneur du corps de Notre Seigneur, qu'ils tiennent souvent entre leurs mains ; et le frère maçon les porte quelquefois, et on l'autorise à cause du grand travail qu'il fait et pour qu'il ne blesse, même légèrement, ses mains, mais il ne doit pas les porter lorsqu'il ne travaille pas. Chaque frère doit porter les gants d'arme quand il a revêtu ses espalières pour s'armer, et autrement, il ne doit pas les porter sans congé.

326. Nul frère ne doit tenir les retraits de la règle, s'il ne les tient par le congé du couvent ; car par le couvent, ils ont été défendus et furent défendus aux frères, parce que les écuyers les trouvèrent une fois et les lisaient, et firent découvrir nos établissements aux gens du siècle, laquelle chose peut être d'un grand dommage pour notre ordre. Et afin qu'une telle chose ne puisse advenir, le couvent avait établi que nul frère ne les tint, nul frère, s'il ne fut bailli, tel qu'il peut les tenir dans son office de la baillie.

327. Nul ne doit porter ni tenir de l'argent sans congé. Quand un frère demande l'argent à un frère de notre baillie pour acheter une chose, il doit acheter au plus tôt qu'il pourra ce pourquoi il lui demande, et il ne doit pas acheter autre chose sans congé ; mais par congé, il peut le faire et chaque frère du Temple qui est bailli, il peut le faire et donner tel congé ; et chaque frère bailli peut donner congé à un autre frère de donner une dague d'Antioche ou d'Angleterre. Et si les frères sont en un lieu où il n'y a pas de commandeur de chevaliers au-dessus d'eux et qu'il y ait un frère bailli entre eux, de lui ils doivent prendre congé pour les besoins qu'ils auront.

328. Et s'il n'y avait ni commandeur de chevaliers, ni autre frère chevalier bailli, les frères, par un commun accord, peuvent mettre comme commandeur des chevaliers un des frères qui sera en leur présence, celui qui leur semblera le plus raisonnable et c'est de lui qu'ils doivent prendre le congé. Et si les frères étaient frères sergents, ils pourraient bien prendre le congé d'un frère sergent bailli, s'il y est et s'ils n'ont d'autres commandeurs de chevaliers. Mais sachez bien que nul frère sergent ne peut être commandeur de chevaliers et ne doit tenir de chapitre en un lieu où il y a des chevaliers.

329. Chaque frère du Temple, le maître ou un autre, se doit de garder attentivement qu'il ne tienne de l'argent en propre, ni or, ni argent ; car une personne religieuse ne doit rien avoir en propre, comme dit ainsi le saint: qu'un homme religieux qui possède une maille, ne vaut pas une maille. Nul frère ne doit avoir en propre aucune chose, ni plus ni moins, ni en commande ni hors commande, et il est spécialement défendu d'avoir de l'argent sur toute autre chose. Mais les frères baillis peuvent avoir les choses dont ils auront besoin pour leur office, mais ils doivent les avoir de telle manière qu'ils les montrent à celui sous le commandement duquel ils sont, s'il le leur demande ; car s'ils le cachaient et étaient convaincus d'en avoir, cela leur serait compté comme larcin et ils en perdraient la maison, dont Dieu garde tout frère du Temple.

330. Toutes les choses de la maison sont communes, et sachez que le maître, ni autre, n'a le pouvoir de donner congé à un autre frère de tenir en propre, ni un denier ni plus, ni de faire quelque chose que ce qu'il a promis à Dieu et voué spécialement et nominalement, c'est à savoir obéissance, chasteté et vivre sans propriété. Mais le maître peut donner congé à un frère, quand il va d'une terre à une autre, ou quand il va d'un lieu à un autre de porter de l'argent pour les besoins et pour acheter ce dont il a besoin et ce même congé peut être donné par un autre commandeur s'il y a lieu ; mais dès que le frère est là où il doit demeurer, il doit rendre ce qui lui sera donné de l'argent du trésor ou à celui qui lui aura donné, s'il peut le rendre, et doit le rendre, car il ne doit retenir ni plus, ni moins.

331. Car s'il advenait qu'un frère mourût et que l'on trouvât de l'argent sur lui, soit dans son habillement, soit dans sa robe de dormir, ou dans ses sacs, cela lui serait compté comme propriété et comme larcin. Et ce mauvais frère, on ne doit pas l'enterrer avec les autres bons frères qui sont allés de ce siècle, ni ne doit être mis en terre bénite, et les frères ne sont pas tenus de dire la patenôtre, ni de faire le service qu'ils doivent faire pour un frère défunt ; mais ils doivent le faire enterrer comme un esclave, dont Dieu garde les frères du Temple.

332. Mais s'il advenait qu'un frère mourût et que l'on trouvât après qu'il avait de l'argent du trésor en commande ou en commandement d'un autre frère bailli, on ne doit pas faire de ce frère comme il est dessus dit du mauvais frère, parce que celui-ci ne l'a pas sur lui ni en un lieu où la maison ne peut le perdre ni donné par raison. Maintenant, soit qu'il ait failli laidement et oublié son voeu et sa promesse, on doit l'avoir en merci et lui faire pour pitié et pour miséricorde ainsi qu'un autre frère, et prier pour son âme que Dieu lui pardonne. Mais si l'on trouve la commande hors de la maison et que le frère auquel le commandement avait été fait soit mort, qu'il n'ait pas été confessé par tel homme par qui la maison pouvait le recouvrer, à un tel frère on devrait lui faire ainsi qu'il est dessus dit du mauvais frère à qui l'on aurait trouvé de l'argent sur lui.

333. Et sachez que si le maître même avait mis la commande hors de la maison de cette manière et mourût, qui ne se confessa de manière que la maison puisse ou dût le recouvrer, on devrait lui faire la même chose et pis que ce qui est dit dessus du frère faux et mauvais ; car sachez que tant comme la personne tient plus, devra plus à notre maison s'il fait une telle faute en réfléchissant.

334. Et sachez que nul frère, ni trésorier ni autre, ne doit tenir longtemps la commande d'un autre frère et spécialement d'argent ni d'or ni d'argent ; et celui qui le fait, faute laidement et prend le parti d'un laid péché ; ainsi le frère qui garde la commande doit admonester le frère de qui vient la commande, ou qu'il achète pour ce dont l'argent lui sera donné, ou qu'il le rende au trésor, ou à celui qui lui a donné, et celui-ci doit lui obéir.

335. Et sachez que nul frère ne doit mettre en commande de l'argent hors du trésor, et, s'il n'est trésorier, au commandeur du palais, ou au commandeur de la maison dont il sera en demeure. Et les commandes des draps cousus ou à coudre doivent se mettre dans la parementerie, sauf les cottes des écuyers cousues, les chemises, les braies et les guarnaches, lesquelles doivent se mettre dans la sellerie; et tout l'équipement qui va à la parementerie doit se commander à la parementerie et de même celui qui va à la sous-maréchaussée ; et ainsi chaque frère quand il met son équipement en commande. Et nul frère ne doit prendre la commande d'un autre frère sans son congé.

336. Nul frère de métier, ni de prison, ni autre, ne doit battre un esclave de façon qu'il lui mette les fers au cou sans congé, s'il a mérité ; ni le doit mettre au gibet, ni le percer de son épée sans congé ; mais il doit bien le battre et peut le fouetter sans congé, s'il l'a mérité, mais qu'il se garde de le blesser.

337. Nul frère, s'il n'est fils de chevalier ou de fils de chevalier, ne doit porter le blanc manteau, ni les autres frères ne doivent l'accepter. Mais si le père d'un gentilhomme fut mort avant d'avoir reçu la chevalerie et fut tel qu'il dût être chevalier et le pût, pour cela son fils n'en perd pas son aristocratie et ainsi il peut être chevalier et frère du Temple et porter le manteau blanc . Nul frère qui ne fut de loyal mariage ne doit porter le blanc manteau, fût-il chevalier ou fils de chevalier.

338. Quand un frère du Temple est si vieux qu'il ne peut plus user des armes, il doit le dire au maréchal de telle manière: « Beau sire, je vous prie pour Dieu que vous preniez mon équipement et que vous le donniez à un frère pour qu'il en fasse le service de la maison, car je ne peux plus faire comme il est besoin pour moi et pour la maison. » Et le maréchal doit et peut le faire, mais il doit donner au prud'homme une bête douce et amble pour son divertissement, si le frère le veut ; mais toutes les fois le maréchal doit en parler au maître avant de prendre l'équipement du frère. Car ni le maréchal, ni un autre ne peut prendre 1'équipement d'un frère, ni par volonté, ni contre sa volonté sans en parler au maître ou à celui qui tient sa place, de manière que l'on lui ôtât tout son équipement.

339. Mais si un frère a une bête dont il ne puisse faire le service de la maison comme il est de coutume à la maison, il peut bien la rendre au maréchal et le maréchal doit la prendre et peut la prendre sans en parler au maître ni à un autre ; et il doit en donner une autre au frère si cela peut l'aider et si le frère est malade. Et sachez que de cette manière doivent faire tous les vieux frères de la maison et ceux qui ne peuvent faire leur service pour le profit de leurs âmes et de la maison. Car sachez, il est grand dommage pour la maison lorsqu'un frère tient trois ou quatre bêtes et son équipement sans faire le service de la maison. Les vieux hommes doivent montrer le bon exemple aux autres et doivent se garder avec soin qu'ils ne fassent outrage, ni en manger, ni en boire, ni en robes, ni en aucune chose pour ce spécialement que les jeunes frères doivent se mirer en eux et au comportement des vieux, les jeunes doivent apprendre comment ils doivent se comporter.

340. Chaque frère doit s'efforcer de vivre honnêtement et de montrer le bon exemple aux gens du siècle et aux autres ordres en toutes choses, de telle manière que s'ils le voient, ils ne puissent mal le noter dans son comportement, ni en son chevauchement, ni en son allure, ni en sa manière de boire, ni en sa manière de manger, ni dans son regard, ni en aucun fait, ni en ses oeuvres. Et spécialement chaque frère doit s'efforcer de se tenir humblement et honnêtement lorsqu'il entend le service de Notre Seigneur, ou lorsqu'il le dit, et il doit faire ses oraisons et ses prosternations comme il est de coutume à la maison.

341. Quand les frères sont au moutier ou ailleurs, mais que les heures se chantent ou que même les frères les disent, chacun doit faire les inclinations comme il est de coutume à la maison tous les jours ; si ce ne fut aux jours où l'on fait neuf leçons en telle maison où ils seraient, ou si ce n'est dans les octaves des fêtes que l'on est accoutumé de faire dans la maison du Temple et pendant l'Avent lorsque les antiennes se chantent pendant lesquelles on clame les « O », les frères ne doivent pas seulement faire d'inclinations à vêpres mais ils doivent les faire à toutes les heures. La veille de l'Apparition, et à Noël, on ne doit pas faire d'inclinations pendant les heures ; et les jours où on doit laisser les inclinations sont les veilles de fête, lorsqu'on doit faire neuf leçons jusqu'aux nones du jour.

342. Quand vient le grand carême, toutes les fois que le prêtre et le diacre disent: « Plions le genou », lorsqu'on chante la messe, tous les frères qui ne sont pas malades doivent s'agenouiller, et quand il dit: « Levez-vous », ils doivent se lever. Le premier mercredi du grand carême, une fois que les matines sont dites, le prêtre et le clerc doivent commencer les sept psaumes de la pénitence, et tant que les sept psaumes se disent, les frères doivent être debout sauf à la fin de chaque psaume, lorsqu'on dit le « Gloire au Père... » où chacun doit s'agenouiller et se lever après. Et quand les sept psaumes sont finis, le prêtre et le clerc doivent commencer la litanie et la dire entièrement, bellement et doucement, avec toutes les oraisons qui s'y affèrent ; ce disant les frères doivent s'agenouiller sur leurs pieds et écouter ce service avec grande dévotion. Et ces sept psaumes et cette litanie doivent se dire de cette manière jusqu'au mercredi saint, à moins qu'une fête de neuf leçons ne vint, et chaque jour les frères doivent faire ainsi qu'il est dit ci-dessus.

343. Et le premier mercredi du grand carême, que l'on appelle le mercredi des cendres, tous les frères doivent recevoir les cendres sur leur tête ; ces cendres doivent être mises par le frère chapelain ou un autre prêtre s'il n'y a pas de frère chapelain, en souvenir que nous sommes cendres et qu'en cendres nous retournerons.

344. Quand vient le samedi de la mi-carême et que l'on chante cette antienne qui est appelée « La moitié de la vie » , toutes les fois que l'on dit « Dieu saint saint et fort, saint et immortel » , tous les frères doivent faire les inclinations à toutes les fois que l'on dit « saint », que ce soit la fête ou non.

345. Mais le mercredi saint, dès que les nones sont sonnées, on ne fait pas d'inclinations dans la maison jusqu'au lundi après les octaves de la Pentecôte, si ce ne fut le jour du vendredi saint, à la fin des heures lorsqu'on dit Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison et le psaume Miserere mei Deus car là chacun doit être à genoux et sur ses pieds jusqu'à la fin des oraisons, à chacune des heures ; et ce même vendredi lorsque le prêtre dit: « Plions le genou », lorsqu'on chante le service, chaque frère doit s'agenouiller ; et lorsqu'il dit: « Levez-vous », il doit se lever comme il est dit ci-dessus. Et après les Pâques, toutes les fois que l'on commémore la résurrection, chaque frère doit s'agenouiller. Et aucune autre inclination ne doit être faite par les frères, hors celles qui sont requises. Mais sachez bien que tous les frères malades ne sont pas tenus de faire ces inclinations, ni les afflictions tant qu'ils ne sont pas guéris et qu'ils puissent les faire sans aggraver leur maladie.

346. Le jeudi saint, il est de coutume dans la maison que l'on sonne les cloches aux matines et aux autres heures jusqu'à la messe. Mais dès que la messe est commencée, on ne doit plus les faire sonner jusqu'à la veille de Pâques, quand on commence le Gloria in excelsis, et à cette heure, on doit bien les sonner et très fort. Le jeudi saint, on ne doit pas donner le baiser de paix, mais lorsque la messe et les vêpres sont chantées, l'aumônier doit avoir préparé treize pauvres avec de l'eau chaude et des aiguières ou des flacons et assez de serviettes.

347. Et les frères doivent laver les pieds des pauvres et les essuyer avec les toiles, et après baiser humblement leurs pieds. Et sachez que l'aumônier doit prendre garde que ces pauvres qui doivent être lavés n'aient pas de laides maladies aux pieds et aux jambes ; car, par aventure, cela pourrait faire mal au coeur d'un frère. Et pendant que se fait ce service, le prêtre et le clerc doivent être en surplis et avec la croix doivent dire les oraisons comme il est de coutume à la maison de les dire ce jour. Et après, le commandeur de la maison, s'il n'y a pas un plus grand, doit donner aux pauvres qui ont été lavés et à chacun deux pains et des souliers neufs et deux deniers. Et tout cela doit se faire le jeudi saint, avant que les frères ne mangent.

348. Le jeudi saint, lorsqu'il est près de complies, on doit battre la crécelle et, au son de cette crécelle, les frères doivent s'assembler au palais comme ils le feraient si l'on sonnait la cloche ; et le prêtre et le clerc doivent aussi aller au palais et doivent porter la croix. Et là, un prêtre ou un diacre doit lire l'Evangile, celui que l'on a coutume de lire ce jour, et il doit le lire sans titre ; et il peut s'asseoir quand il lit, s'il le veut, mais il doit être revêtu; et quand il aura lu un certain temps, il peut se reposer. Et les sergents doivent apporter le vin aux frères et les frères peuvent boire s'ils le veulent ; et quand ils auront bu, celui qui lit doit lire ce qui reste de l'Evangile. Et lorsque l'Evangile est terminé, les frères, les prêtres et les clercs doivent aller au moutier ; et les prêtres doivent laver les autels et après ils doivent jeter du vin et de l'eau par-dessus les autels. Et il est de coutume à la maison que tous les frères aillent adorer les autels et les baiser et chaque frère doit retirer un peu de ce vin trempé, qui est répandu sur les autels, et doit le boire. Et après, quand tous les frères qui sont présents ont fait de cette manière, les complies doivent être chantées ; et quand elles sont chantées, les frères doivent faire comme il est rapporté ci-dessus.

349. Le jour du vendredi saint, tous les frères doivent adorer la croix avec grande dévotion ; et quand ils vont à la croix, ils doivent avoir les pieds nus. Et ce jour, ils doivent jeûner au pain et à l'eau et manger sans toile, mais les tables doivent être lavées avant d'y mettre le pain par-dessus ; et aucun autre jour le frère du Temple ne doit manger sans toile s'il n'est en pénitence à terre, car alors il doit manger sur le pan de son manteau et sans toile ainsi qu'il sera indiqué ci-après quand le moment viendra. Et maintenant, lorsque le frère mange au couvent le jour du vendredi saint, il peut bien se lever de la table lorsqu'il aura mangé s'il le veut au premier couvent mais cela il ne peut le faire un autre jour.

350. Les autres jeûnes que les frères du Temple doivent faire, sont ceux-ci: c'est à savoir ils doivent jeûner tous les vendredis de la fête de la Toussaint jusqu'à Pâques, sauf le vendredi dans l'octave de Noël. Et si la fête de Noël advient un jour de vendredi, tous les frères doivent manger de la chair en honneur de la fête de Noël. Et de même si la fête de l'Apparition ou de la Purification de Notre-Dame ou de saint Mathias l'apôtre arrivait un jour de vendredi, les frères ne sont pas tenus de jeûner le vendredi.

351. Et encore les frères du Temple sont tenus de jeûner chaque année pendant deux carêmes ; et dès le commencement à jeûner tout le temps, le premier, du lundi avant la fête de saint Martin qui est en novembre, ils doivent jeûner jusqu'à la veille de Noël. L'autre carême doit commencer toujours le lundi avant le mercredi des cendres et ils doivent jeûner jusqu'à la veille de Pâques.

352. Chaque frère est tenu de jeûner la veille de l'Apparition et la veille de saint Mathias l'apôtre, et le jour de saint Marc et la veille du jour des deux apôtres saint Philippe et saint Jacques ; et trois jours avant l'Ascension ; et la veille de Pentecôte, et la veille de saint Jean-Baptiste ; et la veille de saint Pierre et de Saint Paul ; et la veille de saint Jacques l'apôtre, et la veille de saint Laurent, et la veille de saint Barthélemy apôtres, et la veille de saint Matthieu, et la veille de saint Simon et de saint Jude apôtre, et la veille de saint André apôtre, et la veille de saint Thomas apôtre, aux jeûnes des Quatre-Temps sont aussi tenus les frères du Temple ; et ils doivent les faire le mercredi, le vendredi et le samedi qui suit le mercredi des cendres ; et une autre fois, ils les font le mercredi, le vendredi et le samedi après le jour de Pentecôte ; et la troisième fois, ils les font le mercredi, le vendredi et le samedi qui vient après la Sainte-Croix de septembre; et la quatrième fois et la dernière, le mercredi, le vendredi et le samedi après Sainte Lucie.

353. Et les frères du Temple ne doivent faire d'autres jeûnes sans congé, ni ne le peuvent sauf les vendredis et les autres jeûnes qui leur sont ordonnés en chapitre ; et ceux qui ne le font pas par congé, le font par commandement du chapitre. Et s'ils sont chargés de pénitence le vendredi, ou un autre jour de jeûne, ils les doivent faire, et ils peuvent les faire sans congé sauf par leur confesseur.

354. Mais sachez bien que le frère du Temple ne doit se confesser qu'à son frère chapelain, à moins d'une grande nécessité et qu'il ne peut avoir un frère chapelain, il peut le faire par congé.

355. Et tous les frères du Temple doivent savoir que tous les jours après nones, on doit dire les vêpres des morts en la maison, et les frères les doivent entendre, à moins que ce ne soit vigile d'une fête dont on fait neuf leçons, car alors on ne peut pas dire les vêpres des morts ; on ne peut souffrir de dire les vêpres des morts l'avant-veille de Noël, l'avant-veille de l'Apparition et le jour de la Sainte-Trinité et dans les octaves des fêtes dont on a coutume de le faire à la maison.

356. Et aussi vous devez savoir que les vigiles des morts doivent se dire tous les jours au Temple entre les nones et les vêpres, sauf pendant le grand carême, pendant lequel, dès que le premier dimanche est passé, on les dit entre le manger et les complies aux jours où l'on jeûne et aux autres jours à l'heure qu'il est dit ci-dessus. Mais pour cette même raison qu'on laisse les vêpres des morts, on peut laisser les vigiles ; et ces vigiles, les frères chapelains et les autres prêtres et les clercs doivent les dire entre eux. Et les autres frères peuvent bien souffrir de l'entendre s'ils le veulent ; mais sachez que la plus belle chose est qu'ils les entendent, s'ils n'ont pas grande besogne à faire.

357. Il est de coutume dans notre maison que l'on dise tous les jours au moutier, avant que l'on commence matines, les quinze psaumes, sauf s'il y a une fête de neuf leçons, la veille de Noël et la veille de l'Apparition. Mais dans les octaves de Noël, de Pâques, de Pentecôte, de l'Assomption, du saint de qui est l'église, on ne dit pas les quinze psaumes. Les heures de Notre-Dame, on doit les dire tous les jours à la maison du Temple sauf la veille de Noël, ni le jour, ni dans l'octave, ni la veille de l'Apparition, ni le jour de la Purification de Notre-Dame, ni dans les octaves ; si la septuagésime arrive, on ne dit dans la maison qu'un seul service.

358. Mais si la septuagésime arrive dans les octaves, il convient que l'on fasse toutes les heures tous les jours, et le service de Notre-Dame et celui du jour après la septuagésime, et qu'on laisse les octaves. Le jour de l'Annonciation de Notre-Seigneur, le jour des Rameaux, le jeudi saint, le vendredi saint, la veille de Pâques, les jours dans les octaves, le jour de l'Ascension, la veille de Pentecôte, les jours dans les octaves, le jour de l'Assomption de Notre-Dame, dans les octaves, le jour de la Nativité de Notre-Dame, dans les octaves, le jour de la Toussaint, le jour du saint de qui est l'église, dans les octaves, le jour de la dédicace de l'église dans la paroisse où ils sont installés, dans les octaves, on ne fait qu'un seul service dans la maison du Temple.

359. Et tout le service que l'on fait dans ce moutier dont nous avons le statut, chaque frère doit l'entendre attentivement s'il en est aidé, et il en est tenu, sauf pour les vigiles des morts dont il peut se passer comme il est dit ci-dessus. Mais les frères malades, quand ils ne peuvent entendre le service, ni faire les inclinations comme ceux qui sont sains quand ils sont au moutier, ils doivent se tenir à part des frères par-derrière les autres frères, et peuvent rester assis, et de cette manière ils doivent écouter le service avec grande dévotion et garder le silence, faire et dire le mieux qu'ils pourront sans préjudice pour leur corps.

360. Et encore tous les frères du Temple doivent savoir que l'on doit faire en notre maison, là où il y a un moutier ou une église, la procession le jour de Noël, de l'Apparition, de la Chandeleur, de la Pentecôte, de l'Assomption de Notre-Dame, de la Nativité de Notre-Dame, de la Toussaint, du saint de qui est l'église et de la dédicace de leur église. Et ces processions sont appelées générales, parce que tous les frères généralement qui sont présents en cette maison où se fait la procession doivent y être s'ils sont sains, et ils ne peuvent s'en dispenser sans congé. Et encore s'ils sont dans des dépendances de la maison en quelque lieu qu'ils soient, ils doivent être à la procession s'ils le peuvent.

361. Et on fait aussi au Temple d'autres processions, lesquelles sont appelées privées, parce que les frères chapelains et les prêtres et les clercs les font en privé sans les autres frères. Car les frères ne sont pas tenus d'y aller s'ils ne le veulent, mais s'ils le veulent bien, ils peuvent y aller. Mais si les processions vont en un lieu où les frères ne puissent aller pendant d'autres jours sans congé, ils doivent prendre congé d'y aller et, autrement, ils ne doivent y aller.

362. Tous les frères du Temple doivent porter un grand honneur et une grande révérence à leur moutier ; et sachez qu'aucun frère ne doit rien jeter du moutier qui y soit mis pour faire le service au moutier ou à ceux qui y sont dedans pour entendre le service, s'il ne le met dehors par congé, ni la puissance ni autre chose de ce qui fut apporté.

363. Un frère ne doit pas être ailleurs, tant que le service se dit, dans cette partie du moutier en laquelle le prêtre et le clerc demeurent quand ils font le service de Notre-Seigneur s'ils ne le font par congé, s'il ne fût frère chapelain ou clerc parce qu'on leur ferait une remontrance pour faire le service. De toutes les autres choses qui affairent au service de Notre-Seigneur chacun doit faire du mieux qu'il pourra selon les us de la maison et ainsi que le demande notre ordonnance, laquelle fut extraite de celle du Saint-Sépulcre.

364. Et vous devez savoir que, de la même manière qu'il est dit ci-dessus, les frères doivent se comporter d'aller au moutier et d'entendre le service quand ils sont dans les résidences ; et de la même manière, ils doivent le faire quand ils sont dans les campements, d'aller en la chapelle ou là où le service se chante, sauf si, au lieu de la cloche, ils n'aient entendu le cri. Et sachez que les frères sont tenus d'obéir au cri comme ils le font pour la cloche, et comme à celui qui pousse le cri.

365. Et quand il advient que l'on crie que les frères disent matines en leur hôtel, ou leurs autres heures, ils doivent se lever aussitôt et les dire ; et en quelque lieu que les frères soient où il n'y ait pas de prêtres ni autres qui leur disent les heures, ils doivent dire pour chaque heure les patenôtres qui leur ont été établies de dire s'ils sont en santé, de telle manière qu'ils rendent à Notre-Seigneur ce qu'ils doivent lui rendre au terme qui leur fut établi. Car ils ne doivent pas dépasser le terme par leur pouvoir et encore vaut-il mieux qu'ils le rendent avant qu'après ; mais si toutefois un frère oubliât de ne pas avoir rendu à Dieu la dette due au terme qui est établi, il doit le rendre après ou au plus tôt qu'il pourra.

366. Quand les frères sont en campagne, ils doivent avoir un commandeur, lequel doit veiller sur les viandes ; et celui-ci doit répartir et livrer les viandes aux frères, bien et avec égalité ainsi qu'il est dit ci-après ; et ce commandeur doit être un des vieils hommes de la maison, tel qui craint Dieu et aime son âme. Quand les frères veulent s'héberger, ils ne peuvent tendre trois grebeleures ensemble ou en plus sans congé, mais ils peuvent en tendre deux sans congé et pas plus.

367. Quand les frères sont en campagne, s'ils ne mangent au couvent, ils doivent se contenir de manger, de se lever, de la leçon et de toutes autres choses, ainsi qu'il est dit ci-dessus, qu'ils doivent faire lorsqu'ils sont dans les autres demeures ; et s'ils mangent dans l'infirmerie, ils doivent se contenir comme ils le feraient s'ils étaient dans les maisons. Et s'il advenait que les frères mangent dans les hôtels, chaque frère doit prendre garde des autres frères, spécialement de ses compagnons, qu'ils aient beau et bien comme tous les prud'hommes ainsi qu'il est établi, que les uns ne mènent pas plus dure vie que les autres, ni que les communs, sinon comme la règle le commande, et que les autres ne s'abandonnent pas, ni ne s'agrandissent à faire des choses qui sont contre l'honnêteté et les bonnes coutumes de notre maison.

368. Quand on crie que les frères doivent aller aux livraisons, ils doivent aller de chaque hôtel un ou deux, et peuvent mener, de leurs familiers, celui qu'ils jugeront pour apporter la viande ; et le commandeur de la viande leur doit donner du rang le plus communautaire qu'il pourra, mais il ne doit faire ni bonté, ni avantage à personne, sauf si ce n'est par maladie ; car ainsi que le commande la règle, que nul homme ne regarde la personne, mais la maladie du frère. Et l'on doit regarder la personne du maître, car on doit lui donner du meilleur et du plus beau, mais aux compagnons du maître et aux autres frères qui sont en sa compagnie, on doit leur donner comme au rang, comme à la communauté. Et si des présents de viandes sont envoyés à tout le couvent, le commandeur de la viande doit les répartir à tous les frères.

369. Et si le commandeur de la viande veut faire présent aux frères d'une chose, il doit le faire en commun. Et sachez que les frères ne doivent faire d'autres recherches de viande en dehors de celle que l'on donne à la communauté, si ce n'est des herbes des champs ou des poissons, s'ils savent les prendre par eux-mêmes, ou des bêtes sauvages s'ils savent les prendre sans chasser, de manière qu'ils n'enfreignent pas les commandements de la maison. S'il advient qu'une autre viande vienne à un frère, en présent ou d'autre part, il doit la faire parvenir à la tente de la viande et doit le faire savoir au commandeur ; et si le commandeur veut la retenir, il peut bien le faire, mais ce ne serait pas belle chose, car la plus belle est qu'il la rende.

370. Lorsque les frères sont en campagne, le frère d'un hôtel peut bien présenter la même viande qu'il aura aux frères d'un autre hôtel, et c'est belle chose qu'il le fasse. Et sachez que la pièce de chair de deux frères doit être telle que, de ce qui restera devant deux frères, on puisse bien soutenir deux pauvres ; et la pièce de deux frères, on doit la donner à trois turcopoles , et la pièce de deux turcopoles on doit la donner à trois autres personnes domestiques. Et sachez que les pièces ne sont pas établies, ni larges, ni grandes, pour que les frères, ni les sergents ne puissent bien se remplir le ventre, car ils peuvent bien et aisément s'en passer, mais elles sont établies, à tous, de première qualité, si grandes et si belles pour l'amour de Dieu et des pauvres, pour donner en aumône. Et pour cela il fut établi encore que nul frère, ni au couvent, ni à l'infirmerie, ne peut pas donner de la viande de devant lui, afin que l'aumône ne diminuât pas ; pour cela chacun peut savoir que lorsqu'on diminue la livraison qui est établie aux frères, l'aumône diminue.

371. Et encore il est un commandement à la maison que les frères, lorsqu'ils se servent de chair ou de fromage, tranchent de leur pièce ce qui leur est nécessaire, et qu'ils laissent la pièce belle et aussi entière qu'ils le pourront, sauf qu'ils n'en aient pas assez et largement suivant leurs besoins. Et ce fut établi ainsi pour que la pièce fût honorable pour donner à un pauvre honteux, et à un pauvre, plus honorable, et qu'ils puissent la prendre.

372. Quand le commandeur de la viande ou celui qui est à sa place fait livrer la chair aux frères, il doit prendre garde de mettre ensemble ni deux bonnes pièces, ni deux mauvaises, comme deux hanches ou deux épaules ; mais il doit donner de l'une et de l'autre le plus également qu'il le pourra. Et de cette même manière, il doit servir le couvent au palais, qu'il n'envoie pas deux bonnes pièces ensemble, mais toujours la mauvaise après la bonne, pour que les frères ne changent jamais les uns les autres.

373. Et chaque frère peut donner de la viande qu'il a devant lui aux autres frères qui sont autour de lui, tant qu'il peut étendre le bras, mais pas plus ; et celui qui a la meilleure doit avertir celui qui a la pire. Et s'il advient qu'en un hôtel il y eût un ou deux ou plus qui mangent pour leur maladie la viande de l'infirmerie, les frères qui sont hébergés avec eux peuvent en manger même s'ils ne sont pas malades. Et sachez que le commandeur de la viande doit donner à un frère malade de la viande de façon que les compagnons du frère puissent en avoir s'ils en voulaient.

374. Le commandeur doit livrer aussi, en rang, la viande de l'infirmerie comme celle du couvent. Le commandeur de la viande doit faire avantage de ces viandes aux frères malades ; et quand les frères qui sont sains ont deux mets, les malades doivent en avoir trois ; et quand ils n'en ont qu'un seul, les malades doivent en avoir deux au moins. Et s'il leur veut faire bonté, il peut bien le faire et peut leur faire des présents ; et cela il ne peut le faire aux frères sains, s'il ne le fait pas communément comme il est dit ci-dessus. Si un prud'homme ou deux du siècle ou d'un autre ordre passent devant le campement, un frère peut les inviter quand ils passent devant son hôtel ; et le commandeur de la viande doit donner au frère qui aura invité le prud'homme, largement de la viande qu'il aura, pour amour du prud'homme, et pour que tous ceux de l'hôtel en aient en abondance.

375. Aucun frère ne doit tenir en son hôtel une autre viande que celle que l'on donne à la tente des viandes, sans congé. Quand le vin et le pain demeurent en son hôtel d'un jour à l'autre, le frère de l'hôtel doit le rendre ou doit le compter à la tente quand il prend livraison. Et sachez que les livraisons, c'est à savoir les pièces et les mesures, doivent être égales, ainsi que les autres livraisons. Et lorsque les frères jeûnent, l'on doit donner, entre deux frères, quatre mesures de vin, et quand ils ne jeûnent pas, cinq mesures ; et entre deux turcopoles, on doit livrer trois mesures, et il en doit être ainsi de la mesure de l'huile, et par toute la terre en deçà des mers.

376. Quand les frères sont en campagne, ils ne doivent aller ailleurs sans congé, sauf jusqu'à ce qu'ils puissent entendre le cri ou la cloche, il en est de même dans les demeures, sauf jusqu'à ce qu'ils puissent entendre la cloche. Et ils ne peuvent faire portage même de leurs bêtes, ni près, ni loin, sans congé ; et il est entendu par portage toute chose que l'on met en paquet entre les arçons de la selle, ou qui pendent de-ci ou de-là. Quand un frère veut envoyer ses bêtes au portage ou veut porter une chose sur sa bête, il doit faire couvrir la selle ou le panel, quel qu'il soit, d'une esclavine ou d'une autre chose.

377. Aucun frère, ni en campagne, ni autre part, ne peut prêter sa bête à un autre homme sans congé pour aller plus loin. Nul frère, ni en campagne, ni autre part, ne doit laisser prêter son cheval ni une autre bête, sienne, sans congé. Nul frère ne doit laisser pendant la nuit à aucune de ses bêtes ni les entraves, ni la muselière, en aucun endroit sans congé.

378. Lorsque l'on donne congé aux frères de traiter leurs chevaux et leurs bêtes pour la nuit, nul ne doit laisser la chemise du cheval sur son cheval, sans congé, si la chemise n'y était mise par exprès. Et vous devez savoir que lorsqu'un frère prend congé ou demande quelque chose que ce soit, il doit bien faire entendre et éclaircir la chose pour laquelle il demande congé à celui à qui il le demande ; et il ne doit rien cacher. Et celui qui a le pouvoir de donner congé au frère, quand il aura bien entendu la chose, il peut le donner sans dommage pour la maison, et alors c'est une belle chose qu'il donne le congé.

379. Quand les bêtes mangent la paille, aucun frère ne doit donner de l'herbe à ses bêtes sans congé, et entre les bêtes qui mangent la paille il ne doit point leur en mettre. Nul frère ne doit mettre à ses bêtes ni les colliers, ni les cordes, ni autres choses pour la faire ambler, sans congé. Et deux frères ne doivent pas chevaucher sur une bête.

380. Et s'il advenait que l'on lançât le cri en campagne, les frères qui sont hébergés de cette partie où le cri est levé, doivent s'amener à cette partie avec leur écu et leur lance, et ils ne doivent s'éloigner de l'herbage jusqu'à ce qu'il y ait un autre commandement ; et tous les autres frères qui ne sont pas dans cette partie doivent aussitôt aller à la chapelle pour entendre le commandement que l'on a fait. Mais si le cri était hors du campement, ils doivent sortir sans congé, au cri, pour quelque chose que ce soit.

381. Quand le campement doit départir, et qu'il semble bon au maître et aux autres prud'hommes qu'il se départe, le commandeur de la terre doit assigner le maréchal du nombre de frères qu'il mettra à chaque troupe ; et le maréchal doit le croire, car le commandeur sait mieux que nul autre, combien de frères peuvent demeurer dans les troupes et combien chacune peut en contenir. Et ainsi le maréchal doit faire le rang pour répartir les frères et, ainsi qu'il est dit ci-dessus des autres choses, le plus également qu'il le pourra ; et il doit les envoyer dans la troupe s'il le peut, comme le commandeur le lui aura conseillé. Et lorsque le maréchal aura réparti les frères et qu'il leur aura fait le commandement, qu'ils s'en aillent dans leur troupe, chaque frère doit quérir son équipement et l'équipement de l'hôtel, de manière que, quand ils partiront du campement, rien ne demeure de son équipement, s'il ne le fait par congé.

382. Et le maréchal ou celui qui fera le rang, doit donner à chacune des troupes un commandeur des chevaliers ; et ce commandeur des chevaliers, lorsque les frères seront en leur troupe, il doit leur donner la place du lit, des bêtes et des litières ; et il doit leur donner un rang avec le plus d'égalité qu'il pourra. Et ce commandeur des chevaliers doit leur tenir le chapitre, à moins qu'un plus grand [dignitaire] n'y vînt qui fût en présence, et il doit faire les commandements ; et les frères doivent obéir comme ils le feraient au maître car tous sont à son commandement et de lui ils doivent prendre les congés, ceux qu'il pourra leur donner. Et s'il advenait qu'il y eût des demeures de frères dans une ferme, le commandeur de la maison ou du château sous lequel la ferme sera en son commandement, donnera les choses dont les frères auront besoin comme sils étaient en la maison ou au château dont il est commandeur, sauf les vases à boire et les écuelles, lesquels le commandeur de la voûte doit leur trouver.

383. Et lorsque les frères sont par les troupes, ils doivent beaucoup s'efforcer de se contenir, de telle manière que ce soit un honneur de Dieu et de la maison, et pour le profit de leur âme ; et chacun doit se garder à son pouvoir pour qu'il ne courrouce pas son frère. Et chacun doit prendre garde avec soin de son frère, qu'il ne fasse, ni ne dise, ni ne se tienne en fait, ni en semblant, de la façon qu'il ne doit.

384. Et si un frère voit qu'un autre frère fait une chose qu'il ne doit, ou un mauvais semblant, il doit l'en châtier par lui seul une première fois ; et si le frère ne veut pas se châtier à sa prière ni à sa remontrance, il doit appeler un autre frère et il doit lui faire la remontrance, en écoutant le frère. Et s'il ne veut pas se corriger, avec les remontrances de deux frères, le bon frère doit reprendre au premier chapitre où ils seront ensemble le frère qui ne veut pas s'amender devant tous les frères, et le faire passer par la justice de la maison ; car ainsi le commande la règle. Et sachez que tous les frères qui seront dans ce chapitre doivent être contraires au frère qui fait état de déraison ou autre; car nul frère ne doit en conscience maintenir la déraison et spécialement en chapitre ; car s'il le faisait, la justice de la maison pourrait se corrompre laidement, et de cette manière les religieux seraient perdus.

385. Et vous devez savoir que le commandement est de la maison, que dans tous les lieux où quatre frères sont assemblés, ou s'il y en a plus, qu'ils tiennent chapitre convenablement s'ils le peuvent, la veille de Noël et de Pâques et de Pentecôte ; et aussi ils doivent tenir le chapitre chaque dimanche, sauf les dimanches des octaves des trois fêtes ci-devant nommées, lesquels sont en la discrétion des frères et de celui qui les commande, ou de le tenir, ou de le laisser ; et pour le profit de la maison et son besoin, on pourra bien souffrir de tenir le chapitre un autre dimanche, mais toutes les fois il devra le faire par égard des frères qui seront présents ou d'une partie des plus prud'hommes.


Les chapitres de l'Ordre

386. Chaque frère, quand il entre en chapitre, doit se signer au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et doit ôter son chapeau de coton et sa coiffe, s'il n'est chauve, et s'il est chauve il peut garder la coiffe ; et debout, il doit dire une patenôtre avant de s'asseoir, et puis il doit s'asseoir, et chacun doit faire ainsi. Et quand tous les frères ou la plus grande partie seront venus, celui qui doit tenir le chapitre, avant de commencer son sermon, doit dire à ses frères: « Beaux seigneurs, mettez-vous debout, et priez Notre Seigneur qu'il transmette aujourd'hui sa sainte grâce entre nous » ; et ainsi tous les frères doivent se mettre debout et chacun doit dire une patenôtre.

387. Et le frère chapelain, s'il est présent, doit faire aussi sa prière tel qu'il lui semblera, avant que le chapitre commence, c'est le sermon. Et puis ils doivent s'asseoir, et sachez qu'ils doivent prendre garde attentivement qu'aucun homme, s'il ne fut frère du Temple, ne puisse entendre quand on tient le chapitre.

388. Quand la prière est faite, celui qui doit tenir le chapitre doit commencer son sermon au nom de Dieu, et le faire du plus beau et du mieux qu'il pourra, et il doit conseiller les frères et les prier et leur commander qu'ils s'amendent. Et dès que le sermon est commencé, nul frère ne doit remuer de sa place pour aller en arrière sans congé, mais il peut aller devant sans congé.

389. Quand celui qui tient le chapitre aura fini son sermon, chaque frère qui croit avoir fauté doit se mettre debout, il doit faire avec son chapeau et sa coiffe comme il est dit dessus, il doit venir devant celui qui tient le chapitre et doit s'agenouiller une fois, ou deux, ou plus, il doit se tenir humblement comme celui qui se confesse, et doit dire de cette manière: « Beau sire, je demande merci à Dieu et à Notre-Dame et à vous et aux frères de ce que j'ai fauté de telle manière », et il raconte la faute entièrement et avec vérité ainsi qu'elle aura été, il ne doit pas mentir ni par honte de la chair, ni par peur de la justice de la maison ; car s'il mentait, ce ne serait pas une confession, et sachez que notre chapitre fut établi pour que les frères se confessent de leurs fautes et s'en corrigent.

390. Après que le frère aura dit tout ce dont il croit avoir fauté, et se sera bien confessé entièrement, celui qui tient le chapitre doit lui commander d'aller dehors, et le frère doit s'en aller dans un lieu où il ne puisse écouter et entendre ce que diront les frères qui seront au chapitre ; car aucun frère, puisqu'il est hors du chapitre ou par sa faute, ou parce qu'il est en pénitence, ne doit écouter ce que les frères qui sont en chapitre et ce qu'il font, ni disent, ni délibèrent. Après, quand le frère est hors du chapitre, celui qui tient le chapitre doit raconter toute la faute du frère devant tout le chapitre, et doit prendre garde de n'en rien changer ; et quand il leur aura raconté ainsi que le frère l'aura confessé, il doit demander communément leur avis et faire ce que la plus grande partie jugera.

391. Et quand les frères communément auront dit leur avis comme il leur semblera, et que le commandeur aura entendu à quelle chose la plus grande partie s'accorde, il doit faire retourner le frère devant lui et il doit montrer la faute, et raconter comme elle est grande et comment les frères le tiennent en faute ; et il doit commander ce que les frères lui ont ordonné, et il doit lui dire les ordres des frères ; mais il ne doit pas dire: « Tel frère fit tel ordre », ou « s'accorda à ce que », car il aurait découvert le chapitre.

392. Quand un frère crie merci en chapitre d'une faute, tous ceux qui croient être entachés de ce péché doivent aussi crier merci avec lui ; et chaque frère, quand il crie merci d'une faute, doit crier merci de toutes les fautes dont il croit avoir failli ; et de tant de fautes qu'il aura faites, tant qu'il en a, mais on ne pourra lui donner qu'une pénitence, puisqu'il aura crié merci de toutes ensemble. Quand un frère crie merci d'une faute, nul autre frère ne se doit lever pour crier merci de sa faute tant que celle-ci ne soit pas regardée, s'il n'était entaché de cette même faute comme il est dit ci-dessus. Si un frère crie merci de dix fautes en une fois et qu'il convienne qu'il soit en répit d'une de celles-ci, il convient qu'il soit en répit de toutes.

393. Quand les frères sont en chapitre, tous doivent être contre celui qui fait ou dit déraison, et chacun doit se tenir bellement et en paix ; et nul ne doit parler, si on ne lui demande aucune chose, ou si ce n'est qu'un fasse ou dise déraison ; car tous doivent être contre celui qui fait ou dit déraison. Chacun peut le reprendre sans se lever de sa place et sans congé, mais qu'il le fasse aussitôt qu'il aura fait ou dit la déraison, et chacun est tenu de le faire amender, et en nulle autre manière un frère ne peut reprendre un autre frère de sa place, sauf le maître. Et le maître peut et doit reprendre de sa place, tout autre frère qu'il veut, sans bouger.

394. Chaque frère, quand il vient en chapitre, doit venir se recueillir et se souvenir s'il n'a failli de rien, ni oublié son voeu et sa promesse et, au chapitre même, il doit bien réfléchir: s'il a bien entendu ou dit les heures, s'il a courroucé son frère d'une chose, et s'il a bien gardé les commandements de la maison. Et s'il croit avoir fauté de quelque chose, il doit crier merci et s'amender avant qu'il ne quitte le chapitre. Car dès que le sermon du chapitre est terminé, un frère ne doit pas reporter sa faute du chapitre, ainsi il doit s'amender s'il le peut en toutes manières ; et s'il reporte dans sa conscience cette faute elle serait plus grande et il s'en irait désobéissant.

395. Mais sachez bien que le maître ou un autre qui tient le chapitre ne doit faire aucune chose qui se doit faire par chapitre et par regard des frères, avant qu'il ait fait la prière et le sermon comme il lui semblera ; car en toutes les assemblées de chapitre que nous faisons, nous devons requérir la grâce de Notre-Seigneur dès le commencement.

396. Nul frère ne peut s'absenter du chapitre sans congé s'il n'est malade à l'infirmerie. Nul frère ne se doit départir du chapitre sans congé, avant que le chapitre soit terminé même s'il croit qu'il reviendra vite en ce même chapitre. Nul frère ne peut rien montrer à un autre frère dès que le sermon est fini, sans congé, de manière qu'il se lève de sa place, ni que lui-même se lève ; mais tant que le frère est debout par-devant celui qui tient le chapitre, chacun peut se lever de sa place sans congé et reprendre le frère debout de ce qu'il saura de sa faute.

397. Quand un frère sait que son frère a fait ou dit quelque chose qu'il ne doit, il doit le faire corriger au premier chapitre où ils seront ensemble tous les deux, et il ne doit pas le laisser sortir du chapitre sans qu'il soit corrigé ; mais belle chose est que le frère qui sait que son frère a fait cette chose, il doit le rappeler au frère qui aura fauté, avant qu'il entre en chapitre, à part, et qu'il le fasse corriger par-devant un frère ou deux de telle manière: « Beau frère, souvenez-vous de telle chose » ; et il doit raconter la faute ; et il doit dire: « Amendez-vous au premier chapitre où vous serez. » Et le prud'homme dit qu'un frère en a assez dit à un autre lorsqu'il lui a dit: « Souvenez-vous de telle chose » ; et celui à qui on a dit cette parole doit se tenir pour repris et doit s'en amender au premier chapitre où il sera, ainsi qu'il est dit ci-dessus.

398. Nul frère ne doit reprendre un autre frère pardevant un homme, s'il n'est frère du Temple ; et un frère ne peut ni ne doit reprendre, en chapitre ni hors du chapitre, ni porter défense contre un frère par ouï-dire ; mais, de ce qu'il aura vu et entendu, il peut le reprendre et porter une caution contre lui ; et s'il le faisait autrement, ce serait trop laid et pourrait être tenu en union avec lui.

399. Quand un frère veut en reprendre un autre, il doit prendre garde qu'il ne le reprenne de choses oiseuses, mais s'il le reprend en dehors du chapitre comme il est dit ci-dessus, ou encore s'il l'a repris et que le frère ne veuille s'amender, il doit le faire de cette manière quand ils seront en chapitre ; car avant de se lever, il doit dire à celui qui tient le chapitre: « Commandeur » ou « Beau sire, donnez-moi congé de parler à un frère » ; et celui-ci doit lui donner congé.

400. Quand il a eu le congé, il peut se lever et doit appeler par son nom le frère qu'il veut reprendre, et celui-ci doit se lever debout et doit ôter son chapeau et sa coiffe, s'il est appelé, et doit venir devant celui qui tient le chapitre. Alors le repreneur doit lui montrer bellement et en paix la chose de laquelle il sait qu'il a fauté ; car par imagination ou croyance nul ne doit reprendre un frère. Et il doit dire de cette manière: « Beau frère, criez merci de telle chose », et il doit raconter la chose ou la faute comme elle aura été dite ou faite. Et celui qui aura été repris doit dire: « Beau sire, je crie merci à Dieu et à Notre-Dame, et a vous et aux frères, de la chose sur laquelle celui-ci m'a repris » ; et il doit s'agenouiller chaque fois qu'il sera repris.

401. Et s'il sait de quoi il est repris en vérité, le frère qui est repris doit le dire devant tous les frères, car nul ne doit mentir en chapitre. Mais si la chose dont il est repris est un mensonge, il doit le dire de cette manière: « Beau sire, je crie merci à Dieu et à Notre-Dame et à vous et aux frères de ce dont je suis repris (et il doit s'agenouiller) mais sachez que la chose n'est pas de cette manière. » Ou il peut dire: « Messire non, plaise à Dieu que je ne fisse jamais cette chose » ou: « Sire, la chose est autrement. » Et il doit dire entièrement la chose ; car ainsi qu'il est dit ci-dessus, il ne doit pas mentir par honte de la chair, ni par peur de la justice de la maison.

402. Et celui qui aura besoin de défendre ne doit pas appeler par son nom celui qu'il veut défendre, ni le nommer, sans congé, mais il doit dire à celui qui tient le chapitre: « Sire, il y a un frère qui sait cette chose, un ou plus » ; et alors le commandeur doit dire: « S'il y a un frère qui connaît cela, qu'il vienne devant. » Et s'il y en a un qui sait comment la chose a été, il doit se lever et venir devant le commandeur, et doit porter garantie de ce qu'il a vu ou entendu ; et il ne doit dire autre chose que la vérité, et il ne doit ni la cacher, ni la changer, par amour, ni par mauvaise vue, d'une ou d'autre partie, car ce serait un trop grand péché, et pourrait être compté comme union.

403. Et si le frère qui sait la chose ne voulait pas se lever, lorsque le commandeur le lui aura demandé une fois ou deux de la manière qui est dite ci-dessus, le commandeur doit dire au frère qui veut donner la défense à l'autre frère: « Beau frère, faites-le venir devant. » Et alors, celui-ci peut l'appeler par son nom, et il doit se lever et faire comme il est dit ci-dessus de la défense. Et au frère qui doit porter la défense, on pourrait et devrait lui regarder comme une grande faute et le charger d'une grande pénitence, s'il sait quelque chose pour quoi il est appelé en défense, parce qu'il ne se leva pas aussitôt lorsqu'on lui fit le commandement.

404. Et si le frère qui est repris, veut reprendre celui qui l'a repris et qu'il sait qu'il a fauté, il peut bien le reprendre, sans congé, tant qu'il est debout ; et il doit le reprendre et lui montrer sa faute ainsi qu'il est dit ci-dessus.

405. Et celui qui sera atteint de sa faute, le commandeur doit le mettre dehors, ou les deux s'ils sont atteints, mais il ne doit pas mettre hors du chapitre pour une chose sur laquelle le frère est repris, s'il n'en est atteint. Et lorsque les frères seront dehors, le commandeur doit raconter la chose ou la faute pour laquelle ils auront crié merci et seront atteints, ainsi qu'elle aura été racontée devant lui, et après, il doit demander communément aux frères qui sont en chapitre de donner leur avis, et faire ce que la plus grande partie s'accordera. Et lorsque les frères auront dit ce qui leur semblera commun, il doit faire de ceux qui sont dehors comme il est dit ci-dessus de ce frère qui crie merci de sa faute par sa volonté.

406. Et si les frères ordonnent que les frères qui sont dehors soient mis dès maintenant en pénitence, le commandeur doit les y mettre aussitôt que l'ordre des frères aura été dit. Et encore si les frères ne lui ordonnent qu'ils fussent mis en leur pénitence aussitôt, le commandeur qui tient le chapitre peut leur dire, aussitôt que l'ordre des frères aura été dit « Allez vous dépouiller », et il peut prendre la discipline et les mettre aussitôt en pénitence s'il voit que c'est bien ; et les frères en sont aidés, car c'est en sa discrétion.

407. Un frère peut reprendre un autre frère de la même manière qu'il est dit ci-dessus, ou deux, ou trois, ou vingt ; mais un frère ne peut atteindre un autre frère de lui-même, mais deux frères peuvent atteindre un autre frère ou deux ou cent, lorsque les deux ou les cent voient que les deux ou les cent remarquent que les choses ne sont pas de cette manière, tant qu'ils sont en chapitre, car la garantie n'est pas reçue en notre chapitre, car on ne peut l'atteindre par une autre direction.

408. Mais si un frère ou deux disaient en chapitre à un autre frère: « Beau frère, vous avez fait telle faute à Château-Pèlerin dimanche, demandez merci », et le frère répond: « Non, plaise à Dieu, car dimanche j'étais à Beyrouth » ; et qu'il puisse le prouver par un autre frère ou par plus de vérité, le frère qui est repris doit être quitte, et les frères qui l'auront repris sont atteints parce qu'ils ont menti sur lui, on peut les blâmer ensemble ; car de telle manière, on peut atteindre la garantie non par un autre fait ni par une autre direction.

409. Et s'il advenait que deux frères ou plus reprennent un autre frère, ou deux, ou plus, et que le maître, ou celui qui tient le chapitre, doute que les frères aient fait la réprimande par malice, il peut et doit faire sortir un des frères hors du chapitre et entendre l'autre sur la chose dont il reprend son frère, et savoir comment il connaît la chose sur laquelle il le reprend, et s'il le vit ou l'entendit; et quand il aura bien demandé la chose, il doit et peut le faire sortir dehors et appeler l'autre et entendre aussi de lui comme de l'autre ce qu'il sait de cette chose. Si les deux s'accordent, le frère qui a été repris est atteint, et s'ils ne s'accordent pas, le frère qui a été repris est quitte et délivré de cette chose dont ils l'avaient repris ; et ainsi, on peut noter assez de mal sur les deux autres et leur compter une grande méchanceté et encore une union.

410. Et sachez que nul frère du Temple ne peut être atteint par un homme du siècle, ni d'un autre ordre, ni par deux, ni par plus sinon par un frère du Temple, de la même manière qu'il est dit ci-dessus, d'aucune chose de telle manière que la justice de la maison courût sur lui.

411. Mais si un prud'homme du siècle ou d'un autre ordre, tels qu'ils fussent dignes d'être crus ou qui fussent confrères de la maison, disent au maître en vérité que tel frère a fait la honte de la maison, le maître pour la garantie de ces prud'hommes peut travailler ce frère, il doit l'interroger et il doit le faire après en avoir parlé aux frères et avec leur ordre. Et sachez que le mauvais frère doit être éloigné des bons, par les bons maîtres, ainsi que le commande la règle.

412. Quand celui qui tient le chapitre demande aux frères leur avis sur une chose, en chapitre, il doit le demander premièrement à ceux qui connaissent le plus cette chose et les usages de la maison ; ensuite aux autres communément, selon qu'ils valent plus, qu'ils savent et selon qu'ils sont de meilleure vie. Chaque frère, lorsqu'on lui demande son avis en chapitre, il doit le donner du mieux qu'il lui semblera, car il ne doit le laisser par amour pour l'un ou par haine de l'autre ; mais il doit avoir pleinement Dieu devant les yeux, et pour l'amour de Dieu il doit le faire et doit dire ce qu'il doit dire ou ce qu'il doit faire. Un frère ne doit pas reprendre un autre frère, sauf par charité et par intention de lui faire sauver son âme.

413. Quand un frère est repris d'une chose ou d'une faute qu'il a faite, il ne doit pas s'en courroucer, mais il doit remercier celui qui l'aura repris ; et si un frère en reprend un autre de choses oiseuses, il se peut bien qu'on lui donne une pénitence.

414. Que tous les frères du Temple sachent que lorsqu'un frère est mis hors du chapitre, ou parce qu'il a été repris d'une faute, ou même parce qu'il a crié merci de son gré, on doit regarder le comportement du frère, de sa vie, de la qualité et de l'importance de sa faute. Et si la personne est de bon comportement et que la faute est légère, les frères doivent passer légèrement ; et si la personne est d'un mauvais comportement et que la faute est grande et laide, les frères doivent lui donner une pénitence âpre et dure ; et, maintes fois, on donne au prud'homme une petite pénitence pour une grande faute, et au mauvais une grande pour une petite: car ainsi on doit avoir du profit pour les bons et avoir honneur de leur bonté, ainsi pour le mauvais on doit avoir dommage et honte de sa mauvaiseté. Et sachez que pour la plus petite faute et la désobéissance par quoi un frère laisse le commandement de la maison, on peut lui regarder deux jours entiers la première semaine selon le comportement du frère, on ne peut pas lui regarder une faute si elle touche à l'habit ou à la maison, ce dont Dieu garde chacun des frères.

415. Et vous devez savoir que lorsque celui qui tient le chapitre a mis un frère hors du chapitre pour regarder sa faute, ce frère ne peut retourner au chapitre pour reprendre un autre frère sans congé ; mais pour crier merci d'une faute qu'il a oubliée, il peut bien retourner et doit y retourner sans congé. Chaque frère doit faire bien et volontiers la pénitence que lui a donnée le chapitre.


Les Pénitences

416. Et ce sont les pénitences dont peuvent charger les frères à ceux qui auront desservi. La première est de perdre la maison, dont Dieu garde chacun. La seconde est de perdre l'habit. La troisième est lorsqu'on laisse l'habit pour Dieu. La quatrième est à deux ou trois jours de pénitence par semaine. La cinquième quand on prend à un frère ce que l'on peut y prendre, sans l'habit, c'est-à-dire deux jours. La sixième est d'un jour. La septième est au vendredi. La huitième est au jugement du frère chapelain. La neuvième est à la réserve de la sentence. La dixième est l'acquittement.

La perte de la maison
417. La première est de perdre la maison pour toujours. On peut et on doit l'ordonner à tout frère pour neuf choses, parmi lesquelles la première est la simonie. C'est à savoir quand un frère est venu à la maison par don ou par promesse qu'il a faite, ou un autre pour lui, ce qu'à Dieu ne plaise qu'il soit: car celui qui sera venu de cette manière à la maison perdra la maison si cela est prouvé ; et celui qui de telle manière lui aura donné l'habit devra perdre le sien, et jamais ne devra avoir un frère sous son commandement et le pouvoir de donner l'habit du Temple; et tous les frères à qui sera accordé que l'habit leur fût donné de cette manière, s'ils savaient qu'ils ne pouvaient le faire, devraient perdre leur habit et jamais on ne devrait leur demander de se faire frère.

418. La seconde est si un frère découvrait son chapitre à un homme, à un frère, à un autre, s'il n'y était. La troisième est si un frère tue un chrétien ou une chrétienne. La quatrième est si un frère est entaché du sale et puant péché de sodomie, lequel est si sale, si puant et si horrible qu'il ne peut être nommé. La cinquième est si un frère fait complot contre un autre ; car le complot se fait de deux et plus, car un homme seul ne peut faire un complot.

419. La sixième est si un frère fuit le champ, par peur des Sarrasins, tant que le baussant y est, et laisse le gonfanon. Et c'est à entendre des frères chevaliers et des frères sergents quand ils sont en armes. Mais s'il y a un frère sergent qui n'était pas armé et que sa conscience lui dicte qu'il ne peut aider ni rester là pour le besoin, il pourrait bien retourner en arrière sans dommage pour la maison, si d'autre chose n'y manquait. Mais un frère chevalier ne pourrait pas faire de cette manière, qu'il fût armé de fer ou non ; car il ne doit laisser le gonfanon pour aucune chose sans congé, ni par blessure, ni pour autre chose.

420. Mais si le frère chevalier ou le frère sergent était blessé de telle manière qu'il ne lui semblât pas possible de continuer la besogne, il peut prendre ou faire prendre congé de se retirer; et le maréchal, ou celui qui tient sa place, doit lui donner s'il le demande, ou un autre pour le blessé, et par ce congé le frère blessé peut se retirer sans dommage pour la maison. Et s'il advenait que le frère chevalier ou le frère sergent fussent aussi armés sans fer, l'un comme l'autre, de cette manière, ils doivent demeurer avec le gonfanon tous ensemble, et le frère chevalier ou le frère sergent ; car personne ne doit partir tant qu'il y aura le gonfanon baussant. Et si un le faisait, il perdrait la maison, fût-il sergent; car alors qu'ils sont tous communément armés, communément ils doivent prendre ce que Dieu leur voudra donner.

421. Mais s'il advenait qu'il n'y eût plus le baussant debout, qu'il y eût un autre gonfanon de chrétiens debout, ils doivent aller à celui-là, qu'ils soient armés ou non, ainsi qu'il est dit ci-dessus et spécialement à celui de l'Hôpital. Et s'il n'y avait aucun gonfanon de chrétiens, chacun peut aller en garnison là où Dieu le conseillera et lui enseignera, sans dommage pour la maison ; mais belle chose est que nos frères restent toujours ensemble s'ils le peuvent, avec le gonfanon ou sans gonfanon.

422. La septième est si un frère est trouvé en mécréandise, c'est s'il ne croit pas bien aux articles de la foi ainsi que l'Eglise de Rome y croit et commande d'y croire. La huitième est si un frère laisse la maison et s'en va aux Sarrasins.

423. La neuvième est si un frère fait larcin des choses de la maison ; et c'est péché s'il a beaucoup de direction, et en beaucoup de manières, il peut être déchu. Qu'il en prenne garde attentivement. Il en est de même toutes les fois qu'il fera de cette manière, il en perd la maison si cela est prouvé. Et sachez que l'on nomme larcin quand un frère dérobe des choses de la maison. Et si un frère sort d'un château ou d'une maison fermée de nuit sauf que par la porte, cela lui est compté comme larcin. Si le maître ou un commandeur demande à un frère qui est à son commandement de lui montrer les choses de la maison qui sont en sa possession et en son pouvoir, le frère doit toutes les montrer ; et s'il en retient une chose qu'il ne montrât pas, elle lui est comptée comme larcin.

424. Si un frère laisse la maison et qu'à son départ il emporte des choses qu'il ne doit emporter, et de la même manière, avec telle ou telle chose, s'il passe deux nuits hors de la maison, ce lui serait compté comme larcin. Si un frère met les aumônes hors de la maison de manière qu'il les donne, les prête ou les met en commande, il ne doit pas les nier si on les lui demande, mais doit les assembler ; car s'il les niait et qu'après ce soit prouvé, ce lui serait compté comme larcin. Et toutes ces choses sus-nommées font perdre la maison à tous les frères qui les font, selon les usages de la maison, sans la recouvrer.

425. Que tous les frères du Temple sachent que lorsqu'il advient qu'un frère par son péché ou pour son plus grand malheur laisse la maison et s'en va, ce frère doit prendre garde avec attention qu'il n'emporte autre chose hors de ce que nous dirons ci-après. Il peut s'en aller, comme lorsqu'il va à prime au moutier, sauf qu'il ne doit porter une chose en double, ni couteau d'armes ; mais il peut porter sa chemise et ses braies, son jupon, sa cotte, sa garnache, sa ceinture, ses chausses et ses souliers ; et s'il le peut porter un manteau ou sa chape, mais s'il emporte l'un il ne doit pas emporter l'autre. Mais si le manteau lui est demandé, il doit le rendre, et il ne doit le retenir d'aucune manière. La seconde nuit, il en perd la maison pour toujours.

426. Et sachez encore que de tout ce qui lui est demandé, le frère s'il en retient quelque chose il en perd la maison, puisqu'il est allé hors de la maison deux nuits ou plus. Et ainsi il perd pour deux nuits comme pour cent. Mais sachez bien que c'est grande chose et oeuvre de charité et de miséricorde, que le manteau lui soit demandé. Il peut emporter une coiffe et une culotte. Et toutes ces choses dessus nommées sont à entendre s'il les a sur son corps, quand il s'en va hors de la maison, mais qu'il ne les ait prises de la place d'un autre frère.

427. Les choses qu'il ne doit pas porter sont celles-ci: c'est à savoir, ni l'or, ni l'argent ni aucune armure. C'est le chapeau de fer, le jupon d'arme, les espalières, le haubert, l'hauberjon, l'épée, la lance, l'écu, la masse turque, le couteau d'arme, les chausses de fer, l'arbalète, l'arme turque, et tout ce qui se contient dans cette parole: « rien qui affaire aux armes. » Et s'il emporte une de ces choses sus-nommées, il en perdrait la maison sans la recouvrer. Aucun frère ne doit toucher à ce qui est en propre à un autre frère sans autorisation, et si, cependant, il contrevenait à cette règle, on pourrait considérer cet acte comme un larcin et un manquement à l'ordre.

428. Et si un frère fait une chose par laquelle il doit perdre la maison à tout jamais, avant qu'on lui donne congé de la maison, il doit venir tout nu dans ses braies, une corde à son cou au chapitre devant tous les frères. Il doit s'agenouiller par-devant le maître et doit faire comme il est dessus dit de celui que l'on met en pénitence d'un an et un jour ; et après le maître doit lui faire la charte de congé, qu'il s'en aille se sauver dans un ordre plus étroit.

429. Il est dit qu'aucun de nos frères ne doit entrer dans l'ordre de saint Benoît ou de saint Augustin, et qu'il ne doit entrer en aucun autre ordre si nous ne lui octroyons pas, car en tout ordre plus étroit, il peut entrer pour sauver son âme, si les frères de cet ordre le veulent accepter, sauf dans l'ordre de l'Hôpital de saint Jean, avec lequel il fut établi ainsi, par accord des frères du Temple et de ceux de l'Hôpital que jamais un frère qui sort de l'Hôpital ne vint au Temple pour prendre l'habit de leur maison. Ni en l'ordre de saint Lazare nul frère du Temple ne peut entrer, si ce n'est parce qu'il serait devenu lépreux ; ni dans un ordre plus large un frère qui laisse la maison du Temple ne peut entrer sans dispense de celui qui en a le pouvoir.

430. Vous devez aussi savoir qu'il y a d'autres choses par lesquelles les frères du Temple peuvent perdre la maison. Il est établi en notre maison que lorsque le maître ou un autre qui a le pouvoir de donner l'habit de la maison à un homme et veut le lui donner, il doit lui faire jurer sur les saints Evangiles qu'il dira la vérité de tout ce qu'il demandera ; et quand il aura juré et promis, celui qui doit le faire frère, doit lui dire: « Beau et doux ami, prenez garde de dire la vérité de ce que nous vous demanderons, car si vous en mentez et après qu'il soit prouvé que vous avez menti, vous seriez mis aux fers et l'on vous ferait assez de honte et vous en perdriez la maison. »

431. Après, s'il doit être frère chevalier, celui qui le fait frère doit lui demander: « Beau et doux ami, avez-vous, ni personne par vous que vous le sachiez, donné, ni promis une chose à un homme pour qu'il vous aidât à entrer dans notre ordre, car ce serait simonie et vous ne pourriez vous sauver. Etes-vous chevalier et fils de chevalier, ou êtes-vous extrait de chevaliers par votre père en manière que vous devez et puissiez être chevalier ? Etes-vous de loyal mariage ? Avez-vous fait voeu, ni promesse, ni porté l'habit d'aucun autre ordre ? Avez-vous une femme pour épouse ou fiancée ou promise: dites en vérité car si vous en mentiez et que vous en fussiez atteint, l'on vous ôterait votre habit et l'on vous ferait assez de honte, et après on vous rendrait à votre femme. Devez-vous aucune dette par quoi la maison pourrait en être travaillée: car si vous le faisiez on vous ôterait l'habit et l'on vous ferait assez de honte et puis on vous rendrait à votre créancier. Avez-vous une maladie secrète ? Etes-vous prêtre ni n'avez les ordres sacrés?

432. Et celui qui veut être frère du Temple doit répondre brillamment à chacune des demandes dessus dites, oui ou non ; mais toutes les fois, il doit dire la vérité, car s'il mentait et qu'après ce soit prouvé qu'il eût menti et qu'il soit parjure, on devrait le mettre aux fers et lui faire assez de honte, et puis lui donner congé de la maison ; et aussi s'il a une femme, et s'il est endetté, on doit le rendre à son créancier.

433. Mais les prud'hommes de notre maison, s'ils s'accordent que celui qui en cette manière serait rendu, pouvait tant faire que sa femme entrât en un ordre et s'y rendît, ou s'il advenait qu'elle mourût, et qu'il était en autre manière de bonne vie et honnête, que, sans que les usages de la maison soient brisés, il pourrait retourner à la maison si cela plaisait aux frères, sans faire de pénitence ; mais il ferait voeu et promesse comme il est dit au début. Et de celui qui serait rendu à son créancier, il peut faire de la même manière, quand il sera délivré du créancier de telle manière qu'il ne puisse rien demander à la maison pour lui.

434. Mais s'ils étaient prêtres ou qu'ils eussent les ordres sacrés qui est: qu'ils fussent diacre ou sous-diacre, ils ne seraient pas mis aux fers, ni on ne leur ferait d'autre honte que de leur retirer l'habit et après on les rendrait au patriarche ou à l'évêque. Et les frères ne doivent souffrir qu'il demeure en habit de chevalier, car notre règle défend qu'un frère ne porte l'habit blanc, s'il n'est chevalier ; ni aussi qu'il soit d'usage qu'un frère chapelain portât le manteau blanc en la maison du Temple s'il n'est appelé à diriger un évêché ou un archevêché. Mais quand il advient qu'un frère chapelain est élu archevêque ou évêque d'une église, il peut porter le manteau blanc ; mais avant qu'il ne le porte, il doit le demander humblement et dévotement au maître et au couvent qu'on lui octroie l'habit de chevalier et ils doivent lui accorder débonnairement et volontiers pour amour de la dignité à laquelle il est arrivé et pour ce qu'il est un grand honneur à l'Ordre.

435. A un chevalier, on ne demande pas s'il est serf ou esclave d'un autre homme, car puisqu'il dit qu'il est chevalier de par son père, de loyal mariage, c'est vrai car il est franc de nature.

436. Mais s'il disait qu'il est chevalier et tel qu'il le peut et doit être ainsi qu'il est dit ci-dessus, et que ce ne fût vrai, on doit lui ôter le manteau blanc et lui donner congé de la maison, et on pourrait bien lui faire assez de honte. Mais toutefois, disent les prud'hommes de la maison, si le frère a perdu le manteau de cette façon et qu'il demande avec grande dévotion que par Dieu et par Notre-Dame et par pitié et par miséricorde on lui donnât l'habit de frère sergent et qu'il promet de servir Dieu et la maison du Temple en habit de frère sergent, bien et humblement et loyalement comme un autre frère sergent, et d'obéir aux commandements de la maison, de garder son voeu et sa promesse ainsi qu'il le promet à Dieu et à Notre-Dame et à la maison, on pourra bien le souffrir de cette manière, lui octroyer et lui donner l'habit de frère sergent. Et le maître, ou autre qui a son pouvoir, il devra lui mettre l'habit de sergent au cou et devra lui demander, avant de lui donner cet habit, s'il promet ce qu'il est dit ci-dessus. Et s'il approuve, alors on pourra lui mettre le manteau au cou, et il devra demander le pain et l'eau de la maison et les autres choses que l'on promet aux frères ainsi qu'on le fit au commencement. Et ainsi on pourra le faire notre prud'homme si cela plaît aux frères, mais il le doit par égard des frères.

437. Mais sachez bien que s'il ne semble pas bon aux frères que ce frère demeure en la maison, ils peuvent bien lui donner congé à tout jamais, et sachez que tout frère à qui l'on donne le congé de notre maison doit se rendre au plus tôt qu'il le pourra en un autre ordre plus étroit. Et il doit le faire en toute manière s'il le peut, dans les quarante jours, et s'il ne veut s'y rendre, et que les frères puissent le trouver, ils doivent le prendre et le mettre aux fers et lui donner leur soutien, et ils doivent le tenir ainsi tant qu'il n'a pas réfléchi, ou un autre pour lui, de l'ordre ainsi qu'il est dit ci-dessus. Et il fut établi ainsi pour que, aucun mauvais, une fois qu'il a quitté la maison, aille par le monde et vive honteusement et en désordre, et qu'il advienne beaucoup de dommages et de hontes à la maison, et pour cela il est établi pour qu'on puisse le faire.

438. Quand on demande à celui qui veut être frère s'il n'a aucune maladie cachée, il doit en dire la vérité ; et s'il a une maladie et qu'il nie, car lorsqu'on doit le faire frère, on le lui demande en chapitre, et après, lorsque l'habit lui est donné, qu'il soit prouvé qu'il avait menti, il pourrait être mis aux fers et perdre la maison, si la maladie fût telle qu'il en fût malade de tout son corps, ou de ses membres, ou telle que l'on croit bien voir qu'il ne puisse jamais guérir par vérité. Mais si la maladie était légère et telle qu'elle dût se terminer dans un bref délai, ce ne serait pas belle chose qu'il en perdît la maison, car ce n'est pas entendu de ces maladies légères, pour lesquelles les frères doivent lui faire merci et miséricorde.

439. Et encore si le frère était atteint d'un défaut corporel, les frères pourraient bien le souffrir dans leur maison, s'il leur plaisait, avec tout son habit, si la maladie n'avait d'autre chose laide ; mais cette souffrance devrait se faire par égard des frères. Mais sachez bien qu'il n'est pas bonne chose qu'il soit d'usage en la maison de les souffrir en cette manière, puisqu'il serait parjure. Si la maladie touche à la lèpre ou à cette mauvaise maladie que l'on appelle épileptique ou qu'il ait une autre maladie afflictive, on doit lui donner congé de la maison à tout jamais, car en aucune manière, on ne peut ni on ne doit le retenir en la compagnie des frères à qui l'on donne congé de la maison. La maison n'en est d'aucune chose tenue de prouver une chose parce qu'il avait nié quand il lui avait été demandé par serment, et il en était devenu parjure.

440. Mais celui qui de telle manière serait malade, s'il l'avait confessé devant celui qui lui aurait donné l'habit et devant tout le chapitre en audience de tous lorsque, celui qui devait le faire frère le lui demanda, et qu'après, celui qui lui aurait demandé lui donnât l'habit, tout fut fait par accord des frères devant lesquels le malade aurait avoué et reconnu sa maladie, on ne devrait ni pourrait lui ôter l'habit ni lui donner le congé de la maison s'il ne le demandait ; mais on pourrait bien le mettre en un lieu privé hors de la compagnie des frères, et en ce lieu, on devrait lui donner ce dont il aurait besoin comme à un autre frère malade.

441. Mais celui qui lui aurait donné l'habit et tous ceux qui s'en seraient accordés de cette manière, ont mérité que l'habit leur soit ôté, qui ne doit, ni ne peut leur demeurer par raison, parce que l'habit a été donné par leur accord à tel homme qui n'était digne de l'avoir. Et sachez que ces frères qui s'y seraient accordés, auraient faussé leurs consciences si faussement et si laidement que jamais on ne devrait leur demander conseil de faire un frère ; et celui qui aurait donné l'habit à un tel homme, ou à un autre qui ne fût digne à sa connaissance, ne doit jamais avoir le pouvoir de faire frère, et ainsi il doit avoir perdu ce pouvoir à toujours.

442. Et si une laide maladie advenait à un frère après qu'il eut reçu l'habit, on devrait mettre ce frère en un lieu privé ainsi qu'il est dit ci-dessus, et le pourvoir bel et bien de ce dont il aurait besoin pour sa maladie tant qu'il vivrait, si la maladie ne touche pas la lèpre, car de celui-ci il doit en être autrement et en autre manière.

443. Quand il advient à un frère que par la volonté de Notre-Seigneur il devienne lépreux et que la chose soit prouvée, les prud'hommes de la maison doivent lui conseiller et le prier qu'il demande le congé de la maison et qu'il se rende à Saint-Lazare et qu'il prenne l'habit des frères de saint Lazare ; et le frère malade, s'il est homme de bien, doit leur obéir. Et il serait encore plus belle chose qu'il requît le congé de lui-même avant qu'on le lui ait conseillé et prié. Et si le frère demande ledit congé, le maître ou celui à qui il affaire de lui donner ledit congé, il doit le faire par égard des frères ; et après le maître et les prud'hommes de la maison doivent faire des efforts et l'aider tant que l'habit de saint Lazare lui soit donné. Et ils doivent prendre garde avec soin car il est notre frère, que lorsqu'il sera rendu à Saint-Lazare, il n'ait grand manque des choses dont il aura besoin à son pauvre soutien, tant qu'il vivra.

444. Mais toutefois, sachez bien que si le frère qui de cette manière sera devenu lépreux ce lui fut si dur qu'il ne voulût pas demander le congé devant dit, ni partir de la maison, on ne doit ni on ne peut lui ôter son habit, ni le mettre hors de la maison, mais, comme il est dit ci-dessus de ceux qui ont des laides maladies, on doit le mettre en un lieu hors de la compagnie des frères, et en cette place, on doit lui donner le soutien.

445. Et sachez que toutes ces choses que l'on demande à un frère chevalier quand il doit être fait frère, on doit le demander aussi à un frère sergent de toutes ces manières et en cette même manière quand on veut lui donner l'habit ; et cette même justice, on doit la prendre s'il a menti. Et on doit demander en plus au frère sergent s'il est serf ou esclave d'un homme ; et s'il était, et qu'il le confesse par-devant les frères, on ne doit lui donner l'habit ; et s'il le nie lorsqu'on lui demande en chapitre où il a été fait frère et qu'après qu'il aurait été frère, qu'il fût prouvé qu'il avait menti, on doit lui ôter l'habit et on doit le rendre par sa main, à son seigneur.

446. Si celui qui fut frère sergent, fut chevalier et le nia aussi au chapitre, quand il demanda qu'on le fit frère, et que sur cela l'habit de frère sergent lui fut donné, et qu'après il dise qu'il a été chevalier, on doit lui ôter l'habit et le mettre aux fers, et lui faire assez de honte et lui donner le congé de la maison ; car s'il est chevalier et ainsi le doit être, il ne peut demeurer à la maison en habit de frère sergent, car ainsi comme celui qui n'est, ni ne le doit être, ne doit porter en la maison le blanc manteau, ainsi celui qui est chevalier de cette manière qu'il doit l'être, ne doit pas porter en la maison le manteau brun.

447. Mais si un dit au maître et aux frères qu'il lui plairait qu'on lui octroyât le manteau blanc par pitié et par miséricorde, qu'en cette manière ils pourraient le retenir à la maison, sans manteau blanc, il ne pourrait demeurer. Mais nous ne nous accordons pas que jamais un tel homme ne puisse demeurer en la maison, car par telles ressemblances, il s'en pourrait faire et pourchasser à tromperie et dommages à la maison et aux frères.

448. Nul frère du Temple malgré qu'il soit gentilhomme, s'il n'est chevalier avant que l'habit du Temple lui soit donné, dès qu'il a reçu l'habit, ne peut être jamais chevalier ni porter le blanc manteau si ce n'est qu'il fut nommé évêque ou plus, ainsi qu'il a été fait état dessus.

449. Au frère chapelain, lorsqu'on veut le faire frère, on doit tout lui demander de la même manière qu'il est dit du frère chevalier ou du frère sergent sauf qu'on ne lui demande pas s'il est serf ni esclave d'un homme, ni s'il a une femme épouse, ni fiancée, ni une promise car puisqu'il est prêtre il doit être franc. Et en cette même manière, il doit dire la vérité, celui que l'on veut faire frère chapelain, quand on lui demande la même chose comme si on veut le faire frère chevalier ou frère sergent. Et s'il mentait et après que ce soit prouvé qu'il eût menti, on pourrait faire comme il est dit ci-dessus d'un autre frère, sauf qu'il ne serait pas mis aux fers, ni qu'on ne lui ferait honte, mais on lui prendrait l'habit et on le rendrait au patriarche ou à l'évêque.

450. Et il y a encore autre chose par quoi un frère peut perdre la maison ; c'est à savoir si un homme se rend à la maison pour un homme lais, et qu'après il se fasse ordonner aux saints ordres sans congé de celui qui peut lui donner, on peut lui donner congé de la maison, si le maître et les frères s'y accordent. Et ils peuvent le laisser et souffrir à la maison s'ils le veulent en habit de frère chapelain ; mais en un autre habit, ni à un autre service il ne peut demeurer en habit dans notre maison, puisqu'il est ordonné aux saints ordres en notre maison. Mais ce qu'on lui fera doit être fait par égard des frères. Et si le maître et les frères souffrent qu'il demeure en la maison, ils lui doivent faire crier merci de la désobéissance qu'il a faite, car il se fit ordonner sans congé, et ils doivent le charger d'une grande et dure pénitence, selon la discrétion des frères et selon son comportement. Mais il serait plus saine chose qu'il eût congé pour toujours, pour châtier les autres.

La perte de l'habit
451. La seconde pénitence que l'on peut ordonner à un frère, la plus dure et la plus âpre après la maison, c'est celle de perdre l'habit, dont Dieu garde chaque frère ; et cette pénitence on l'ordonne pour les méfaits qui peuvent intervenir. Car on peut ordonner de perdre l'habit à un frère s'il a botté et frappé un autre frère par colère ou par courroux en manière qu'il lui ait fait remuer les pieds de sa place, ou qu'il ait rompu par courroux les lacets de son manteau. Et ce frère qui se serait conduit de cette manière serait excommunié et devrait se faire absoudre. Et ainsi comme le frère est sans son habit, ses armures doivent être rendues au magasin pour les équipements en la caravane, et aussi on peut les donner aux frères quand ils en auront besoin ; et ses bêtes aussi doivent être rendues à la caravane du maréchal, et il peut aussi les donner aux frères qui en auront besoin.

452. Et si un frère frappe par courroux un chrétien, avec une chose dont le coup peut le tuer ou le blesser, l'habit ne doit pas lui être laissé. S'il est prouvé qu'un frère a couché avec une femme, l'habit ne peut lui être laissé et on doit le mettre aux fers. Et jamais il ne pourra porter le gonfanon baussant, ni la boule, ni ne pourra jamais avoir des frères à son commandement, ni devra être à l'élection du maître, de manière qu'il ne soit un des treize électeurs.

453. Si un frère met un mensonge sur lui-même, l'habit ne peut lui être laissé. Si un frère dit qu'un autre frère a dit ou fait une chose par quoi le frère s'il eût dit ou fait cette chose dont il dût ou pût perdre la maison, si cela a été prouvé et qu'il ne peut atteindre, et qu'il en fait tout son pouvoir pour l'atteindre, et ne veut se repentir ni démentir, et qu'il demeure toujours dans son erreur, l'habit ne doit pas lui être laissé.

454. Car sachez que lorsqu'un frère met sur un autre frère, en son chapitre, une chose sur quoi le frère aurait pu perdre la maison, si cela avait été prouvé, et que le frère ne peut l'atteindre, il doit perdre son habit s'il ne veut se démentir, et dire en telle manière: « Beaux seigneurs frères, devant tout le chapitre je vous fais savoir ce que j'ai dit sur ce frère, et sachez que ce que j'ai dit en mal de lui est tout mensonge, car je ne sais vraiment tout le bien. » L'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et sachez qu'un frère qui en cette manière se sera démenti en chapitre, ne doit jamais être cru contre un frère, d'une chose qui touche la maison et l'habit, on ne doit pas lui demander son avis car il s'est lui-même prouvé et atteint de mauvais et puisqu'il est prouvé qu'il est mauvais il ne doit plus être cru contre un homme de bien.

455. Si un frère tue ou perd un esclave par sa faute, l'habit ne doit pas lui être laissé. Si un frère dit par serment, ou encore qu'il le dise par colère et courroux qu'il ira chez les Sarrasins et que les frères l'entendent, si le frère qui a dit la parole n'est pas de bon comportement, l'habit ne peut lui être laissé ; mais si le frère est de bon comportement, l'habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

456. Si un frère tue ou blesse une bête de selle par colère et par courroux, ou par sa faute, l'habit est en la volonté des frères. Si un frère porte des choses de gens du siècle ou d'autre que du Temple, et dit qu'elles sont de la maison et que ce ne fût vrai, et que les seigneuries des terres en perdissent leurs droits et leurs péages, l'habit ne peut lui être laissé. Si un frère qui n'a aucun pouvoir donne une bête vivante à quatre pieds, si ce n'est un chien ou un chat, hors de la maison, l'habit est en la merci des frères.

457. Si des frères se révoltent envers les commandements de la maison et qu'ils refusent de se repentir et demeurent dans leur folie et ne veuillent faire l'amendement par les prières, ni par les ordres, on peut prendre leur habit, les mettre aux fers et les tenir longuement en cette manière. Mais il est plus belle chose, lorsqu'il advient qu'un frère, ou par colère ou par courroux, dit qu'il ne fera le commandement de la maison, qu'on le laisse refroidir de son courroux ; et après on doit aller à lui et on doit lui dire bellement et en paix: « Beau frère, pour Dieu faites le commandement de la maison. » Et s'il le fait et qu'aucun dommage n'est venu, on doit lui souffrir pour Dieu et avoir bonne grâce pour lui, et on peut lui faire grande bonté et grande miséricorde , et cette manière, c'est la plus belle chose, selon Dieu. Et s'il ne veut le faire, on doit lui ôter son habit et faire de lui comme il est dit plus haut de le mettre aux fers.

458. Le maître ou un autre commandeur qui tient le chapitre, s'il commande à un frère qui soit en son commandement, qu'il crie merci, parce qu'il est resté dans son erreur, l'habit ne peut lui être laissé. Mais ce ne pourrait pas être fait de cette manière si un simple frère reprend un autre simple frère ; car si un simple frère ne veut crier merci par un autre frère qui ne soit pas son commandeur, il ne doit pas perdre l'habit ; mais on peut bien le charger d'une grande pénitence, âpre et dure. Car maintenant qu'un frère dise à l'autre: « Criez merci de telle chose », le frère en doit crier merci s'il est dans le lieu, et faire ainsi que dessus est dit.

459. Si un frère demande le congé en son chapitre et que l'on ne veuille lui donner, et que pour cela il dise qu'il s'en ira et laissera la maison, l'habit ne doit pas lui être laissé. Si un frère brise la boule du maître, l'habit ne doit pas lui être laissé. Et nos vieux hommes disent que si des frères brisent la boule de celui qui serait à la place du maître, on pourrait leur ôter l'habit pour cette même raison, tant la faute est laide et pour le dommage qui pourrait advenir.

460. Si un frère donna l'habit de la maison de la manière qu'il ne doit, ou le donna à tel homme qui ne fût pas digne de l'avoir, l'habit ne peut lui demeurer, et celui à qui on aura donné l'habit de cette manière ne doit jamais avoir le pouvoir de faire frère. Si un frère prête des aumônes de la maison sans congé à tel homme, ou à tel lieu et que la maison les perdît, l'habit ne doit pas lui être laissé. Si un frère qui n'en a pas le pouvoir donne des aumônes de la maison aux gens du siècle ou à d'autres ordres que celui du Temple sans congé, l'habit ne doit lui être laissé.

461. Si un frère s'affaire à faire une maison neuve en pierre et en chaux sans congé, l'habit ne doit pas lui être laissé. Les autres maisons déchues il peut les redresser et les appareiller sans dommages, pour cela on doit lui savoir bon gré.

462. Si un frère s'en va par colère ou par courroux hors de la maison et gît une nuit en dehors, sans congé, on peut lui prendre l'habit si l'on veut et s'il plaît aux frères, et le lui laisser s'il plaît aux frères. Mais de cela sachez que l'on doit bien regarder le frère et son comportement: s'il est de bon comportement et de bonne et honnête vie, les frères lui doivent faire plus de bonté, et en plus ils peuvent lui laisser l'habit, et plus hardiment et plus légèrement ils doivent et peuvent s'accorder de le lui laisser. Mais s'il gît deux nuits dehors sans congé, et qu'il ait rendu les choses bien plus tard qu'il doit les rendre, qu'il ait emporté plus qu'il ne le devait porter, il pourra retrouver son habit quand il aura été en pénitence un an et un jour ; mais avant qu'il n'ait été en pénitence pour un an et un jour, il ne peut le recouvrer. Mais s'il emporte une chose qu'il ne doit emporter, et qu'il gît deux nuits dehors, et qu'il fasse cette chose sans congé, il a perdu la maison pour toujours. Et sachez qu'il est chose sûre à un frère qui laisse la maison, que s'il ne veut retourner dans les deux jours et que le second jour il envoie son manteau à la maison il en pourrait perdre la maison comme il est dit ci-dessus s'il le retient les deux nuits.

463. Si un frère jette son habit à terre devant les frères par courroux, et que les frères le priassent de le reprendre, et qu'un frère le levât avant qu'il l'eût repris, il ne peut le recouvrer avant un an et un jour ; mais si un frère prend l'habit du frère qui l'aura jeté et lui remet au cou, qu'en cette manière il aurait rendu l'habit à ce frère qui l'aura jeté, il perd le sien et l'autre frère qui l'aurait recouvré de cette manière, serait en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et vous devez savoir que celui qui de cette manière rend l'habit à ce frère qui l'aura jeté, perd son habit par cette raison: que nul frère ne peut donner l'habit, ni ne peut le prendre, et s'il le fait, il en doit perdre le sien. Et ainsi comme l'on donne l'habit par chapitre, ainsi on doit le rendre par chapitre, et pour cela chaque frère doit savoir que chaque commandeur ne peut prendre l'habit du frère qui refuse son commandement, même qu'il soit sous son commandement, car les commandeurs qui ne peuvent donner l'habit ne peuvent le prendre.

464. Mais s'il advenait qu'un commandeur qui ne peut faire frère eût des frères en son commandement et que certains frères refusent son commandement, il doit le faire admonester comme il est dit ci-dessus; et après, s'il veut faire le commandement, il peut aussitôt sonner la cloche et assembler les frères. Et lorsque les frères seront assemblés, il doit tenir le chapitre, et il doit faire crier merci à celui qui a refusé son commandement, et il doit le mettre dehors ; et les frères doivent tous s'accorder qu'il soit mis en répit, avant que le maître ou avant que le commandeur qui a le pouvoir de prendre l'habit ne vienne.

465. Et aucune faute par laquelle un frère peut perdre l'habit ne doit être mise en regard, ni jugée devant celui qui n'a pas le pouvoir de donner l'habit, ni celui qui tient le chapitre ne doit le souffrir, et les frères ne doivent s'accorder ; et s'ils s'accordaient, on peut bien le mettre en égard de sa faute et le charger d'une grande pénitence, car il ne serait pas raisonnable que les frères fassent leur égard sur un frère devant une personne qui ne peut prendre à un frère ce que les frères lui auront ordonné quel que fût l'ordre des frères, grands ou petits. Et pour cela, il fut établi en la maison, selon que la faute soit grande ou petite, qu'elle se regardât devant le maître ou devant tel commandeur qui eût pouvoir d'accomplir l'égard des frères quel qu'il fût, dur ou faible.

466. Et sachez que maintes fois il advient au Temple qu'un commandeur peut faire un frère sergent et non pas un frère chevalier, et ce commandeur qui ne peut faire un frère chevalier ne doit, ni ne peut prendre l'habit d'un frère chevalier, car nul ne doit prendre ni ne peut le faire sauf celui qui peut le donner à un frère. Et ainsi chacun doit se garder de donner l'habit en la manière qu'il ne le doit, et il doit se garder qu'il ne le prenne d'un autre frère de la manière qu'il ne doit ; et s'il le faisait, il devrait passer par cette même justice. Et pour cela, afin que l'habit ne soit pris en la manière qu'on ne dût le prendre, il fut établi qu'il se prendrait devant le maître ou devant celui qui tient la place de maître. Et nul n'a pouvoir de faire frère, ni de prendre l'habit en privé, s'il ne tient la place du maître ou si le maître ne lui a spécialement donné congé de le faire.

467. Si un frère rend ou transmet son habit par sa volonté, il ne lui doit pas être redonné avant un an et un jour. Et ainsi vous devez savoir, malgré ce qui a été dit ci-dessus, que de toutes les choses qui ont été ordonnées pour qu'un frère perde l'habit, toutes les fois il est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser, hors des trois dernières: c'est à entendre de celui qui l'aura jeté, si un autre frère qui l'a levé avant qu'il l'eût repris et de celui qui l'a rendu par sa volonté et de celui qui a gît dehors deux nuits sans congé ainsi qu'il est dit ci-dessus.

468. Et sachez que tant qu'un frère est sans habit, il doit être hors la porte du moutier et doit venir le dimanche à la discipline après l'Evangile au frère chapelain, s'il est présent et si le frère chapelain n'y était, au prêtre qui fait le service, et il doit venir à la discipline avec grande dévotion et la recevoir en patience devant tout le peuple qui sera au moutier. Et quand ce frère aura reçu la discipline, il doit s'en retourner hors du moutier là où est sa robe, et il doit se vêtir de sa robe et entendre le service de Notre Seigneur bellement et en paix comme un autre frère car tout frère qui est en pénitence sans son habit est tenu d'entendre le service du Seigneur entièrement, comme un bon frère ; et quand il veut rester pour les heures, il doit prendre le congé ou le faire prendre comme un autre frère.

469. Mais s'il advenait qu'un frère qui fût à un an et un jour en pénitence, qui fût malade de telle manière qu'il convînt qu'il demeurât tout cet an ou une grande partie de l'année à sa place sans aller au moutier, à la fin de l'année, on devrait lui rendre son habit. Et on doit lui compter pour fait aussi, le temps qu'il a été malade en sa place, comme si c'était le temps où il a fait sa pénitence, et comme s'il était venu chaque jour au moutier et chaque dimanche à sa discipline ; pour cela, il en est demeuré en lui et il en fait sa pénitence ; et quand Dieu veut donner la santé ou la maladie à un homme, nul ne peut la refuser. Et si le frère meurt en faisant sa pénitence, on doit lui faire comme d'un autre frère, et on doit lui coudre la croix sur lui comme à un autre frère.

470. Et tant qu'un frère est en pénitence, il doit habiter à l'hôpital, et s'il est malade, l'aumônier doit lui faire avoir les choses dont il aura besoin pour sa maladie; et tant qu'il est malade il peut manger à l'hôpital. Et tant qu'il est sain, il doit travailler avec les esclaves ; quand il mange, il doit s'asseoir par terre par-devant les domestiques et manger de leur viande. Tous les jours, il doit avoir revêtu la chape sans croix.

471. Et si l'aumônier fait une fois aux domestiques le don de la pitance, à ces frères qui sont à terre il n'en donnera point, qu'ils soient avec l'habit ou sans habit, car ils ne doivent point en avoir. Mais si le maître mange au couvent il peut envoyer de la viande aux frères qui mangent à terre devant lui, mais nul autre ne peut leur donner quelque chose ; ni le maître même, s'il mange à l'infirmerie, ou autre part hors du couvent, il ne peut leur donner. Et le maître peut aussi le faire au frère qui est en pénitence avec tout son habit.

472. Et chaque frère qui est sans habit en pénitence doit jeûner trois jours de la semaine au pain et à l'eau, tant que Dieu et les frères ne le relaxent du restant des jours ; et le frère, s'il fait sa pénitence bel et bien, ils peuvent le relaxer d'un jour ou de deux quand bon leur semblera. Et les jours où il doit jeûner tant qu'il est sans habit sont: le lundi, le mercredi, le vendredi. Et quand les frères relaxent un autre frère qui est sans habit d'un jour, le premier de quoi ils le relaxent doit être entendu le lundi, et le second le mercredi ; et du troisième les frères ni aucun autre ne peuvent le relaxer, c'est du vendredi. Car à tout frère qui mange à terre par égard des frères il convient de jeûner le vendredi, ou qu'il soit avec son habit, ou qu'il soit sans habit ; mais aussitôt dès qu'il est levé de terre, il est quitte du vendredi et de tous les autres jours tant comme il affaire à cette pénitence pour laquelle il fut mis à terre.

473. Et quand on rend l'habit à un frère qui a été en pénitence sans habit, il ne doit pas être levé aussitôt de terre, il doit manger à terre avec tout son habit au moins une fois ou plus. Et tant qu'il est à terre, puisque l'habit lui a été rendu, il demeure au vendredi ; mais puisqu'il a mangé une fois à terre avec tout son habit, on peut le lever quand il plaira à Dieu et aux frères; mais on peut le tenir plus longtemps à terre, s'il plaît aux frères et s'il n'a pas fait sa pénitence de la manière qu'il devait.

474. Et nul frère ne doit laisser la maison pour entrer dans un autre ordre sans congé du maître et du couvent, et s'il le faisait autrement, qu'il en eût le congé du maître et du couvent, et qu'il veuille retourner en arrière en la maison, il ne pourrait pas recouvrer la maison avant un an et un jour qu'il n'ait fait la pénitence ainsi qu'il est dit ci-dessus et comme il est de coutume à la maison. Et encore certains disent que puisque le frère a demandé le congé d'entrer dans un autre ordre, et que le maître et le couvent le lui ont donné, et que le frère y est entré par ce congé, ce frère ne doit jamais retourner en notre maison ni le couvent ne doit l'accepter.

475. Et sachez que si Notre Père le pape qui est maître et Père de notre Ordre, sur tous, auprès de Notre-Seigneur, demande la maison pour un frère qui de cette manière ou une autre l'a laissée, il le sauve de la justice de la maison ; car il ne fait ni ne veut pas faire une légère prière pour que se perdît la justice de la maison, ainsi il veut et commande qu'elle soit prise envers ceux qui l'auront desservie selon les usages de la maison.

476. Et tout frère, puisque l'habit lui aura été pris par égard des frères, est quitte et délivré de toutes les autres pénitences qu'il avait à faire à cette heure où l'habit lui a été pris ; et ce fut établi en cette manière, parce que la pénitence lui était dure, âpre la grande maladie, la grande douleur et la grande honte qu'il avait quand il perdit son habit et l'honneur qu'il ne dut jamais avoir en la maison. Mais à ceux qui sont de un an et d'un jour et à qui ne sont pas pardonnées les pénitences qu'ils avaient faites quand ils laissèrent la maison, ils sont tenus de les faire lorsqu'ils auront recouvré leur habit, parce que à celui à qui n'a pas été fait la honte ni la prise de l'habit par-devant les frères, à cause de sa mauvaiseté il a fait honte premièrement à son corps et après à Dieu et aux frères et à la maison du Temple ; car il est départi d'une si belle et si sainte compagnie comme il est de la maison du Temple, car il se délivrera pour la si honorée et la si belle chose qu'est l'habit du Temple ; il ne doit pas avoir de profit en sa folie ni en sa mauvaiseté, en quoi il doit y avoir dommage.

477. Et nul frère qui a perdu son habit par égard des frères ou en une autre manière, par sa folie, comme il est dit ci-dessus, il ne doit jamais dire son avis en chapitre contre un frère, d'une faute qui puisse montrer de perdre la maison ou l'habit, et celui qui tient le chapitre ne doit rien lui demander. Un frère qui a perdu son habit par sa mauvaiseté ne doit jamais, ni ne peut, porter garantie contre un autre frère d'une chose qui touche à l'habit de la maison, ni on doit le croire ; mais, jusqu'à une peine de deux jours ou de trois, il peut porter garantie et dire son avis.

478. Un frère qui a perdu son habit par sa mauvaiseté ne doit jamais, au Temple, porter la boule, ni la bourse, ni doit, ni ne peut être commandeur des chevaliers, ni porter le gonfanon baussant, ni avoir des frères à son commandement ; et le maître ni aucun autre qui tient le chapitre ne doit lui demander son avis d'une chose qui se fasse par égard des frères et à un frère qui ait en chapitre faussé sa conscience s'il n'en est atteint, il ne doit rien lui dire.

479. Ni le maître, ni un autre ne peut par raison mettre un frère en paix, d'une faute qui peut perdre la maison ou l'habit, et il ne doit souffrir qu'il soit mis en paix ; et s'il le fait, il le fait contre Dieu et contre sa promesse, car la justice doit être prise en chacun des frères lorsqu'il fait ce qu'il ne doit et elle doit mieux être prise au plus grand comme au petit ; car si en plus grand lieu on tient la personne, le fait est plus laid s'il fait ce qu'il ne doit faire, et comme la faute est plus grande et plus laide, on en doit mieux prendre la justice.

480. Et si un frère fait une chose pour laquelle il peut perdre la maison et que pour cette chose il est en répit, il ne peut ni ne doit porter garantie contre un autre frère, d'une grande ou d'une petite faute, tant qu'il demeure dans ce répit.

481. Nul frère qui a fait une chose pour laquelle il peut perdre la maison et qu'un frère peut l'atteindre, même qu'il fut mis en paix, ce qui ne peut être, ni ne doit, c'est de ne jamais porter garantie contre un frère d'une grande ou petite faute, ni à ne peut, ni il ne doit donner son avis, et celui qui tient le chapitre ne doit pas le lui demander ; il ne doit ni ne peut reprendre un frère d'aucune chose qu'il ait faite, ou qu'il ait vue. Car il ne doit pas être cru contre un frère d'aucune chose ; car celui qui a fait une chose par laquelle il peut perdre la maison, n'est frère du Temple, et spécialement il peut être atteint par des frères qui le savent, deux ou plus.

482. Et sachez que les frères qui savent qu'un frère a fait une chose par quoi il doit perdre la maison, ils fautent laidement s'ils le cachent, car puisqu'il a fait ce par quoi il doit perdre la maison, il ne doit demeurer à la maison de la même manière qu'un bon frère doit y demeurer, pour cela il ne ferait jamais de profit et il pourrait y avoir de grands dommages pour la maison. Et d'aucune faute par laquelle un frère doit perdre la maison puisqu'il en est atteint, on ne peut regarder à un autre frère une autre pénitence sauf celle de perdre la maison, ainsi qu'il est dessusdit de celui qui vient en chapitre, des choses qu'on lui demande quand on le fait frère et qu'il soit ensuite prouvé qu'il ait menti.

483. Si le maître ou un autre qui tient le chapitre ou ne le tienne pas met les frères en paix d'une faute qui permet de perdre la maison, il faut le faire par-devant les frères et le frère qui est mis en paix n'est pas quitte, car un frère qui sait la vérité de la chose peut et doit le reprendre, toutes les fois qu'ils sont ensemble en un chapitre ; et il peut le faire passer par la justice de la maison si on peut l'atteindre. Et un frère qui ne peut faire un frère ne doit pas souffrir qu'une faute qui touche à la maison ou à l'habit soit regardée devant lui, s'il tient le chapitre.

484. Et que tous les frères du Temple sachent que si l'habit est pris à un frère à un chapitre et qu'en ce même chapitre il lui soit rendu par la prière des frères et pour sa grande repentance, puisqu'il est allé hors de la porte de la maison où se tient ce même chapitre, il demeure sans habit deux jours, car le troisième lui est pardonné quand l'habit lui est rendu, pour la grande honte et la grande angoisse qu'il a reçues devant les frères. Et encore en ce même chapitre, avant qu'il passe devant la porte, si l'habit lui est rendu par la prière des frères, même que l'habit lui eût été pris, il demeure deux jours, et il est pardonné pour le troisième ainsi qu'il est dit ci-dessus. Mais il ne peut pas être en usage que l'habit lui soit rendu de telle manière sans sortir hors de la porte ; car quand on prend l'habit, on le prend par une demande commune des frères, et on doit le rendre par un commun égard et par une commune demande des frères qui sont en ce chapitre.

485. Et les vieux hommes de notre maison disent que quand on doit prendre l'habit à un frère, on ne lui prend pas s'il est de grande repentance et de bon comportement ; mais sachez bien que selon les coutumes de la maison, lorsque les frères ont mis égard que l'habit soit pris à un frère, il doit lui être pris ; et si les frères veulent le laisser, après, pour la grande repentance dont ils voient le frère, il convient qu'il soit aussitôt jeté dehors et que la demande en soit faite à tous ensemble; et donc si les frères s'accordent à lui laisser, ils peuvent le laisser. Et si le frère qui a perdu son habit mange au palais sans habit un repas et le jour même, il lui est rendu l'habit à un jour quand l'habit lui est rendu, car les deux autres jours lui sont pardonnés à cause de la honte qu'il a reçue premièrement par-devant les frères et ensuite devant les mêmes frères et les gens du siècle. Et s'il avait mangé de la même manière, au palais pendant vingt ou trente jours lorsque l'habit lui est rendu, il lui reste un jour, qui ne lui soit pas pardonné tant que le chapitre se tienne par celui spécialement qui a le pouvoir de le mettre en pénitence. Et nul qui ne peut faire frère, ni prendre son habit, ne peut mettre un frère en pénitence sans habit ; car il est nécessaire que celui qui met un frère en pénitence sans habit, ait le pouvoir de donner le congé, pour lui et pour son chapitre d'aller dans un autre ordre pour sauver son âme, s'il en demande ledit congé.

486. Et quand l'aumônier le veut rappeler devant les frères, il doit le dire en cette manière: « Beaux seigneurs, tel homme, ou tel sergent, ou tel chevalier, et il le nomme, qui fut notre frère est à la grande porte et requiert la maison qu'il a laissée par sa folie, et attend la merci de la maison. » Et celui qui tient le chapitre doit dire: « Beaux seigneurs frères, ne savez-vous rien que cet homme, qui fut notre frère, ait fait une chose, ni porté une autre chose hors de la maison par quoi il ne puisse ni ne doit retourner et recouvrer la maison ? » Et donc, s'il y a un frère qui sait quelque chose il doit le dire, et personne ne doit dire ce qui ne serait être la vérité.

487. Et s'il a fait une chose par laquelle il doit perdre la maison ainsi qu'il est dit ci-dessus, le frère fou sera mis dans un grand espace à la porte pour mieux reconnaître sa folie, et les prud'hommes lorsqu'il leur semblera qu'il soit bien qu'il vienne devant eux au chapitre, il se doit dépouiller tout nu en braies à la grande porte, là où il est, et il doit venir au chapitre avec une corde au cou, devant celui qui tient le chapitre et devant tous les frères et s'agenouiller devant celui qui tient le chapitre et de là il doit prier et supplier avec pleurs et avec larmes à tous les frères ensemble, et leur demander avec grande humilité qu'ils aient pitié de lui. Et donc celui qui tient le chapitre doit lui dire: « Beau frère, vous vous êtes follement comporté lorsque vous avez laissé la maison et votre ordre. » Et celui qui veut recouvrer la maison doit dire qu'il se repent beaucoup, qu'il est beaucoup malheureux et beaucoup courroucé de son fol comportement et qu'il veut s'en amender ainsi qu'il est établi dans la maison.

488. Et si le frère reconnaît son mauvais comportement et qu'il fera sa pénitence bien et bel, celui qui tient le chapitre doit le lui dire de cette manière: « Beau frère, vous savez que vous avez à faire une grande pénitence, et longue, et si vous demandez congé de vous rendre en un autre ordre pour sauver votre âme, je crois que vous en ferez votre profit. » Et s'il demande ledit congé comme il est dit ci-dessus, celui qui a le pouvoir de le mettre en pénitence, a aussi le pouvoir de lui donner le congé, avec le conseil des frères qui seront en chapitre auquel il demandera ledit congé. Et s'il ne demande pas ledit congé, on ne peut ni ne doit lui donner le congé, ni on doit lui nier qu'il ne retourne à la maison et qu'il la recouvre pour cela ; mais avant qu'il vienne au chapitre pour crier merci, on peut et on doit le mettre en long répit et le faire attendre longtemps à la porte afin qu'il puisse bien connaître sa folie et son malheur.

489. Mais pourtant, si le frère qui veut recouvrer la maison est connu par son bon comportement, les frères doivent aussitôt le faire sortir du chapitre et doivent le faire vêtir de la robe qui lui va, et doit avoir vêtu une chape sans croix, et de celle-ci il doit s'en tenir vêtu quelques jours. Et celui qui tient le chapitre doit dire et commander à l'aumônier qu'il prenne soin de lui, qu'il le fasse dormir, qu'il l'héberge dans sa maison, et qu'il lui enseigne les choses qu'il doit faire. Et puisqu'il est en pénitence, l'aumônier doit lui apprendre ce qu'il doit faire, et l'aumônier doit mettre par écrit le jour où il a commencé sa pénitence, pour que l'on s'en souvienne. Et quand il aura accompli son terme, c'est-à-dire un an et un jour, on doit aussitôt lui rendre l'habit, et on doit le lui rendre au chapitre et faire de lui comme il est dit ci-dessus. Et tout frère qui est en pénitence sans habit est quitte de l'année du service qui lui incombe, mais il ne doit toucher aucune armure.

490. Et sachez que quand un frère qui a laissé la maison vient pour recouvrer la maison, s'il laisse la maison en deçà des mers, on doit le transmettre là où il laissa la maison, et là, il doit être mis en pénitence et doit faire ainsi comme il est dit ci-dessus pour recouvrer la maison, s'il n'a pas fait une chose par laquelle il doit perdre la maison. Mais s'il laisse la maison en delà des mers et vient en deçà des mers pour crier merci et pour recouvrer la maison, on peut bien le mettre en deçà des mers en sa pénitence, s'il plait aux frères et si l'on est certain qu'il n'ait fait une chose, ni porté cette chose hors de la maison par quoi il doit la perdre.

491. Et sachez aussi que lorsqu'un frère s'en va par intention de laisser la maison, l'aumônier doit appeler un frère ou deux prud'hommes et doit aller en la place du frère qui s'en est allé et doit mettre en mémoire et en écrit tout ce qu'il trouvera de l'équipement du frère, ni plus ni moins ; parce que, quand le frère retournera par la volonté de Notre-Seigneur pour recouvrer la maison, que l'on se souvienne de ce qu'il a emporté, qu'il ne dut emporter, et spécialement que l'on sache si l'on trouve son équipement ou non quand il s'en est allé ; et de cela il en doit être fait ainsi qu'il est dit comme dessus de donner le congé, ou de le mettre en pénitence, ou de lui rendre l'habit.

492. Et quand on rend l'habit à un frère, celui qui le rend doit lui dire de cette manière: « Beau frère, si entre-temps que vous avez été en pénitence vous n'avez de rien dépassé les commandements de la maison, criez merci au premier chapitre où vous serez. » Et ce frère qui recouvre l'habit doit le faire ainsi que celui-ci le lui a commandé. Car sachez que tout frère qui est en pénitence se doit garder de laisser le commandement de la maison: faire ce qu'il doit faire mieux que s'il avait son habit ; et s'il a fauté de quelque chose, il doit s'amender quand il aura recouvré son habit au premier chapitre où il sera. Et à personne on ne doit égarder de son habit, ni parler sur son habit, s'il n'en a pas fait la faute par laquelle il peut le perdre ; car ce serait laide chose que l'on égardât à un frère telle pénitence qu'il ne la mérita pas ou telle justice que l'on ne doit, ni ne peut lui prendre selon l'établissement de la maison.

De laisser l'habit pour Dieu
493. La troisième faute que l'on puisse regarder à un frère, c'est quand on laisse l'habit pour Dieu et ce frère est à trois jours de pénitence par semaine jusqu'à ce que Dieu et les frères lui fassent crier merci et le relaxent de quelques jours ; et ce frère doit aussitôt être mis en pénitence sans répit, et il doit mener l'âne ou faire les plus vils services de la maison, c'est-à-dire de laver les écuelles de la cuisine, ou peler les aulx et les oignons, ou faire le feu, et celui qui mène l'âne doit y être pour aider à charger et à décharger, et il doit porter son manteau lacé bien étroit et doit aller aux plus humbles travaux qu'il pourra.

494. Et un frère ne doit pas avoir honte de sa pénitence de manière qu'on la lui laisse faire ; mais chacun doit avoir bien honte de faire le péché, et la pénitence doit être faite volontairement. Et ce frère à qui on laisse l'habit pour Dieu doit faire cette pénitence avant toute autre qu'il doit faire. Et s'il est malade, l'aumônier peut lui donner le repos de l'infirmerie ; et s'il était si malade qu'il convient de le faire entrer à l'infirmerie, il doit montrer son mal à l'infirmier ; et il doit le montrer au maître, ou à celui qui tient cet office, c'est le maréchal ou le commandeur des chevaliers. Et celui-ci doit assembler les frères et leur montrer la maladie du frère et demander conseil, et lorsque les frères auront entendu la maladie du frère, s'ils s'accordent à le lever, il doit leur demander s'ils s'accordent qu'il soit mis à l'infirmerie, et ils doivent s'accorder si le frère malade en a grand besoin.

495. Et donc le frère peut entrer à l'infirmerie, et là il doit se tenir comme un autre frère malade et s'aider et manger de tout ce qu'il croira que bon lui soit, comme un autre frère. Mais aussitôt qu'il sera guéri, il doit retourner à sa pénitence sans parler aux frères, et ne doit manger au palais sauf à terre, tant que Dieu et les frères lui font merci et l'aient levé de terre ; mais il peut rester à l'infirmerie et y demeurer tant qu'il ne pourra souffrir le repas du couvent.

496. Et sachez que tout ce qui est du frère en pénitence doit être levé par égard des frères, ainsi il doit entrer à l'infirmerie par égard des frères si la maladie survient, demeurant toutefois en pénitence suivant les usages de la maison, si les frères s'accordent autrement s'il est levé pour Dieu et pour sa maladie ; et il en doit être ainsi des pénitences que les frères doivent faire, ou de trois jours entiers, ou de deux jours et du troisième, ou de deux ou d'un jour. Et pour la pénitence, comme de laisser l'habit pour Dieu à un frère, on regarde le frère qui a fait quelque chose pour laquelle il pourrait et devrait perdre son habit et on pourrait le lui prendre s'il plaisait aux frères à raison. Et de cette faute qui perd l'habit on ne doit juger aux frères aucune petite pénitence, car on fait assez de bonté à ce frère puisqu'il a fait une chose par laquelle on doit et on peut lui prendre et ôter l'habit ; si on le lui laisse par Dieu, de cela il est en la merci des frères. A nul frère on ne peut tenir égard trois jours entiers s'il n'a fait une chose par quoi on puisse lui prendre l'habit.

De deux à trois jours de pénitence
497. La quatrième pénitence que l'on puisse tenir égard aux frères c'est à deux jours et au troisième la première semaine, si le troisième est nommé. Mais si le troisième jour n'est pas nommé il est à deux jours sans plus et cette pénitence peut être tenue en égard à un frère pour la plus petite chose qui dépasse le commandement de la maison. Et si le troisième jour est nommé simplement sans déterminer quel est le troisième, ce troisième doit être le lundi. Mais si les frères disent de cette manière: nous accordons à deux jours et, au troisième la première semaine au jour où il fit la faute, il doit jeûner pour le troisième n'importe quel jour sauf le dimanche. Et s'il a fait la faute le dimanche, il doit jeûner le lundi au lieu du dimanche, et s'il a fait la faute le mercredi ou le vendredi il doit jeûner le lundi pour le troisième jour ; et à quelque jour autre qu'il fasse la faute, il doit jeûner au jour où il aura fait la faute.

De deux jours de pénitence
498. La cinquième pénitence que l'on puisse tenir en égard à un frère est sans plus de deux jours ; et un frère qui est à deux jours ou au troisième la première semaine, ou à trois jours complets, doit mener l'âne et faire l'un des vils services de la maison. Et il doit faire la pénitence comme il est dit ci-dessus, et doit aller le dimanche à la discipline au commencement du chapitre avant que l'on fasse la prière. Et quand on regarde à un frère que l'on prenne au frère ce qu'on peut lui prendre sauf son habit, il doit être entendu qu'il soit à deux jours sans plus ; et cela pourrait être la plus grande pénitence que l'on donnât à un frère hors l'habit. Mais après, pour la diversité de certains mauvais frères qu'un fût mis le troisième jour la première semaine parce qu'il ne se voulait amender, ni se garder de faire ce qu'il devait faire.

499. Et le frère qui a deux jours de pénitence, ou trois jours entiers, ou même un jour, s'il est chevalier ou sergent du couvent, peut demander, quand on le punit, qu'on veille sur son équipement et, s'il est frère de métier, qu'on prenne en charge son travail et son office.

D'un jour de pénitence
500. La sixième pénitence est à un jour sans plus et le frère qui est à un jour n'en est pas tenu à l'âne, ni au travail comme il est dit ci-dessus de ceux qui sont à deux jours ou à deux jours et au troisième, ou à trois jours complets.

501. Et un frère qui est en pénitence à terre ne doit toucher les armures si ce n'est parce qu'elles se gâtent en un lieu et qu'il ne peut les réparer autrement. Et sachez que chaque frère quand il est en pénitence, doit se tenir bellement en sa place tous les jours et s'il sait travailler la charpenterie ou autre chose, il doit le faire. Et ainsi doivent se tenir tous les frères qui sont en pénitence. Et un frère, tant qu'il est en pénitence, ne doit aller à aucun appel, ni à aucun commandement qui se fasse par rassemblement des frères, mais en privé on peut leur demander conseil si besoin est. Et si un frère, ou deux, ou plus sont en pénitence et que le cri est poussé et que l'on ait besoin des frères, le chapitre peut leur prêter des chevaux et des armes sans les lever de terre et sans avoir un grand merci, mais aussitôt qu'ils seront retournés du cri ils doivent retourner à leur place comme ils étaient avant, et se tenir de la même manière qu'avant. Ni le maître, ni autres ne peut leur prêter des chevaux et des armes, ni leur donner le congé sans accord des frères, ni par eux-mêmes, ni par autres, ainsi ils n'ont pas le pouvoir de prendre leurs chevaux, ni leurs armures comme les autres frères sans le congé tant qu'ils sont en pénitence. Et sachez qu'un frère qui est à un jour ne va pas le dimanche à la discipline, comme le font ceux qui sont à deux jours ou plus.

502. Quand le maître ou celui qui en a le pouvoir veut mettre un frère en pénitence, il doit lui dire: « Beau frère, allez vous dépouiller, si vous êtes aisé », et s'il est aisé, il doit se dépouiller et après il doit venir devant celui qui tient le chapitre et doit s'agenouiller. Et alors celui qui tient le chapitre, ou qui doit prendre la discipline, doit dire: « Beau seigneur frère, voyez si votre frère vient à la discipline, priez Notre Seigneur qu'il lui pardonne ses fautes. » Et chaque frère doit ainsi faire et dire une patenôtre, et le frère chapelain, s'il est présent, doit aussi prier Notre Seigneur pour lui de la manière qu'il lui semblera bien. Et quand la prière est faite, celui qui tient le chapitre doit prendre la discipline du frère avec des courroies s'il le veut, comme il lui semblera, et s'il n'a pas de courroies, il peut prendre sa ceinture.

503. Et sachez que quand les frères font la prière en chapitre ou autre part, ils doivent être debout si ce n'est un jour où l'on fait les inclinations au moutier, mais tous les jours où l'on fait les inclinations au moutier, si le chapitre se tient, tous les frères doivent s'agenouiller à toutes les prières que l'on fait ensemble au chapitre, et à celle du début ; et au jour où l'on fait neuf leçons ils doivent s'agenouiller à la prière que l'on fait, sauf celui qui tient le chapitre, lequel doit être debout tant que la prière n'est pas faite, mais après il doit s'agenouiller quand le frère chapelain donne l'absolution ou quand il dira sa patenôtre. Et pour cela il fut établi que les frères sont à genoux pour cette prière, car le maître ou celui qui tient le chapitre les laisse seuls du pouvoir qu'il a, avant de commencer sa prière.

504. Après la prière de celui qui a tenu le chapitre, chaque frère doit dire sa confession, et le frère chapelain, après que les frères ont dit leur confession, doit faire l'absolution comme bien lui semblera. Et si le frère chapelain n'y est, quand celui qui tient le chapitre a fait sa prière, chaque frère qui est à genoux, ainsi qu'il est dit ci-dessus, doit dire une patenôtre et puis il peut s'en aller s'il veut, s'il n'y a d'autre commandement.

505. Mais si le frère qui doit être mis en pénitence dit qu'il n'est pas en aise, le maître ou le commandeur ne doit pas le forcer à entrer en pénitence si ce n'est un frère à qui on eût laissé l'habit pour Dieu, car ce frère doit entrer aussitôt en pénitence, qu'il soit sain ou malade, à moins que la maladie ne fût si grave qu'apparemment il y eût grand péril; et s'il en est de cette manière, il doit être mis à l'infirmerie par égard des frères et aussitôt qu'il sera guéri, il doit entrer en pénitence sans répit. Et si le frère qui doit entrer en pénitence dit qu'il a une maladie par quoi il ne peut entendre la discipline en chapitre, celui qui tient la place, peut l'envoyer au frère chapelain, qui doit en prendre la discipline ; et il doit être fait de la même manière de tous les frères qui ont une maladie cachée, quand on veut les mettre en pénitence, ou si le vendredi leur est tenu en égard. Et tout frère qui doit entrer en pénitence doit prendre la discipline avant de commencer sa pénitence.

506. Et sachez que chaque frère doit faire les pénitences l'une après l'autre en ordre, ainsi qu'ils en sont chargés, celle qui lui fut donnée la première et les autres ensuite de la même manière, si ce n'est un frère à qui on laissa l'habit pour Dieu, car ce frère à qui on laisse l'habit doit faire cette pénitence la première, même qu'il en ait d'autres, et il doit être aussitôt mis en pénitence sans répit, comme il est dit dessus ; ou si ce ne fût que les frères tiennent égard à un frère expressément qu'il fit premièrement la pénitence que l'on ait tenu en égard la dernière. Car maintes fois si on tient égard à un frère, pour son mauvais comportement, ou parce qu'une faute est trop laide, ou parce qu'il a coutume de fauter, qu'il soit mis aussitôt dans la pénitence qui lui a été chargée la dernière, comme la toute première. Et il doit être fait ainsi que les frères l'ont ordonné.

507. Et il doit aussitôt être mis en pénitence s'il en est aise, mais s'il n'en est pas aise, on doit le souffrir tant qu'il n'est pas guéri. Mais celui qui tient le chapitre ne peut le relaxer d'entrer aussitôt en pénitence, ni pour sa maladie, ni pour autre chose, sans en parler aux frères, ni leur demander ; mais les frères doivent le respecter tant qu'il n'est pas guéri. Mais aussitôt qu'il sera guéri, il doit le faire savoir à celui qui a le pouvoir de le mettre en pénitence ; et celui-ci doit assembler les frères après Prime, dans un lieu privé, si ce n'est un jour où l'on doit tenir le chapitre, et lorsque les frères sont assemblés ce frère doit se dépouiller comme s'il était en chapitre, et ensuite il doit venir devant celui qui a le pouvoir de le mettre en pénitence, et il doit s'agenouiller. Et aussitôt celui qui tient cet office doit dire aux frères: « Beaux seigneurs, voyez ici votre frère qui vient à la discipline, priez Notre-Seigneur qu'il lui pardonne. » Et comme ci-devant, ils doivent faire la prière et la discipline comme s'ils étaient en chapitre.

508. Et tout frère qui doit rendre la discipline au maître ou à un autre qui tient le chapitre, doit être revêtu de son manteau sauf que les attaches doivent être hors de son col quand il prend la discipline. Et tous les frères que l'on met en pénitence au jour du chapitre, on doit les mettre à la définition du chapitre, si ce n'est un frère que l'on y eût mis aussitôt que sa faute lui a été mise en égard ainsi qu'il est dit ci-dessus.

509. Et quand le maître ou un autre qui en a le pouvoir veut prendre la discipline d'un frère, il doit dire au frère, avant qu'il la prenne, lorsque la prière est faite pour lui: « Beau frère, vous repentez-vous de ce que vous avez failli en cette manière ? » et celui-ci doit répondre: « Sire oui, beaucoup. » Et le maître ou celui qui en tient lieu, doit lui dire: « Garderez-vous en vous ce qui est ci-devant ? » et le frère doit dire: « Sire, oui, s'il plaît à Dieu. » Et aussitôt il peut prendre la discipline telle comme il plaît et comme il est de coutume à la maison. Et quand il l'a prise de cette manière, il doit dire: « Allez vous vêtir »; et quand il est vêtu, il doit retourner devant lui et il doit lui dire: « Allez-vous-en dehors. » Et le commandeur peut lui dire, s'il le veut, qu'il prenne garde de son équipement, s'il est frère du couvent, et qu'il peut le laisser s'il le veut ; et s'il est frère de métier, le commandeur peut lui commander s'il le veut qu'il prenne garde de son travail.

510. Et le frère qui est en pénitence ne doit pas se démettre de son équipement ni de son travail si on ne lui commande, mais il doit dire à un frère: « Beau frère, prenez garde de notre équipement » ; et le frère à qui celui-ci aura recommandé son équipement doit le garder comme le sien ; et il doit le faire aussitôt. Et il est plus belle chose que le frère qui est en pénitence commande son équipement pour le faire garder à un frère, plutôt qu'il le garde lui-même, parce que si le maréchal ou le commandeur des chevaliers a besoin de l'équipement pour les besoins de la maison, et fasse un rang pour prendre l'équipement des frères malades, que celui à qui est commandé de garder l'équipement du frère qui est en pénitence se mette en rang pour l'équipement dont il a la garde ; et ainsi doit se mettre en rang un frère à qui on le demande, pour l'équipement dont il a la garde d'un autre frère, comme il ferait pour le sien s'il était en commandement. Et sachez que lorsqu'on commande que les frères qui ont l'équipement du frère malade se mettent en rang, les frères qui sont en pénitence doivent se mettre en rang et on peut ainsi prendre de ces frères comme de ceux qui sont à l'infirmerie.

511. Et sachez que celui qui tient le chapitre doit prendre la discipline de tous les frères qui sont en pénitence, par-devant lui, si ce n'est à cause de leur maladie ; et si le malade y est, celui qui tient le chapitre doit le transmettre au frère chapelain comme il est dit ci-dessus. Ou si un frère est mis en pénitence dans les octaves de Noël et de Pâques ou de Pentecôte, le frère chapelain devrait prendre la discipline en privé. Et si un frère chapelain est mis en pénitence, un autre frère chapelain devra en prendre la discipline. Et le frère chapelain doit prendre toutes les disciplines qu'il prend des frères, en privé, sauf celles qu'il prend le dimanche après l'évangile du frère qui est en pénitence sans habit.

512. Et chaque frère qui est en pénitence à terre avec tout son habit, doit manger sur le pan de son manteau ; et si un chien ou un chat mange avec le frère tant qu'il est à terre il doit le chasser. Et pour cela il fut établi que quand les frères mangent à terre, on met devant eux un banc ou autre chose et un frère sergent doit les garder, afin que la domesticité, ni une bête, ni autre, ne puissent leur faire de tourments. Et tant qu'un frère sera en pénitence et mange ainsi, il doit se tenir bellement et humblement du mieux qu'il pourra, et il ne doit ni rire, ni plaisanter.

513. Quand un frère est en pénitence, on doit regarder le comportement du frère, et s'il est de bon comportement en la pénitence et sans violence, les frères en doivent avoir plus facilement la merci, que d'un autre qui est d'une autre manière. Mais vous devez savoir que le maître, ni un autre qui ait le pouvoir de mettre un frère en pénitence, ne doit prendre la discipline des frères dans les octaves de Pentecôte ; mais s'il advenait que l'on tînt chapitre dans les octaves desdites fêtes et que le vendredi fût ordonné à un frère en ce chapitre, le maître ou celui qui tient sa place, doit dire à ce frère, lorsqu'il lui aura raconté l'ordre des frères, qu'il prenne la discipline du frère chapelain quand les octaves seront passées.

514. Et si les frères ordonnent à un frère qu'il soit à un jour ou à deux et au troisième, ou qu'il soit aussitôt mis en pénitence, il doit être respecté jusqu'au lundi après les octaves, et aussi celui qui lui ordonne d'avoir le même entendement. Et aussitôt celui qui a le pouvoir doit assembler les frères après Prime, et il doit mettre ce frère en pénitence, ainsi qu'il est dit ci-dessus du frère que l'on met en pénitence à un jour où l'on ne tient pas le chapitre. Et tout cela fut établi de cette manière pour l'honneur et pour la révérence du corps de Notre-Seigneur que les frères ont reçu.

515. Mais pourtant, si le frère à qui la pénitence serait ordonnée était de trop mauvais comportement, ou si sa faute était trop laide, ou si on lui a laissé l'habit pour Dieu, on pourrait bien et on devrait le mettre en pénitence dedans lesdites octaves, si les frères s'y accordaient ; mais le frère chapelain devrait lui prendre la discipline en privé, car aux jours de fêtes et aux autres jours, on doit contraindre le mauvais frère qu'il fasse sa pénitence et le corriger de sa mauvaiseté et de son mal-faire.

516. Et sachez que quand un frère crie merci en chapitre de sa faute, celui qui tient le chapitre ne doit, ni ne peut le faire retourner s'asseoir ni le retenir dedans, et aussitôt il doit le mettre dehors, ainsi qu'il est dit ci-dessus, car la règle commande que le frère qui a fauté soit soumis au jugement du maître ou de celui qui en tient la place et des frères, ceci plusieurs fois, parce que la faute est légère ou pour éviter la querelle ; et on le fait retourner s'asseoir, quoique ce soit déraisonnable.

517. Mais sachez que le maître ou un autre qui tient le chapitre s'il veut le faire retourner s'asseoir, les frères peuvent le mettre dehors, et celui qui tient le chapitre doit leur obéir, qu'il soit maître ou autre. Mais quand le maître met un frère en pénitence devant lui, nul ne peut le lever de terre sauf le maître, s'il ne le faisait par congé du maître, ni ne peut le laisser faire du service tant que le maître est présent en cet état où le frère fait sa pénitence sans congé. Mais si le maître s'en va hors de cet état, il peut pardonner le frère de son travail et des jeûnes, sauf le vendredi, lequel jour il doit jeûner tant qu'il demeure en terre ; mais de terre on ne peut le lever sans le congé du maître.

518. Et si les frères sont en herbage et ne mangent en couvent, les frères qui seront en pénitence doivent manger en la tente du maître s'il y est, et si le maître n'a pas tendu sa tente et que le maréchal ait tendu la sienne, les frères de la pénitence doivent manger dans celle-là ou dans la tente du commandeur de la terre si les autres tentes qui sont nommées n'y étaient.

519. Et chaque frère qui est en pénitence, doit venir manger quand le couvent mange et souper quand le couvent soupe, si ce n'est un jour où il jeûne et où le couvent mange deux lois, car à tel jour il ne doit manger pas tant que les nones ne soient chantées. Et quand le frère qui est en pénitence vient au palais pour manger, il doit venir à la place où il doit manger quand on commencera la bénédiction. Et si un frère qui est en pénitence veut boire de nones à complies il doit venir boire comme les autres frères qui ne sont pas en pénitence, mais quand il mangé au palais il doit boire le vin des domestiques. Et tant que les frères sont en pénitence, ils doivent boire deux ensemble dans un hanap à moins qu'il n'y eût un frère qui soit turcopole ; et s'il advient qu'un frère ne puisse souffrir le vin aussi bien que l'autre, il est dit que l'on pourrait bien leur donner un hanap chacun.

520. Et quand un frère fait bien et bellement sa pénitence et qu'il soit resté comme il semblera raisonnable à celui à qui il revient de le lever pour son bon comportement ou par prière d'un prud'homme ou par une bonne raison, celui qui en a le pouvoir doit assembler les frères lorsqu'il lui semblera bon et il doit dire aux frères: « Beaux seigneurs, tel frère a été en pieuse pénitence, et il me semblerait bien qu'il soit levé si cela vous plait. » Et s'il en a été prié par un prud'homme, il doit le dire devant les frères, et il doit nommer le prud'homme qui lui a fait cette demande. « Toutefois la justice de la maison est en Dieu et en vous, et tant que vous la maintiendrez Dieu vous maintiendra ; je vous demanderai et vous en direz ce que mieux vous semblera. » Ensuite il doit leur demander à tous, et premièrement à ceux qui valent plus et qui en savent plus. Et si la plus grande partie s'accorde au lever, tous les frères doivent s'agenouiller avant qu'on le fasse venir et ils doivent faire ensemble une courte prière pour lui, que Dieu lui donne sa grâce qu'il puisse se garder du péché.

521. Et après ils doivent se lever, et celui qui tient ce lieu, doit le faire venir devant les frères, et il doit lui dire devant tous: « Beau frère, les frères vous font une grande bonté car ils pourraient vous tenir plus longtemps dans la pénitence s'ils le voulaient, selon les usages de la maison, et ils vous lèvent maintenant de terre, et pour Dieu gardez-vous aussi bien de ce que vous ne devez faire comme s'ils vous y eussent tenu longuement. » Et aussitôt ce frère qui est levé de sa pénitence doit remercier tous les frères, et dès lors, il doit faire de lui-mème et de son équipement et des autres choses comme il le faisait avant qu'il fût mis en pénitence, et mieux s'il peut. Et maintes fois il advient que lorsque les frères sont levés de pénitence par la prière d'un prud'homme du siècle, chevalier, ou évêque ou un grand personnage, on commande aux frères qui ont été levés, qu'ils aillent les remercirer. Et il peut bien le faire s'il le veut et il peut laisser s'il le veut, et le plus honnête il me semblerait le laisser que le faire.

522. Mais sachez bien que le maître, ni un autre, n'a pouvoir de lever un frère de sa pénitence sans en parler aux frères et sans leur ordre ; et si les frères s'accordent à lever sa pénitence, qu'il soit levé par Dieu, et s'ils s'accordent tous ou la plus grande partie qu'il soit levé, le frère doit demeurer en sa pénitence tant qu'il plaira à Dieu et aux frères ; et autrement il ne doit être levé.

Du vendredi et de la discipline
523. La septième est au vendredi et à la discipline ; et au frère dont les frères ont ordonné le vendredi, il doit rendre la discipline en cette même place, tant que celui qui tient le chapitre lui aura notifié l'ordre des frères, avant qu'il retourne s'asseoir, si ce n'est à cause de sa maladie ou que l'on soit dans les octaves de Noël ou de Pâques ou de Pentecôte, car pour cette raison celui qui tient le chapitre doit le transmettre au frère chapelain, et le frère chapelain doit en prendre la discipline. Et ce frère à qui le vendredi est ordonné par le chapitre, doit jeûner au pain et à l'eau le premier vendredi qu'il lui sera aisé, et doit manger au couvent et du même pain que mangera le couvent, si ce n'est un vendredi dans les octaves des fêtes nommées car il ne jeûnera pas, mais le premier qui viendrait il doit jeûner s'il en est aise. S'il était dans un lieu où l'on ne mangeât, il pourrait manger le pain et l'eau a l'heure établie où les frères qui jeûnent doivent manger.

524. Et si le frère qui est envoyé au frère chapelain fût en un lieu où il ne peut trouver un frère chapelain, le commandeur qui serait au-dessus des autres et qui en aurait le pouvoir, assemblerait les frères après prime, et devant les frères il prendrait la discipline lorsque le frère serait amendé. Mais le commandeur et les frères qui sont présents doivent faire de la discipline et de la patenôtre et des autres choses ainsi qu'il est dessus dit que l'on doit faire aux frères que l'on met en pénitence, sauf si ce frère ne jeûne hors le vendredi qui lui a été chargé par le chapitre, ainsi qu'il est dit ci-dessus. Et sachez que toutes les disciplines que le maître, ou un autre frère, qui ne soit frère chapelain, prend, il doit les prendre devant tous les frères, hors celle du frère qui a une maladie, laquelle, s'il n'y a de frère chapelain, le maître ou un autre commandeur pourrait la prendre ; mais ils doivent la prendre en privé.

525. Et il est dit qu'un prêtre du siècle, qui sert la maison à la charité, peut prendre la discipline d'un frère, s'il n'y a un frère chapelain ; mais malgré que ce soit en cette manière, il nous semble plus belle chose que le maître ou un autre commandeur la prenne en privé, ainsi que le fait le frère chapelain, mais qu'il soit chevalier, sauf les disciplines que les frères chapelains donnent en pénitence aux frères, car celles-ci le frère chapelain doit les prendre s'il y est, et s'il n'y était pas, un autre prêtre prud'homme qui sert la maison pourrait la prendre en privé après matines ou quand il semblerait bon au frère de prendre la discipline.

A la décision du frère chapelain
526. La huitième est aux frères chapelains ; et puisque les frères ont ordonné à un frère qu'il soit au frère chapelain, il est au jugement du frère chapelain et il doit faire à son pouvoir ce que le frère chapelain lui commandera, car autrement il ne ferait l'égard des frères ni du couvent.

La réserve de la sentence
527. La neuvième est quand on met un frère en répit jusque devant le maître ou devant les autres prud'hommes de la maison. Et que tous les frères sachent que quand une faute vient en chapitre, et que la faute touche à l'habit, ou si elle est nouvelle, ou si elle est laide, ou si elle est telle que les frères ne sont pas certains de ce qu'ils doivent faire, ils doivent le mettre en répit, tant qu'ils ne le conduisent devant le maître ou devant tel prud'homme frère de la maison qui en a le pouvoir et le savoir en telle manière que ce soit selon Dieu et les usages de la maison.

528. Et sachez qu'un frère qui a un mauvais comportement on peut et on doit le mettre en répit tant que devant le maître et devant les autres prud'hommes de la maison, même pour une petite faute, pour qu'il en ait plus de honte et pour qu'il soit mieux châtié, et pour que la faute lui soit montrée de plus près. Car sachez que le maître est tenu, plus que tout autre, de prendre la faute plus près qu'un autre frère, au fol frère et à l'étourdi, qu'il lui fasse grand d'une petite faute, ainsi qu'il est dit ci-dessus jusqu'à deux jours et au troisième ; mais il doit rien prendre en plus, si la faute ne touche à l'habit ainsi qu'il est dit ci-dessus de ne lui faire aucune dureté s'il l'eût desservi, laquelle le maître peut lui faire par cela même.

529. Et si le frère est mis en répit d'une faute par ordre des frères tant que devant le maître, le frère doit crier merci de cette faute de laquelle il aura été mis en répit jusqu'au premier chapitre où viendra le maître, si le frère y est présent. Et sachez que le maître, quand il aura entendu la faute du frère, qu'elle soit grande ou petite, il doit le mettre dehors, car il ne peut, ni ne doit le faire retourner s'asseoir sans égard des frères, puisque par ordre des frères il est mis en répit ; car le premier égard des frères ne serait plus tenu, si la faute n'était plus regardée au frère pour lequel les frères avaient ordonné qu'il y fût ordonné ou jugé.

530. Et si un frère est mis en répit d'une faute dans la terre de Tripoli ou d'Antioche, tant que ce soit devant le commandeur de cette même terre, cette faute ne doit pas être mis en égard devant aucun bailli du Temple, sinon devant lui, ou devant le maître, devant lequel les frères ont ordonné que la faute soit jugée ; et de cette même manière il doit être fait de toutes les fautes qui sont mises en répit devant tous les autres baillis qui tiennent en leur province lieu de maître, parce qu'ils sont en lieu du maître.

L'aquittement
531. La dixième est quand l'on met un frère en paix ; et cet égard on peut le faire sur un frère quand il est d'avis à ceux qui ordonnent la faute, ou ce de quoi le frère a crié merci, qu'il n'a failli en rien, ni de peur, ni de moins. A ce frère qui tient l'autre pour fautif, on ne doit pas accorder qu'il soit mis en paix, car de ce même couvent qu'il l'envoie au frère chapelain, car aucun péché ne doit être sans pénitence, grande ou petite ; mais celui qui le tient de ne pas avoir failli se doit et peut accorder qu'il soit mis en paix, car ce ne serait pas belle chose qu'on le charge d'une pénitence sans péché, et sur cette chose qu'il soit mis en égard parce qu'il n'y avait aucune faute.

532. Après que les frères se sont amendés de leurs fautes ainsi qu'il est dit ci-dessus, et que leurs pénitences leur ont été ordonnées, bien et bel, selon les usages de la maison et que le chapitre est près de finir, le maître ou celui qui tient le chapitre, avant qu'il parte, doit montrer aux frères et leur apprendre comment ils doivent vivre ; et il doit leur apprendre et leur ordonner en partie les établissements, et les usages de la maison et il doit les prier et les commander qu'ils se gardent de mauvais semblants et de plus mauvais faits, et qu'ils s'efforcent et étudient de se porter de bonne manière en leur chevauchée, en leur langage, en leur ordre, en leur manger et en toutes leurs oeuvres afin que l'on puisse noter aucune superfluité d'aucune raison, et qu'ils prennent spécialement garde à leur habit et à leur robe, et qu'il n'y ait pas de désordre.

533. Après qu'il aura montré aux frères ce qui lui semblera que bon lui soit, s'il veut mettre des frères en pénitence avant qu'il parte de son chapitre, il peut bien mettre ceux qui auront des pénitences à faire, et il peut les laisser, s'il veut et s'il a besoin des frères ; mais sachez bien qu'il est plus belle chose de faire pénitence.

534. Et s'il veut mettre des frères en pénitence, il doit le dire en cette manière: « Tous ceux qui ont à faire quatre pénitences ou deux, ou de plus comme il semblera, qu'ils viennent avant s'ils sont aisés de faire pénitence. » Et tous ceux qui en ont à faire beaucoup comme il dit, doivent venir devant celui qui tient le chapitre ; et celui qui tient le chapitre doit dire aussitôt aux frères que de telle manière ils seront venus devant lui pour faire pénitence, tous ensemble. S'il lui semble bon que tous soient mis aussitôt en pénitence, ou à une partie, s'il y en a trop, ou s'il lui semblait bon d'en retenir une partie pour le profit de la maison, qu'ils aillent se dépouiller ; et ils doivent le faire. Et quand ils seront dépouillés de la façon qu'il est usé dans la maison, ils doivent retourner devant celui qui tient le chapitre et doivent s'agenouiller humblement et avec grande dévotion ; et après, aussitôt, le commandeur et les frères doivent faire la prière et la discipline ainsi qu'il est dit des frères que l'on met en pénitence.

535. Et si celui qui tient le chapitre voulait retenir des frères qui sont venus pour faire pénitence, il peut bien le faire ; et si le commandeur de la maison avec un autre qui a des frères à son commandement dit à celui qui tient le chapitre: « Beau sire, pour Dieu, souffrez-vous de mettre tel frère en pénitence autant qu'une autre fois, car j'ai un travail pour lui, pour le profit de la maison. » Et il peut en souffrir s'il le veut, et il peut le mettre en pénitence s'il le veut aussi. Mais sachez que chacun doit entendre le profit de la maison autant qu'il le peut sans dommage pour son âme, mais pour le dommage de son âme nul ne doit le faire à son escient pour aucune chose que ce soit.

536. Et sachez que toujours on doit mettre en pénitence premièrement ceux qui ont plus de pénitence à faire s'ils en sont aise ; et à nul autre dès que le chapitre est commencé on ne doit mettre des frères en pénitence, hors ceux que l'on y met par égard des frères alors que l'égard des frères leur a été donné, car il convient de les mettre aussitôt, parce que les frères les ont mis en égard, ainsi qu'il est dit ci-dessus.

537. Et sachez que lorsqu'un frère va outre-mer par le commandement de la maison, il est d'usage dans notre maison qu'avant qu'il se recueille, il doit demander au maréchal ou à celui qui est en sa place qu'il rassemble les frères, et celui-ci doit le faire ; et quand les frères sont assemblés, celui qui doit aller outre-mer doit venir devant eux et doit les prier humblement et leur requérir pour Dieu et pour Notre-Dame, que s'il a fait une chose qu'il ne dût contre eux, qu'ils le pardonnent et que par Dieu et par miséricorde, ils le fassent, et qu'ils le relaxent des pénitences qu'il a à faire, pour l'angoisse et pour le travail qui lui conviendra de souffrir et sur mer et dans les autres parties par le commandement de la maison. Et nos vieux hommes disent que les frères peuvent et doivent pardonner à ce frère toutes les pénitences qu'il aurait à faire ; et ils disent que si les frères lui pardonnent, il est quitte de toutes ces pénitences et que s'ils ne lui pardonnent pas, il n'est pas quitte.

538. Après, quand celui qui tient le chapitre a mis les frères en pénitence, ainsi qu'il est dit ci-dessus, s'il n'y a autres choses ni à dire, ni à faire, il peut bien terminer le chapitre de cette manière et doit dire: « Beaux seigneurs, nous pouvons bien fermer notre chapitre ; car, merci à Dieu, il n'y a rien sinon le bien ; à Dieu et à Notre-Dame faisons place, qu'il en soit de cette manière, et que le bien croisse toujours par Notre-Seigneur. » Et il doit dire: « Beaux seigneurs frères, vous devez savoir comment il est du pardon de notre chapitre, et de ceux qui prennent parti ou non, car sachez que ceux qui vivent ainsi qu'ils ne doivent et se sauvent de la justice de la maison et qu'ils ne s'en confessent, ni ne s'amendent de la manière qui est établie en la maison, et ceux qui tiennent les aumônes de la maison en nom propre ou de manière qu'ils ne le doivent, et ceux qui les jettent en leur nom hors de la maison à tort et à péché et par déraison, ne prennent partie au pardon de notre chapitre ni aux autres biens qui se font en notre maison.

539. « Mais ceux qui se confessent bien de leurs fautes et ne se lassent de dire ni de confesser leurs fautes par honte de la chair ni par peur de la justice de la maison, et qui sont bien repentants des choses qu'ils ont mal faites, ceux-là prennent bonne partie de la part de notre chapitre et des autres biens qui se font en notre maison ; et à ceux-ci je fais pardon comme je le puis de par Dieu et de par Notre-Dame, et par mon seigneur saint Pierre et de mon seigneur saint Paul apôtre, et de la part de notre père le pape, et par vous-mêmes qui m'en avez donné le pouvoir ; et je prie Dieu que par sa miséricorde et par l'amour de sa douce mère et par les mérites de lui et de tous les saints vous devez pardonner vos fautes ainsi qu'il pardonna à la glorieuse sainte Marie-Madeleine.

540. « Et moi, beaux seigneurs, je crie merci à vous tous ensemble et à chacun en particulier, de ce que j'ai fait ou dit envers vous des choses que je ne dusse ou que je vous ai courroucé par aventure d'une chose, que vous pour Dieu et pour sa douce mère me le devez pardonner ; et pardonnez-vous les uns aux autres pour Notre-Seigneur, que ni le courroux, ni la haine ne puissent demeurer entre vous. » Et ainsi notre Sire l'octroie par sa miséricorde, et les frères le doivent faire en cette manière qu'on leur prie et leur commande.

541. Après il doit dire: « Beaux seigneurs frères, vous devez savoir que, toutes les fois que nous quittons notre chapitre, nous devons prier Notre-Seigneur pour la paix. » Et il doit commencer sa prière du plus beau et du mieux que Dieu lui enseigna, et il doit prier spécialement pour la paix et pour l'Eglise et pour le saint royaume de Jérusalem, et pour notre maison et pour tous les bienfaiteurs de notre maison, morts ou vivants ; et tous jusqu'au dernier, ils doivent prier pour tous ceux qui sont allés de ce siècle et qui attendent la miséricorde de Notre-Seigneur, et spécialement pour ceux qui gisent en nos cimetières, et pour les âmes de nos pères et de nos mères ; que notre Sire par sa douceur leur pardonne leurs fautes et les amène prochainement au lieu du repos. Et ces prières nous devons les faire tous les jours à la fin de nos chapitres ; et si à celui qui tient le chapitre il lui semble bon de faire pius de prières c'est en sa discrétion.

542. Après, si le frère chapelain est présent il doit dire: « Beaux seigneurs, dites vos confessions avec moi. » Et ils doivent dire ainsi que le frère chapelain leur enseigna ; et quand tous auront dit leur confession, le frère chapelain doit dire l'absolution et absoudre tous les frères ainsi qu'il lui semblera bon et comme il est de coutume dans la maison. Car sachez que le frère chapelain a grand pouvoir de par notre père le pape d'absoudre les frères toutes les fois selon la qualité et la quantité de la faute. Mais si le frère chapelain n'y était, chaque frère doit dire après la prière une patenôtre et une fois le salut de Notre-Dame.

543. En quelle manière les prières des chapitres doivent se faire et en quelle manière les frères doivent être tant que les prières se font, et quand ils doivent s'agenouiller et faire les inclinations, et quand ils ne le font pas, il a bien été ordonné dessus ; pour cela nous nous en taisons maintenant.


Détails des pénalités

La perte de la maison
544. La première chose pour laquelle un frère perd la maison pour toujours est la simonie, car un frère qui est venu à la maison par simonie ne peut sauver son âme et a perdu la maison ; et celui qui le reçoit perd son habit. Car la simonie se fait par don ou par promesse que l'on fait au frère du Temple ou à un autre homme pour qu'il puisse l'aider à venir à la maison.

545. Il advint au temps du Maître frère Armand de Périgord qu'il y avait des prud'hommes qui reprirent leur conscience et demandèrent conseil aux sages, et trouvèrent qu'ils étaient venus par simonie. Ils furent d'un grand malaise de coeur, et vinrent devant le Maître frère Armand de Périgord et le lui dirent avec de grandes larmes et une grande tristesse de coeur et lui découvrirent tout leur fait. Et ledit Maître fut d'un grand malaise, car ils étaient prud'hommes et de bonne vie et de nette et bonne religion. Et ledit Maître réunit son conseil privé, composé des vieux hommes et des plus sages de la maison et ceux qui en savaient le plus sur ce fait ; et il leur commanda en vertu de l'obéissance de ne parler à personne de ce fait et de le conseiller en bonne foi et pour le profit de la maison.

546. Et ils le conseillèrent de cette manière. Ils regardèrent que les prud'hommes étaient si sages et de si bonne vie qu'il serait d'un grand dommage et d'un grand scandale pour la maison s'ils perdaient la maison. Et ils ne voulurent pas mener les choses trop tôt, et envoyèrent un frère à Rome voir le pape pour lui raconter le fait et il le supplia d'envoyer son pouvoir à l'archevêque de Césarée qui était un ami de la maison. Le pape le fit volontiers et lui envoya les lettres.

547. Et quand elles furent venues au maître, le maître prit les lettres et les envoya à l'archevêque de Césarée et il envoya aussi les dits frères qui avaient été au conseil privé du maître, et il fut fait de l'un commandeur et il lui donna le pouvoir de les faire frères par leur conseil. Ils vinrent devant l'archevêque avec les frères qui étaient à la maison par simonie et ils lui baillèrent la charte du pape ; et la charte disait qu'il absolve les dits frères de la manière que l'on doit absoudre de simonie. Et après les frères se conseillèrent et il leur dit qu'il convenait de leur laisser leur habit.

548. Ils rendirent l'habit à celui qui était leur commandeur. Et il le prit, l'archevêque les absous et ledit commandeur et lesdits frères qui étaient en sa compagnie entrèrent dans une chambre et tinrent chapitre. Là vinrent les frères qui avaient laissé leur habit et requirent pour Dieu et pour Notre Dame la compagnie de la maison ; le commandeur les mit dehors et demanda aux frères leur avis, et ils s'accordèrent à la prière de l'archevêque qui les en avait priés, et à la requête des frères. Et ils les firent frères à nouveau comme s'ils n'avaient jamais été frères.

549. Et ces choses furent faites parce qu'ils avaient été frères de la maison avec une grande piété et qu'ils étaient sages et prud'hommes, et de bonne et religieuse vie ; et l'un d'eux fut maître du Temple . Et ces choses je les ai entendues racontées par les prud'hommes qui furent en ce temps, car je ne le sais que par eux. Et si les frères avaient été de mauvais comportement, il ne leur aurait pas été fait cette bonté. Et cela même advint auprès d'un prud'homme de la maison à cause de sa bonté.

550. La seconde est si un frère découvre son chapitre à un frère du Temple et à un autre qui n'ait été dans le même chapitre. Mais si une faute est regardée en chapitre, il peut bien la raconter mais qu'aucun frère ne soit nommé ; car s'il nommait celui qui aurait demandé merci ou celui qui regarderait la faute, il en perdrait la maison , mais si le frère est mort ou avait perdu la maison, il pourrait bien le raconter et le nommer sans avoir de dommage. Et aussi quand les baillis se font par chapitre, ils ne doivent pas raconter sur lequel un tel et un tel s'est accordé, car se serait découvrir le chapitre et une grande haine pourrait surgir.

551. Aussi lorsqu'ils sont au conseil du maître, ils doivent garder pour eux quand ils font un bailli ; mais si l'on entend qu'un prud'homme fait une assignation en chapitre, on pourrait bien le nommer, mais sans qu'il touche une faute d'un frère qui est à la maison. Mais si une nouveauté se faisait en chapitre et que le maître le sache d'une manière, le maître pourrait dire en chapitre: « J'ai entendu qu'une nouveauté a été faite, et je recommande que ces choses viennent avant. » Et il peut le dire de cette manière ; mais le maître ne peut commander hors du chapitre de dire une chose qui soit faite par chapitre, mais il peut le commander par chapitre, et l'autre peut dire alors si une nouveauté a été faite.

552. Car il advint à Château-Pèlerin que frère Pierre de Montaigu qui était maître mit des frères en pénitence et puis s'en alla à Acre. Et les frères du château les levèrent de terre ; et quand le maître le sut, il tourna en arrière, et tint chapitre, et il reprit tous les frères qui s'étaient mis d'accord de lever les frères de terre et il leur fut regardé une grande faute parce qu'ils n'avaient pas le pouvoir de les lever, car le maître les avait mis.

553. La troisième est si un frère tue un chrétien ou une chrétienne il en perd la maison.

554. Car il advint à Antioche qu'un frère qui avait nom Paris et deux autres frères qui étaient en sa compagnie, firent tuer des marchands chrétiens ; la chose fut apprise par les autres et on leur demanda pourquoi ils avaient fait cette chose, et ils répondirent que c'est le péché qui leur fit faire cette chose. Et le commandeur leur fit crier merci, et ils furent mis en répit ; et la faute vint par devant le chapitre, et il leur fut ordonné de perdre la maison et qu'ils fussent fouettés à travers Antioche, à Tyr, à Sidon et à Acre. Ils furent fouettés ainsi et criaient: « Voyez ici la justice que prend la maison envers ces mauvais hommes. » Et ils furent mis en prison perpétuelle à Château-Pèlerin, et là ils moururent. Et puis il advint à Acre, à un autre frère, un même fait semblable.

555. La quatrième est le larcin qui est entendu de plusieurs manières: on tient pour larcin celui qui dérobe ou celui qui sort d'un château ou d'une maison fermée, de nuit ou de jour, par autre part que par la porte qui est ouverte, qu'il ne daigne sortir ni par dessous ni par dessus. Ou celui qui déroberait les clés ou ferait de fausses clés pour ouvrir la porte, il lui serait compté comme larcin ; car nul frère ne doit ouvrir la porte sinon comme il est d'usage dans la maison. Et si un commandeur demande à un frère sergent qui est en son commandement, qu'il lui montre les choses qui sont en son pouvoir et par son commandement, le frère doit toutes les lui montrer là où elles sont, et s'il ne le faisait pas et retint la somme de quatre deniers en plus, il en perdrait la maison.

556. Car il advint à Château-Blanc qu'un frère qui était à la bergerie, que son commandeur lui dit de lui montrer toutes les choses qu'il avait en son commandement, et le frère lui montra tout sauf une jarre de beurre et dit qu'il n'avait plus rien. Et son commandeur sut que la jarre était là et il reprit le frère. Et le frère ne peut le nier, mais il l'octroya ; et il perdit la maison.

557. Si un frère par colère et par courroux laisse la maison et emporte des choses qu'il ne doit pas emporter, il en perd la maison car c'est un larcin. Et que tous les frères du Temple sachent que lorsqu'ils laissent la maison, ils ne doivent pas emporter une chose en double. Et qu'ils ne doivent emporter ni or, ni argent, ni emmener une bête, ni aucune arme: c'est à savoir un chapeau de fer, un haubert, des chausses de fer, une arbalète, une épée, un couteau d'arme, un jupon d'arme, des espalières, une masse, une lance, des armes turques. Et brièvement qu'ils ne prennent aucune chose qui affaire aux armes et qu'il l'emporte car ils en perdraient la maison.

558. Ce sont les choses qu'ils peuvent emporter. C'est à savoir une cotte et une guarnache à pan, un jupon de vêtir, une chemise, des braies, des chausses, des souliers ou les housses sans les souliers, un chapeau de coton, la coiffe, une ceinture, et un couteau pour trancher le pain ; et toutes ces choses sont à entendre telles qu'il en est vêtu pour primes: Et il peut porter un manteau ou la chape, mais s'il lui est demandé il doit le rendre, et s'il le retient, il perd la maison ; et s'il ne lui était pas demandé, il doit le rendre après, car s'il le retenait deux nuits au plus, qu'il lui soit demandé ou non, il en perd la maison. Car ce mauvais frère qui laisse la maison et en porte l'habit, le porterait même dans les tavernes et dans les bordels et dans les mauvais lieux, et ils pourraient les mettre en gage et pourraient les vendre à de mauvaises personnes, dont la maison aurait grande honte, grande vergogne et grand scandale: et pour cela le couvent et les prud'hommes de la maison établirent que le manteau valait plus que les souliers, ou le couteau d'arme ou une masse, car pour chacune de ces choses celui qui porterait un des habits le perdrait et il en perdrait la maison.

559. Mais pour cela qu'ils ne cassent pas le premier établissement car celui qui dormirait deux nuits dehors comme il est dit ci-dessus qu'il puisse recouvrer son habit après un an et un jour. Donc, celui qui examine, s'il vient après la prime et envoie le manteau, qu'il perde la maison, car il va contre le premier établissement celui que personne ne peut déchoir si le couvent ne l'enlève ; et aussi ceux qui le disent après un jour ou après vêpres. Mais si notre conscience est telle, que celui qui tient les deux nuits et le lendemain tout le jour jusqu'à la nuit que le jour est passé à l'heure de complies, s'il revenait ou envoyait son manteau, on pourrait aussitôt lui ordonner de perdre la maison ; car aussitôt on peut lui dire qu'il l'a retenu, outre les deux nuits, un jour entier. Et la conscience pourrait se sauver et ne saurait briser les premiers établissements ; mais parce que cette faute ne fut jamais bien éclaircie, chacun doit faire selon sa conscience. Et je n'ai pas dit la nôtre, mais je ne me charge pas d'autre assentiment car je ne l'entends pas faire clairement, mais j'ai bien entendu raconter par les vieux hommes de la maison ce que j'ai dit dessus ; mais chacun doit sauver sa conscience.

560. Il advint qu'un qui avait pour nom frère Hugues laissa la maison d'Acre, et rendit toutes les choses qu'il devait rendre, sauf le manteau qu'il retint deux nuits et l'envoya le jour après. Peu de temps après il se repentit et vint crier merci à la porte ainsi qu'il est établi à la maison, et les frères lui ordonnèrent de perdre la maison. Et des frères dirent qu'il n'était pas de raison que pour le manteau il perdit la maison, s'il ne l'avait pas retenu plus qu'il ne l'avait retenu, mais de cela ils ne dirent certainement pas combien de temps il pouvait le tenir. Et un qui a fait une faute, dont on ne sait certainement pas à quelle heure il l'avait rendu: et pour cela la plus grande partie s'accorda, parce qu'il l'avait tenu plus qu'il ne devait et que les deux nuits étaient passées, et qu'ils ne savaient à quelle heure il l'avait rendu, il ne pouvait retourner à la maison. Et sachez que ceux qui ordonnèrent et maintinrent cela s'en sont maintes fois repentis de ce qu'ils regardèrent. Et si une nouveauté se fait, pour cela il n'est pas de statuts que l'on doit tenir, et on ne doit pas le maintenir ; mais si le maître et le couvent établissent la chose, cela doit être tenu.

561. Il advint qu'un frère laissa la maison à Château-Pèlerin et rendit tout son équipement et qu'après il vint crier merci à la porte ; et au maître il fit sa demande. Il y a des frères qui disent qu'il avait retenu plusieurs choses et qu'ils le savent bien, et parce qu'elles ne furent trouvées, il en perdit la maison. Et un frère est cru de tous les frères dessus, quand il laisse la maison, quand il dit qu'il a perdu son équipement par la faute du frère qui a laissé la maison.

562. Il advint qu'un frère laissa la maison à BlancheGarde et s'en alla au Crac. En chemin il perdit un arc qu'il portait ; un sergent le trouva et le rendit à son commandeur ; et le frère dit que quand il s'en alla, il avait laissé une épée à sa place, et le commandeur ne la trouva pas , puis il retourna aux frères et cria merci et il fut mis en répit par devant le maître et le couvent, et il vint par devant le chapitre général et cria merci. Et les frères ordonnèrent que pour l'épée qui était perdue à la maison et pour l'arc qui était perdu, car la maison ne l'avait pas recouvrée par lui, pour chacune de ces choses il fut ordonné qu'il perde la maison.

563. Il advint qu'un frère chapelain venait de Tripoli par mer et une maladie le prit, et de cela il mourut avant d'arriver à Beyrouth ; et le commandeur sur qui était le port, l'alla chercher et le fit enterrer. Et le commandeur prit ses vieux vêtements et l'en revêtit, puis il ouvrit les besaces du frère chapelain et prit les vêtements dans son lieu ; après il envoya au maître toute la robe, sauf une épée. Après on dit au frère qu'il ne pouvait pas le faire, et il était simple homme, et en cria merci devant le maître. Et parce qu'il ne savait pas les usages de la maison et l'avait fait en bonne foi, et qu'aucun dommage n'était intervenu, le maître pria les prud'hommes qu'ils l'égardent et qu'ils prissent la chose sur eux avant qu'elle aille en avant. Car s'ils la voulaient mettre en avant, le frère perdrait la maison: parce que quand un frère chapelain meurt dans les parties deça des mers, tous ses livres et ses vêtements et tous ses joyaux doivent venir en la main du maître, sauf la robe pour se vétir et pour dormir et les armures qui doivent aller là où elles doivent aller ; et s'il meurt dans les parties d'outre mer, elles doivent aller en la main du commandeur de qui il dépend. Et si un frère tient des choses dessus dites, on lui comptera le larcin.

564. Si un frère brise une clé ou une serrure qui ne soit en son commandement, et prend une chose sans le congé de celui de qui elle serait, et qu'il fut atteint qu'il a pris les choses, on pourrait lui compter comme larcin.

565. Si un frère met la main à autre besace et que le frère à qui elle est, dit qu'il a perdu ce qu'il y avait dedans, et qu'il peut atteindre qu'il a eu la main mise dans cette besace et qu'il peut prouver qu'il a perdu de cette besace ce qu'il a dit, il lui sera compté comme larcin.

566. Si un frère meurt et que l'on trouve de l'or et de l'argent dans ses besaces ou dans son équipement, et qu'il soit frère de couvent, ou qu'il l'eut mis hors de la maison ou caché sans congé de celui qui peut le donner, et qu'il ne le confessa pas à sa mort à son commandeur ou un une autre frère, il ne serait pas mis dans le cimetière, mais serait jeté dehors aux chiens ; et s'il était en terre, on le mettrait dehors et cela a été fait à plusieurs autres.

567. La cinquième est le complot ; car le complot est fait par deux frères ou plus. Et si deux frères s'accordent ensemble et frappent un frère ou le reprenaient de choses qui fut un mensonge, et qu'ils soient atteint qu'ils l'eussent fait en accord, ce serait tenu comme complot et ils perdraient la maison.

568. La sixième est si un frère laisse la maison et s'en va aux sarrasins, il perd la maison.

569. Il advint que frère Roger l'Allemand fut pris à Gardara et les sarrasins lui dirent qu'il se renia, et ils lui firent lever le doigt et crier la loi ; et il fut mis en prison avec les autres frères et cria merci devant les frères et dit qu'il ne savait pas ce que c'était qu'ils lui faisaient crier. Et il fut mis en répit devant le maître et le couvent, et quand il fut délivré il cria merci au Chapitre Général, et il perdit la maison pour cette chose.

570. Il advint à Saphet qu'un frère qui était à la grosse forge partit du château avec tout son équipement par intention de laisser la maison, et alla cette nuit-là dans un casal des Allemands qui était garni de sarrasins ; et le lendemain il s'en repentit et vint à Acre, le lendemain après prime, et il vint droit à notre maison, et au premier chapitre où il fut il cria merci de cette chose. Et les frères lui ordonnèrent de perdre l'habit, et aucun prud'homme parla de ce qu'il avait passé une nuit avec les sarrasins ; et si le casal fut au commandement des chrétiens et que le bailli fut chrétien, il eut perdu la maison.

571. La septième est si un frère était de mauvaise loi et n'était pas bien croyant en la loi de Jésus-Christ.

572. La huitième est si un frère faisait quelque chose contre nature et contre la loi de Notre Seigneur, il en perdrait la maison.

573. Il y avait à Château-Pèlerin des frères qui usaient de mauvais péchés et mangeaient de nuit en chambre ainsi que ceux qui étaient près du fait et d'autres frères qui l'avaient trop souffert, dirent cette chose au maître et à une partie des prud'hommes de la maison. Et le maître, avec le conseil, demanda que cette chose ne vint pas en chapitre, parce que le fait était trop laid, mais qu'ils fissent venir les frères à Acre , et lorsqu'ils furent venus, le maître mit un prud'homme en la chambre et les autres dans la chambre en sa compagnie où ils étaient, et il leur fit ôter l'habit et les mettre au gros fer. Et un des frères, qui avait comme nom frère Lucas, s'échappa de nuit et alla aux sarrasins. Et les autres deux furent envoyés à Château-Pèlerin, et l'un pensa s'échapper, il mourut, et l'autre demeura en prison très longtemps.

574. La neuvième est si un frère laisse le gonfanon et fuit par peur des sarrasins, il perd la maison. Et notre vieil homme dit, si des frères sont envoyés au service de la maison celui qui les envoie leur donne un commandeur des chevaliers et ne porte pas le gonfanon ; et il dit, que si un frère partait de son commandeur et qu'il s'enfuît par peur des sarrasins, il en perdrait la maison. Et un autre frère dit que s'il n'y a pas de gonfanon, et qu'il laisse son commandeur dans la bataille, c'est comme s'il laissait le gonfanon ; c'est bien pour cette raison qu'on peut lui regarder la maison.

575. Si des frères qui vont en service de la maison et qu'ils n'ont pas de commandeur, et qu'ils voient qu'ils seraient en péril des sarrasins, ils peuvent bien élire l'un d'eux comme commandeur et ils doivent lui être obéissants et se tenir près de lui au combat, comme si on leur avait donné un commandeur.

576. Car il advint que les tartares étaient dans ce pays ; et le maître envoya par conseil des prud'hommes douze frères à Jérusalem. Et quatre partirent de la ville au lieu d'y demeurer. Le maître ayant eu vent du péril dans lequel étaient les frères, envoya une charte au commandeur des chevaliers et aux autres frères pour qu'ils rejoignent Jaffa afin qu'ils ne fussent assaillis par les tartares. Le commandant des chevaliers ne voulut le faire ; les quatre frères dessus-dit vinrent au commandeur et ils lui dirent de faire ce que la charte du maître lui commandait, et il répondit qu'il ne partirait pas sans les frères de l'Hôpital qui étaient venus en sa compagnie. Et les trois frères prièrent le commandeur qu'il leur commanda par commandement qu'ils demeurassent en sa compagnie ; et le commandeur dit qu'il ne le ferait pas. Et sur ce des frères qui étaient les plus vieux hommes de la maison parmi eux tous lui firent indiquer qu'ils pouvaient bien s'en aller puisque le maître commandait qu'ils s'en aillent, et qu'ils n'eussent pas peur de la justice de la maison, car on ne pouvait pas regarder une faute de cela. Ces quatre s'en retournèrent, et quand ils furent devant le maître ils crièrent merci de cette chose par leur pleine volonté.

577. Et ils dirent qu'ils avaient perdu la maison parce qu'ils avaient laissé leur commandeur et leur gonfanon par peur des sarrasins. Et la plus grande partie d'eux dirent que la charte du maître était allée au commandeur et à tous les frères, qu'ils s'en vinrent et que le commandeur ne leur voulut faire commandement de demeurer, et pour cela, le plus vieil homme parmi tous leur avait asséné qu'il pourrait venir sans avoir le dommage de la maison. Et un de ces quatre frères dit qu'il avait congé de venir quand il voudrait, et le maître lui en porta garantie et aux autres il leur fut regardé une faute sans leur habit parce qu'ils n'avaient pas attendu leur commandeur. Et celui qui fit l'indication fut mis à un jour.

578. Si Dieu fait son commandement d'un des commandeurs de province, celui qui est mis à sa place doit prendre tout l'équipement avec le conseil d'une partie des prud'hommes de la maison qui sont là autour de lui, et sceller les besaces des sceaux des commandeurs qui seront là. Et la boule du commandeur qui sera mort sera mise dedans, car les besaces doivent être envoyées au maître, et tous les autres joyaux, et l'or et l'argent doivent être mis en la huche du commandeur et scellés tout comme les besaces, et faire savoir au maître qu'il fasse son commandement car toutes les choses dessus dites, doivent venir en la main du maître sans rien ôter. Mais les bêtes et la robe pour s'habiller et pour dormir et les armures sont en la volonté du commandeur d'en faire ce qu'il lui plaira ; et si les autres choses étaient retenues, il pourrait en perdre la maison.

579. Et s'il était Visiteur de par le maître et de par le couvent ainsi qu'ils doivent le faire, et que Dieu lui fit son commandement outre-mer, on doit aussi prendre ses besaces et leur mettre le sceau, et tous ses menus joyaux que l'on pourra y mettre, et qu'elles soient bien scellées par le sceau du commandeur et des autres commandeurs et envoyées au maître. Et toutes les autres choses, or et argent ou autre chose qui sont dans sa chapelle, tout doit être mis ensemble et tout doit être envoyé au maître en la terre d'outre-mer, et même les bêtes. Car toutes les choses qui sont là, sont du maître et du couvent, si ce n'était la robe de vêtement et celle pour dormir, qui doivent être données pour Dieu.

580. Il advint que maître Sanchez était commandeur du Portugal et mourut avant de terminer sa baillie. Celui qui fut mis en sa place prit une partie des choses qu'il avait envoyée et les donna à son escient au profit du Temple ; et le frère n'avait pas été longtemps en notre maison et ne savait pas la défense. Et quand le maître sut comment ce fut donné, il envoya chercher le frère et lui fit crier merci ; et, parce qu'il ne connaissait pas l'usage de la maison, le maître avec son conseil et une grande partie des prud'hommes de la maion ne voulurent pas mener la chose à ce qu'elle put être menée, car il ne savait spécialement les établissements de la maison.

581. Et quand Dieu fait son commandement d'un des commandeurs des provinces il ne peut mettre un frère en sa place tant qu'il est vivant. Et quand Dieu lui a fait son commandement, celui qui est mis à sa place doit l'envoyer dire au commandeur de la province et faire savoir aux frères la mort de leur commandeur ; et ils doivent venir et doivent élire l'un d'eux, celui qui leur plaira, quand ils seront assemblés en un lieu convenable où il les assignera à un jour nommé. Et celui qui est en la place du commandeur doit montrer le fait de leur commandeur à ces commandeurs et à celui qui tient lieu de grand commandeur jusqu'à ce que le maître aura fait son commandement; et celui qui sera mis à la place de commandeur doit faire savoir la mort de son commandeur et envoyer les choses comme il est dit ci-dessus.

582. Car il advint que frère Guillaume Foulques était commandeur d'Espagne et fut malade: étant en sa maladie il mit à sa place frère Adam. Et puis certains lui dirent qu'il faisait mal quand il laissait frère Raymond de Lunel ; et il dit: « De par Dieu je le laisse en ma place » et sur ce il mourut. Et quand il fut mort, frère Adam dit qu'il était en la place de commandeur et frère Raymond de Lunel dit qu'il y avait été avant lui, et sur ce sujet ils eurent une contestation. Et les frères de Castille et de Léon se tinrent avec frère Adam et ceux de Portugal avec frère Raymond de Lunel et chacun s'en alla en sa partie, et chacun tint un chapitre, et firent des baillis, et chacun usa des pouvoirs comme peut en user un frère qui est en la place de commandeur.

583. Et ils firent savoir au maître le fait tel qu'il était. Et le maître envoya un commandeur en Espagne et demanda à ces deux frères qu'ils vinssent dans ce pays ; et ils vinrent et crièrent merci de cette chose devant le maître et le couvent. Et le maître et le couvent virent que les deux frères avaient perdu la maison, et ils les mirent en répit parce qu'ils étaient deux prud'hommes de bonne vie et de bonne religion et que la chose était nouvelle. Après il advint que la bataille devait se faire à Gardara entre les chrétiens et les sarrasins, et nos gens étaient à Escalon. Et le maître assembla les frères après matines et leur demanda qu'ils prennent sur eux le fait de ces deux prud'hommes ; et ils le firent volontiers et leur pardonnèrent leur faute. Mais sachez qu'ils avaient perdu la maison selon nos établissements, parce qu'ils avaient usé de pouvoir dont ils ne devaient user, selon ce qui est dit dessus. Et les prud'hommes de la maison dirent que l'on pouvait bien noter cela comme un complot pour tous ceux qui avaient maintenu le fait.

584. La dixième est qu'un frère se soit rendu à la maison comme un homme lais se fait ordonner sans congé de celui qui peut le donner, il pourrait en perdre la maison. Et s'il était ordonné comme sous-diacre ou plus, et qu'il l'ait caché à sa promesse et qu'il en fut atteint, il pourrait en perdre la maison.

585. Car il advint que le Commandeur de France envoya en deçà des mers un frère qui était en sa baillie et s'était fait ordonner sous-diacre, et il vint au chapitre général qui se tint à Césarée. Et il y avait frère Guiraut de Braies et frère Hugues de Monlaur et beaucoup d'autres vieux hommes, et il fut ordonné de perdre la maison pour cette raison, qu'il s'était fait ordonner sans congé.

586. De toutes ces choses devant dites on pourrait en perdre la maison, et s'il y a d'autres directions. Il advint qu'il nous vint un frère chevalier et il y avait des frères de son pays qui dirent qu'il n'était pas fils de chevalier ni de lignage de chevalier, et ces paroles en furent si grandes pour la maison qu'il convint qu'elles vinrent devant le chapitre. Et ces frères dirent que s'il était en place il en serait atteint les frères s'accordèrent qu'on l'envoya chercher, car il était à Antioche. Et le maître l'envoya chercher et quand il fut venu au premier chapitre, il se leva et dit au maître qu'il a entendu les paroles qui ont été dites sur lui. Et le maître commanda que ceux qui avaient dit ces paroles se lèvent, et ils se levèrent et il fut noté que son père n'était pas chevalier ni de lignage de chevalier: on lui fit ôter le manteau blanc et donner le manteau brun, et il fut frère chapelain. Et celui qui le fit frère, était outre-mer, quand il vint en deçà des mers il cria merci de ce qu'il l'avait fait frère, et qu'il avait fait cela par commandement du commandeur du Poitou, lequel était mort, et il se trouva que ce fut vrai. Et si ce ne fut qu'il trouva garantie qu'il l'avait fait par commandement, et si ce n'était qu'il s'était bien comporté dans sa baillie et qu'il était prud'homme, on lui aurait ôté l'habit, parce que nul ne doit donner l'habit à celui qui n'a pas le droit de le recevoir. Et si telle chose advenait du maître, on lui pourrait bien faire comme il est dit ci-dessus. Ce sont les choses par lesquelles les frères perdent leur habit s'ils en sont atteints, dont Dieu les garde

La perte de l'habit
587. La première est, si un frère refuse le commandement de la maison et se maintient en indiscipline et ne veut faire le commandement qu'on lui fera, on doit lui ôter l'habit et le mettre en bons fers. Mais ce serait dureté de faire de cette manière, ainsi on doit le laisser refroidi de son courroux et aller à lui bellement et lui dire: « Frère, faites le commandement de la maison », c'est mieux selon Dieu. Et s'il le fait et que dommage n'est venu, de par Dieu l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Au commandement de la maison on ne doit dire « Non » mais « de par Dieu » et s'il ne le fait, on peut lui ôter l'habit et faire comme il est dit ci-dessus.

588. Il advint à Tortose que le commandeur fit un commandement à un frère, et le frère dit: « Espoir, je le ferai. » Et le commandeur fit assembler les frères, et lui fit crier merci de cette chose, et le frère dit qu'il fera le commandement. Et les frères furent tous empêchés de lui laisser 1'habit, parce qu'il n'avait octroyé le commandement à la première parole.

589. La seconde est, si un frère met la main sur un autre frère avec colère et courroux et lui fait remuer les pieds de place, et lui rompt les attaches de son manteau, 1'habit ne peut lui être laissé. Et si le coup est trop grand et laid, on peut le mettre aux fers ; et puisque le frère a été mis aux fers, il ne doit porter le gonfanon baussant, ni être en élection du maître. Et avant qu'on lui fasse crier merci de sa faute, on doit le faire absoudre. Et de même s'il avait battu un homme de religion ou un homme clerc, il doit se faire absoudre avant qu'on lui regarde sa faute.

590. La troisième est si un frère bat un chrétien ou une chrétienne avec une arme émoussée, ou une pierre ou un bâton ou avec une chose dont le coup peut le tuer ou le blesser, 1'habit est en la merci des frères.

591. Il advint à Acre que le frère Armand était commandeur de la boverie, et deux clercs prirent des pigeons qui étaient du colombier de la maison. Et le commandeur leur dit de ne plus le faire, et ils le voulurent les laisser. Et le commandeur avait un frère qui les attrapa lorsqu'ils prenaient les pigeons et le commandeur et les frères les battirent beaucoup et en blessèrent un la tête. Et les clercs en appelèrent au légat, et le Légat le montra au maître, et le maître les fit d'abord absoudre puis leur fit crier merci en chapitre, et leur habit leur fut ôté, ils furent mis aux fers et envoyés à Chypre parce que la bataille était trop laide.

592. Il advint que le couvent était à Jaffa et qu'on commanda de faire les paquets à minuit ; et des frères qui étaient en un hôtel entendirent ensemble les paroles, et un frère mit la main sur l'autre aux chevaux et il le jetta à terre, et il y eut des frères qui le virent. Et le lendemain le couvent arriva de jour à Arsuf ; ils entendirent la messe et les heures. Et frère Hugues de Monlaur était maréchal et entendit ces nouvelles ; il retint les frères à la chapelle et tint le chapitre, et il y a beaucoup de frères qui furent émerveillés, et avant tout il mit les paroles qu'il avait entendues. Le frère se leva et dit qu'il avait été battu et qu'il y avait des frères qui les avaient vu et le Maréchal demande qu'il vienne devant lui.

593. Et le frère qui avait fait cela se leva et cria merci et il l'envoya hors du chapitre et le frère chapelain avec lui, pour qu'il l'absolve; et dès qu'il eut eté absous, il revint en chapitre et le frère chapelain dit qu'il l'avait absous. Et on lui fit crier merci une autre fois comme il l'avait fait avant, et on le jeta dehors ; et il lui fut ordonné de perdre l'habit et de le mettre aux fers. Et il y eut grand débat des vieux hommes de la maison, parce que la bataille n'était qu'apparente et qu'il n'y eut pas de sang ; et les autres maintenaient que puisqu'il avait mis la main sur le frère en colère et que les choses étaient venues au chapitre, on pouvait bien le faire. Et frère Hugues de Monlaur fit indiquer que l'on pouvait bien faire selon les usages de la maison ; et le plus grand nombre s'accorda à cela et il fut mis aux fers et envoyé à Château-Pèlerin.

594. La quatrième est si un frère est atteint de coucher avec une femme et nous tenons pour atteint le frère qui est trouvé en mauvais lieu ou en mauvaise maison avec une mauvaise femme: l'habit ne peut lui rester et il doit être mis aux fers, et il ne doit jamais porter le gonfanon baussant ni être de l'élection du maître ; et il en a été fait de plusieurs.

595. La cinquième est, si un frère met sur un autre, une chose dont il puisse perdre la maison s'il en est atteint, et le frère qui aurait été repris ne l'en puisse atteindre, l'habit ne peut lui être laissé ; et puisqu'il l'a fait crier merci en chapitre, et qu'il se dédit en chapitre, l'habit est en la volonté des frères de le lui prendre ou de le lui laisser. La sixième est, si un frère demande le congé de la maison pour aller dans un autre ordre et qu'on ne veut pas le lui donner, et qu'il dise qu'il laissera la maison, son habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Note: le chapitre concernant le septième faute est illisible dans le manuscit et ne peut donc pas être retranscrit

596. La huitième est, si un frère dit qu'il va aller aux sarrasins, s'il le dit par colère et par courroux l'habit est en la merci des frères ou de le lui prendre ou de le lui laisser. La neuvième est si un frère tua ou perdit ou blessa une bête chevaline ou mulasse, l'habit est en la volonté des frères ou de le lui prendre ou de le lui laisser. La dixième est si un frère porte une chose des gens du siècle ou d'autre que du Temple, et dit que ce fut de la maison et qu'il ne fut voir, et que les seigneuries des terres ou des mers en perdissent leurs droits et leurs péages, l'habit est en la merci de Dieu et des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La onzième est si un frère qui n'a pas le pouvoir donna une bête vivante de quatre pieds, si ce ne fut un chien ou un chat, son habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

597. La douzième est, si un frère tua ou blessa ou perdit un esclave de la maison par sa faute, l'habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La treizième est si un frère fait une maison neuve de pierre et de chaux sans congé du maître ou de son commandeur, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser ; mais les autres maisons déchues il peut bien les redresser sans congé. La quatorzième est si un frère donna l'habit de la maison à qui il ne doit pas le donner, ou qui ne fut digne de l'avoir, son habit ne peut pas lui être laissé.

598. La quinzième est si un frère prête des aumônes de la maison en un lieu où la maison les perde, l'habit ne peut lui demeurer. La seizième est si un frère brisa la boule du maître ou de celui qui serait en sa place sans congé de celui qui peut le lui donner, l'habit ne peut lui être laissé. La dix-septième est si un frère qui n'a pas le pouvoir donne les aumônes de la maison aux gens du siècle ou d'autre part hors de la maison, l'habit ne peut lui être laissé. La dix-huitième est si un frère retient les rentes des gens du siècle en manière qu'il ne doit et dit qu'elles sont de la maison, et après qu'il soit atteint que ce ne soit pas vrai, l'habit ne peut lui être laissé. La dix-neuvième est si un frère prenait une chose des gens du siècle par intention pour les aider à être frère du Temple, l'habit ne peut lui être laissé, car c'est de la simonie.

599. La vingtième est si un frère refuse à un autre frère allant ou venant, le pain et l'eau de la maison, ou qu'il ne le laisse manger avec les autres frères, l'habit ne peut lui être laissé, parce que lorsqu'on le fait frère on lui promet le pain et l'eau de la maison, ce que nul ne peut lui enlever, si une faute ne l'exigeait. La vingt et unième est si un frère brisa la serrure sans congé de celui qui peut le donner, et qu'il en advenait des dommages, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

600. La vingt-deuxième est si un frère prête sa bête à un autre frère sans congé, pour mener en un lieu où il ne peut aller sans congé, et que la bête se perdit, ou se blessa, ou mourut, l'habit est en la volonté des frères, ou de lui prendre ou de lui laisser ; mais il peut bien la prêter en amusement dans la ville où il est. La vingt-troisième est, si un frère fait le dommage de la maison en conscience ou par sa faute de plus de quatre deniers, l'habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser, car tout dommage nous est interdit. Et les dommages pourraient être si grands que l'on pourrait le mettre aux fers.

601. La vingt-quatrième est si un frère chassait et qu'il arrive dommage, l'habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La vingt-cinquième est si un frère essaie une armure et qu'il advient des dommages, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

602. La vingt-sixième est si un frère passe la porte avec l'intention de laisser la maison et puis s'en repent, on pourrait aller à l'habit. Et s'il va à l'Hôpital ou en un autre lieu hors de la maison, l'habit est en la volonté des frères, et s'il dort une nuit dehors, l'habit ne doit lui être laissé.

603. Il advint que frère Georges le Masson partit d'Acre et s'en alla aux sarrasins ; le maître le sut, il envoya des frères après lui, et il fut atteint, et ils lui trouvèrent une robe d'homme séculier dessus sa propre robe ; il fut envoyé à Château-Pèlerin où il fut mis en prison et mourut.

604. Il advint que frère Hugues, un frère qui était à la cordonnerie de Saphet, son commandeur était frère Guillaume de Chartres et qu'un sergent vint demnander des souliers au caravanier de la cordonnerie, et il ne voulut les lui donner ; et le frère dit au caravanier qu'il lui donna des souliers ou qu'il lui remit les clés de l'armoire, et le caravanier dit qu'il n'en ferait rien. Alors les frères brisèrent l'armoire et prirent des souliers et les donnèrent au sergent, mais le commandeur pris mal ce geste et confisqua les souliers. Le frère implora mais il fut traduit devant le chapitre et le verdict fut de lui ôter l'habit et de l'exclure de la maison après qu'il eût restitué ce qui appartenait à l'ordre car il avait commis un larcin.

605. Il advint que le couvent était à Casal Brahim et que les frères allèrent se reposer ; et un frère prit sa masse et la jeta après un oiseau qui était sur la rive de l'eau ; la masse tomba dedans et fut perdue. Le frère cria merci de ce fait et les frères dirent qu'on pourrait lui ôter l'habit pour le dommage qui était advenu et l'habit lui fut laissé pour Dieu.

606. Il advint à Chypre qu'un homme riche avait recommandé à notre maison, son cheval qui était malade. Lorsqu'il fut guéri, le commandeur le chevaucha et il rencontra un lièvre et il courut après. Le cheval tomba et se blessa et de cette blessure il mourut. Le frère vint à Acre et cria merci au chapitre général et les frères lui regardèrent l'habit. Aucun ne le couvrit car les uns disaient que le cheval n'était pas de la maison, et les autres dirent que cela n'avait rien à voir, car il convenait que le cheval soit de la maison et qu'il n'y était pas: car on ne doit pas faire de dommage à autrui. Et le frère perdit son habit et certains dirent qu'on pourrait bien le mettre aux fers à cause de ce grand dommage.

607. Il advint qu'un frère essaya une épée à Montpellier et que l'épée se brisa ; le frère vint en deçà des mers et cria merci de cette chose, et les frères lui regardèrent l'habit et lui laissèrent pour Dieu.

608. Il advint à Sur qu'un frère avait un marc de gobelets et qu'ils tombèrent de sa main: l'un se brisa et le frère à qui étaient les gobelets les prit tous et les brisa et dit que Dieu et sa mère étaient maudits ; et le frère cria merci de ce qu'il avait fait sciemment dommage à la maison. Les frères lui regardèrent son habit parce qu'il avait causé sciemment dommage à la maison et puis le lui laissèrent pour Dieu.

609. Il advint que le commandeur de la Voûte acheta un navire chargé de froment et commanda qu'on le mit au grenier ; et le frère du grenier dit qu'il était mouillé par la mer et qu'on le mit sur la terrasse, car si on faisait ainsi il se gâterait et qu'il ne serait plus bon. Le commandeur commanda qu'il fut mis au grenier et il y fut mis. Et peu de temps après, le commandeur fit porter le froment sur la terrasse mais une grande partie était gâtée et de cela il cria merci et l'habit lui fut enlevé parce qu'il avait fait sciemment grand dommage à la maison.

610. Il advint que Jacques de Ravennes était commandeur du palais d'Acre et il prit des frères et des turcopoles et des sergents, notres et de la ville, et fit une chevauchée à Casal Robert . Et les sarrasins de la terre sortirent au cri et les déconfirent et les emportèrent ; et il cria merci de cela, et il lui fut pris l'habit et mis aux fers parce qu'il avait fait une chevauchée sans congé.

611. La vingt-septième est, si un frère du Temple porte gonfanon en fait d'armes et qu'il l'abaisse pour raison de charger et qu'il advient des dommages, l'habit est en la volonté des frères. Et s'il charge ou non et que des dommages adviennent, l'habit ne peut lui être laissé ; et le dommage pourra être si grand qu'on pourrait regarder de le mettre aux fers, que jamais il ne porte le gonfanon baussant, ni être commandeur de faits d'armes, car c'est une chose beaucoup défendue à la maison à cause du grand péril qu'il y a. Car si le gonfanon se baisse, ceux qui sont au loin ne savent pas pourquoi il s'abaisse, ou de bon gré ou de mauvais gré, car des turcs l'auraient plutôt pris ou ravi quand il est bas que lorsqu'il est haut: et les gens qui perdent leur gonfanon sont beaucoup ébahis, et pourrait avoir une grande déconfiture et c'est pour cette peur qu'il est si étroitement défendu.

612. La vingt-huitième est si un frère qui porte le gonfanon charge sans congé de celui qui peut le donner, s'il n'était pas en passe ou en un lieu qu'il ne peut avoir le congé ainsi qu'il est dit au retrait, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et le dommage pourrait être si grand que l'habit ne pourrait lui être laissé ; et il se pourrait qu'on regarde de le mettre aux fers, et que jamais il ne portât plus le gonfanon, ni ne serait commandeur en fait d'armes, ni être à l'élection du maître, car il sera mis aux fers.

613. La vingt-neuvième est si un frère qui est en fait d'armes pointe sans congé et qu'il advient des dommages, l'habit est en la merci des frères ; et les dommages pourraient être si grands que l'habit ne pourrait lui être laissé. Mais s'il voit un chrétien en péril de mort et que sa conscience le reprend qu'il peut le secourir sans dommage ainsi qu'il est dit aux retraits, il peut le faire ; en aucune autre manière aucun frère ne peut le faire, qu'il mette son habit à l'aventure.

614. Et il advint que le couvent était hébergé à Jaffa et les turcs coururent devant et avaient tendu deux embuscades à Fontaine-Barbe ; et le turcoplier sortit le premier et on lui bailla le frère Margot avec les dix frères chevaliers pour le garder ; et le turcoplier fut pris entre les deux embuscades , et il sembla aux frères qui le gardaient qu'ils voulaient poindre sur le turcoplier, et des dix frères qui le gardaient, quatre frères partirent sans congé du commandeur, et l'un n'avait pas de chapeau de fer, et ils pointèrent sur l'embuscade. Et deux de ces frères perdirent deux chevaux ; et puis les autres qui étaient restés pointèrent par congé du commandeur, et mirent les embuscades en déconfiture, et le turcoplier pointa après et mit les autres en déconfiture.

615. Et quand l'on tint le chapitre, frère Margot ne se tint pas en paix de ceux qui avaient pointé sans congé et le dit au Maréchal devant tous les frères, et les frères se levèrent et crièrent merci ; et il fut regardé à ces deux frères qui n'avaient rien perdu qu'on pourrait les laisser avec l'habit et aux deux qui perdirent les chevaux il leur fut ordonné qu'ils ne pourraient demeurer avec leur habit. Mais parce que la chose se termina bien, et que le turcoplier aurait été en aventure si cette pointe n'avait été, à ceux qui perdirent leurs chevaux on leur laissa leur habit pour Dieu et les autres deux furent à deux jours ; et Hugues de Monlaur dit que la faute avait été bien regardée.

616. Il advint à Acre que maître frère Renaud de Vichier défendit que nul frère de jardin ne mangea ni ne but l'un avec l'autre, si ce ne fut de l'eau. Et il advint en peu de temps après, que les frères des jardins et de la Grande Vigne sortirent d'Acre et s'accordèrent d'aller ensemble souper à la Grande Vigne ; et ils demeurèrent si longtemps à souper qu'il fut grand nuit, et un frère de la Grande Vigne les accompagna un peu du chemin. Et puis les deux frères s'en allèrent ensemble et le frère de la monnaie convia le frère de la Chaene. Et quand ils eurent passé le fleuve d'Acre, ils trouvèrent les sarrasins poindre sur eux et tuèrent un frère en amenant son roncin ; l'autre en fut mauvaisement navré. Les choses vinrent au chapitre et furent mises en répit jusqu'au chapitre général et aussitôt ils crièrent merci. Et il y eut un vieil homme qui dit qu'ils n'étaient pas atteints parce que ce dommage ne fut pas venu par eux.

617. Et quand la demande vint au commandeur de la terre de Tripoli, il demanda au maître s'il avait à relaxer la défense qu'il avait faite aux frères des jardins de boire et de manger ensemble, et le maître dit que non; donc le commandeur de Tripoli, dit qu'ils étaient atteints du dommage qui était advenu parce qu'ils avaient fait ce que le maître avait défendu et que pour cela il était venu les dommages. Car s'ils n'eussent mangé ensemble et que chacun s'en fut allé en son hôtel bellement et en paix, les dommages ne seraient pas venus , et pour cette raison et pour les autres qu'il dit, il fut regardé l'habit aux frères ; et frère Geoffroi de Fos maintint cette raison. Et après, parce que les frères avaient été malades et navrés mauvaisement comme à la mort, il leur fut faite cette bonté qu'on leur laissa leur habit pour Dieu.

618. Il advint à Chypre que des frères perdirent leur habit ; l'un avait pour nom Jean Bouche de Lièvre et l'autre frère Matthieu. Et frère Jean était commandeur de Bapho et dit à son commandeur qui avait nom Baudouin de Benrage, qu'il n'avait de quoi faire sa maison. Et il lui dit qu'il a vendu son froment tant qu'il n'arriva pas au prix de six cents besants d'argent et que de quatre cents il fit sa maison, et les deux cent autres il les garda jusqu'à ce qu'il les enverrais chercher. Après un temps, il envoya un frère pour qu'on lui remit les deux cents besants, et frère Jean dit qu'il les avaient mis en la dépense de la maison. Et le commandeur les envoya chercher et qu'on donna les besants ; il lui dit qu'il les avait mis et dépensés, et il ne sut dire pour quoi ; et le commandeur se courrouça et le reprit et il vint devant le chapitre de Ricordane, d'où un autre frère était regardé de perdre la maison selon les établissements de la maison. Mais pour ce que les frères avaient bonne renommee, et que par l'intention du couvent il ne les avait mis dans un mauvais lieu, ni jetés hors de la maison, et pour ce qu'il ne nia pas les besants qu'on lui laissa l'habit. Et si l'on sut des frères une méchanceté, l'habit ne leur peut demeurer, et encore si l'on eut en lui une mauvaise suspicion.

619. A l'autre frère qui avait nom frère Matthieu il advint qu'il était à la Casterie ; et le dit frère Jean Bouche de lièvre était son commandeur, et lui défendit d'éteindre une lumière que le frère faisait briller. Et quand le commandeur vint de son service, il s'aperçut que la lumière brillait encore ; et le frère Jean prit la justice du sergent, et reprit le frère de la lumière parce qu'il la faisait briller sur sa défense. Et il ne voulut crier merci à son commandeur qui tenait le chapitre avec six frères ; et parce qu'il ne voulut pas crier merci en son chapitre, il vint devant le couvent et cria merci. Et il fut ordonné à perdre l'habit, et le perdit avec frère Jean Bouche de lièvre en ce même chapitre de Ricordane.

620. Et pour cela le maître frère Pierre de Montaigu et frère Ansaud le bourguignon, dirent que puisque le frère s'est révolté dans son chapitre, debout, il peut lui enlever l'habit et le mettre aux fers, et il peut en faire autant d'un frère qui ne veut crier merci en son chapitre comme il est établi dans la maison. Et c'est à entendre, que si celui qui tient le chapitre fait son commandement à un frère, celui-ci doit crier merci de quelque faute que ce soit. Mais si un frère de couvent reprend l'un ou l'autre et qu'il ne veut crier merci, parce qu'il ne perdra pas son habit, car un frère n'est pas au commandement de l'autre, on pourrait lui regarder la faute. Et quand un frère reprend l'autre, il doit crier merci selon l'établissement de la maison, et s'il ne le veut faire celui qui tient le chapitre doit le lui commander. Et s'il reprend un autre frère, il ne sera jamais cru sur lui s'il n'a des garanties, car un frère est l'un et un frère est l'autre ; mais il se nomme frère, et il lui faut porter garantie. A celui-ci on ne peut lui regarder une faute grande ou petite sauf l'habit ; mais il peut dire « il y a des frères.... »

621. La trentième faute est si un frère laisse la maison et git deux nuits hors de la maison, il en perd son habit que devant un an et un jour il ne pourra le recouvrer. Et s'il retient les choses qui sont défendues, plus de deux nuits il en perd la maison.

622. La trente et unième est si un frère rend son habit par sa volonté et le jeta par courroux à terre et ne le voulut reprendre ni par prière ni par admonestation, et qu'un autre frère le leva avant qu'il ne prit son habit, avant un an et un jour il ne pourra le recouvrer ; s'il le prenait avant par sa volonté, il serait en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et si par aventure il ne voulait le prendre, et qu'un frère prit l'habit et le mit au cou du frère qui l'aurait rendu, le frère en perdrait le sien, car nul frère ne doit rendre l'habit ni faire frère hors du chapitre ; et celui à qui l'habit serait rendu de telle manière serait en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

623. Et toutes ces choses, sauf les deux dernières, de celui qui gît deux nuits hors de la maison et de celui qui rend l'habit par sa volonté, sont d'un an et d'un jour ainsi que nous l'avons dit dessus. Mais les autres fautes de 1'habit sont en la volonté des frères, selon comment la faute est faite et selon le comportement du frère, ou de lui prendre ou de lui laisser.

624. Si un frère du Temple est en répit d'une chose dont il peut perdre la maison ou l'habit, il ne doit être cru sur un autre frère de perdre le sien, ni porter garantie dont il put perdre la maison et son habit.

625. Il advint que des frères étaient en repos en demeure et le commandeur leur défendit d'entrer au casal. Et tant advint qu'un frère entra en la maison d'une femme, et pensa dormir avec lui cette nuit seulement et en fit son pouvoir. Et il en cria merci comme je l'ai dit devant, et son habit fut regardé , et puis ils lui laissèrent pour Dieu car il était de bonne renommée.

626. Il advint que des frères hébergés à Escalon portèrent leur équipement à la chevestrerie et qu'un frère prit le coussin d'un autre et il savait très bien que ce n'était pas le sien, et il l'emporta. Et il advint que le Maréchal assembla les frères et leur commanda qu'ils regardassent en leur place et que l'on rende l'équipement l'un à l'autre qui l'aurait ; et sur ce, le frère le tint trois mois, et cria merci comme je 1'ai dit ci-devant. Les vieux hommes se disputèrent sur ce fait, et les uns disaient qu'il était larron et les autres disaient que non. Et ils s'accordèrent parce qu'ils ne voulurent pas qu'il perdit la maison car il était bon frère, et ils lui laissèrent l'habit pour Dieu.

627. En quelque manière que le frère du Temple passe la porte avec l'intention de laisser la maison, il a perdu l'honneur, il ne doit jamais porter le gonfanon baussant, ni être à l'élection du maitre ; et s'il va à l'Hôpital ou ailleurs et revient le jour même, l'habit est en la merci de Dieu et des frères ; et s'il dort une nuit, l'habit ne doit lui être laissé au cou, et s'il en dort deux, il ne doit le recouvrer dans un an et un jour.

628. Si un frère est en pénitence, que son habit soit en la merci de Dieu et des frères, et qu'il s'en va et dorme une nuit dehors de la maison et revient en arrière en sa pénitence, lorsqu'il est levé on doit lui montrer qu'il laissa la maison ; et s'il dort deux nuits, il ne doit le recouvrer devant un an et un jour ; et il est quitte de cette pénitence et de toutes autres. Et s'il s'en va en étant en pénitence d'un an et d'un jour et qu'il vienne le jour même, l'aumônier doit le mettre dans son ancienne pénitence et il n'a rien perdu de ce qu'il a fait ; mais on doit lui montrer qu'il laissa la maison, quand il aura recouvré l'habit après l'an et le jour qu'il sera levé. Et s'il dort une nuit hors de la maison, l'aumônier ne doit pas le mettre en pénitence, car il a perdu ce qu'il avait fait avant, et il doit recommencer au début ; et à celui-ci ils ne doivent rien montrer par raison, parce qu'il recommence au début.

629. Si un frère est en l'infirmerie et que des autres frères sont en garde de ses bêtes à l'heure où va sonner prime, il en est dessaisi. Et si un frère est en pénitence et qu'il entre à l'infirmerie pour sa maladie, quand il est amendé et qu'il va à prime, il peut manger s'il veut ses trois repas, avant de retourner à sa pénitence, sans chevaucher. Et si un frère est en l'infirmerie, il peut manger ses trois repas, et s'il veut, il sortira le jour même sans congé. Si un frère est regardé pour sa faute afin de le mettre autre part en pénitence, on peut le mettre par devant les frères sans chapitre.

630. Si un frère s'en va de la maison et prend une femme pour épouse, ou se met en un autre ordre, il n'aura maintenant de dommage s'il vient redemander la maison ; mais qu'il n'emporte rien qu'il ne doit emporter, et il ne sera de rien tenu à la femme, ni à l'ordre, ni à nous aussi, car il est avenu de l'un et de aussi, car il est avenu de l'un et de l'autre. Si un commandeur qui est fait par chapitre laisse la maison, nul ne peut le mettre en pénitence sauf le maître et le couvent. Si un frère est aisé des bêtes d'un autre frère et le frère trouve ses bêtes en fait d'armes, non autre part, il les prendra comme siennes.

631. Si un frère est en la place d'un commandeur de chevaliers, il n'a pas pouvoir de donner la place du lit, ni des bêtes, mais il peut bien les traiter. Si un frère est en pénitence, il doit venir le dimanche à la discipline et il doit la rendre avant que l'on ait commencé le chapitre ; et après il doit dire: « Beaux seigneurs prions Dieu qu'il nous vienne en aide. » Et si un frère demande le congé à son chapitre de le mettre en un autre ordre, autre part, hors de la maison, il ne doit jamais porter le gonfanon baussant, ni être dans l'élection du maître.

632. Et si un homme demande à être frère, à la mort, celui qui lui donne l'habit ne doit rien lui dire, mais lui mettre dessus, quant il est bien atteint. Il peut le reprendre s'il voit qu'il trépasse ; et s'il meurt avec tout l'habit, on n'est pas tenu de dire les patenôtres que l'on doit dire pour un frère.

633. Les châtelains des châteaux sont au commandement du commandeur des chevaliers en fait d'armes, où il y a le gonfanon ; et dedans les châteaux, ils n'y sont d'aucune chose, et ils peuvent envoyer un frère de leur commandement en leur besogne, sans congé du commandeur des chevaliers. Si un frère va en la terre de Tripoli ou d'Antioche et qu'il se trouve à Sidon ou à Tripoli, le commandeur de la maison fera les commandements. Mais en fait d'armes ou si le cri se levait hors de la ville, et qu'ils y aillent, le commandeur de la maison serait au commandement du commandeur des chevaliers qui gouverne ces frères.

634. Et le commandeur qui gouverne les frères, si le Maréchal l'y met et qu'il se trouve en une autre résidence, ou à Tortose ou autre part, aux commandeurs pour le chapitre général, les frères en delà ou en deçà qui sont venus, le commandeur de la résidence fera le commandement. Mais si le commandeur de la province avait dit au nouveau commandeur de la résidence: « Vous serez commandeur de la résidence », celui qui est là, est relaxé, et celui qui vient, fait les commandements. Tous les frères baillis, quand ils entrent à l'infirmerie, il convient de présenter la boule et la bourse au commandeur par le chapitre. Et ceux qui sont nommés par le maître et par le couvent ne sont pas tenus si ce n'est par le maître et le couvent.

635. Si le commandeur des chevaliers du couvent et le commandeur du Château-Pèlerin et de Saphet ou d'autres résidences se trouvent chacun menant des frères et que le couvent n'y soit, celui qui a le plus de frères est commandeur de tous les autres.

636. Si un frère chapelain faute, il doit crier merci en son chapitre, comme les autres frères, sans s'agenouiller, et il doit faire ce que les autres frères lui ordonneront. Si un frère chapelain a laissé la maison et puis revient crier merci à la porte, il doit se dépouiller à la porte du chapitre ou en une chambre qui sera la plus près du chapitre, et venir en chapitre devant les frères et crier merci sans s'agenouiller. Et s'il n'a pas fait une chose par laquelle il ne doit pas perdre la maison, on doit le mettre en pénitence, et le frère chapelain en doit prendre la discipline, et doit être un an et un jour sans son habit ; et il doit manger à la table des domestiques sans toile, et il doit faire tous les autres jeûnes que les autres frères font et qui sont en pénitence, tant que les frères ne le relaxent.

637. Et il doit venir le dimanche à la discipline en privé au frère chapelain, et peut chanter sur une semaine, en privé, sans note. Et quand les autres frères qui sont en, pénitence, travaillent avec les esclaves, le frère chapelain doit dire son psautier au lieu du travail. Et s'il y a un frère chapelain qui soit de mauvaise vie ou qui mette la discorde entre les frères ou qui mette la discorde et le scandale dans l'Ordre, on peut plus facilement se délivrer de lui et le remettre aux mains du conseil mieux qu'un autre frère car ainsi le commanda le pape quand il nous donna des frères chapelains. Et s'il fait sa pénitence avec son habit, il doit manger à la table des turcopoles sans toile.

638. Ces exemples écrits ci-dessus furent mis pour deux choses en mémoire: l'une pour que les frères qui les entendront fassent le commandement qui leur est fait et qu'on leur dira, car de ces deux choses viennent presque tous les dommages qui adviennent aux frères car ceux qui ne gardent les commandements qu'on leur fait et ne gardent pas les défenses qui leur sont faites, et sur ces dommages s'il advenait une de ces deux choses, ils peuvent perdre l'habit. L'autre chose est que ceux qui regardent les fautes à leurs frères les sachent mieux garder, qu'ils ne chargent leurs frères plus que ceux qui regardent les fautes à leurs frères les sachent mieux garder, qu'ils ne chargent leurs frères plus qu'ils ne doivent, et qu'ils sachent garder la justice de la maison.

639. Car il est chose usée entre nous, que l'on fasse d'une grande faute une petite à un prud'homme, et à celui de fol comportement d'une petite une grande, comme il est dit avant. Mais si un prud'homme de la maison qui sera de bonne vie et de bonne religion fait un méfait d'une chose dont il peut perdre l'habit ou la maison, on peut bien le déporter, de telle manière que la justice de la maison ne soit pas corrompue ; car celui qui regarderait la faute et dirait à son avis qu'il eut perdu la maison par l'usage de la maison sachez qu'il ne peut plus regarder une autre faute. Mais s'il est si prud'homme comme il est dit ci-dessus, on pourrait bien le déporter avant qu'on lui regarde d'en perdre la maison ; c'est à savoir qu'on peut le mettre en répit et l'envoyer en privé autre part au commandement de la maison parce qu'il demeure à la maison. Et qui ne lui veut faire cette bonté, avant qu'on lui ordonne de perdre la maison, on peut le regarder à ce qu'il perde l'habit mais ils peuvent dire plus, qu'à leur avis on pourrait plus en avant de la faute, parce que les jeunes gens s'aperçoivent de la faute telle qu'elle est. Et sachez que qui a desservi à perdre la maison, il a bien desservi pour perdre l'habit. Et en autre manière on pourrait lui faire bonté sans trop corrompre l'établissement de la maison.

640. Et il advint à Château-Pèlerin que frère Baudouin de Borrages était commandeur des chevaliers, et que les turcs courussent devant le château. Et quand il fut dehors il trouva les éclaireurs qui avaient découvert les turcs et ils le prièrent de retourner en arrière, car les turcs étaient si nombreux qu'il ne le pourrait souffrir ; et il n'en voulut rien faire, et ainsi alla jusqu'à Mirla, et les turcs l'encerclèrent. Et quand il fut au milieu d'eux et qu'il ne put s'échapper, il baissa le gonfanon pour attaquer et pointer au milieu d'eux et s'en alla sur le rivage de la mer et deux frères avec lui, et les autres furent tous morts et pris, et tout l'équipement perdu. Et ledit frère Baudouin eut des amis qui le firent aller outre-mer et il y demeura tant que les choses furent oubliées ; et l'un des frères alla aussi outre-mer, et l'autre demeura au Pays, et n'eut jamais de pouvoir au Temple: ainsi passèrent les choses de ce fait.

641. Et si on ordonne à un frère de perdre l'habit, il n'est pas d'usage qu'on lui regarde autre chose, mais lui laisser l'habit pour Dieu. Si l'on ordonne à un frère deux jours et le troisième, il n'est pas de mercredi au frère chapelain, mais au moins un vendredi et d'un jour à mettre au frère chapelain. Et ces choses nous les avons entendues par nos vieux hommes.

642. Et ces choses écrites avant celui qui voudra les prendre pour exemple il le pourra, et celui qui ne voudra pas il charge sa conscience laquelle chacun est tenue de bien garder. Et qu'il ne juge son frère par haine ni par courroux, ni pour amour qu'il a pour lui il ne doit laisser à maintenir la justice de la maison ; mais selon nos prédécesseurs qui ont usé de maintenir les bonnes us et coutumes qui furent mises en la maison, selon celles-là chacun doit juger son frère. Et en telle manière leur conscience sera sauve. Dieu est le commencement de toutes choses.

Les justices de la maison
643. La première est de perdre la maison, dont Dieu garde chacun. La seconde, de perdre l'habit, dont Dieu garde chacun. La troisième, quand on laisse l'habit pour Dieu à un frère, s'il est à trois jours entiers tant que Dieu et les frères le relaxent et fassent merci d'un des jours ; et il doit être mis aussitôt en pénitence, s'il n'est sans répit. Et s'il est triste l'aumônier peut lui donner du manger de l'infirmerie. Et s'il est malade, qu'il convienne d'aller à l'infirmerie, il doit montrer sa maladie à l'aumônier et il doit le montrer au maître ou à celui qui tient cet office. Et s'il en doit demander aux frères et si les frères s'accordent au levé, qu'il soit levé de par Dieu ; et s'ils ne s'accordent pas au levé, il leur doit demander s'ils s'accordent qu'il soit mis à l'infirmerie et ils doivent s'accorder si le frère en a besoin, et de suite il doit entrer à l'infirmerie. Et dès qu'il sera guéri il doit retourner à sa pénitence sans parler aux frères. Et sachez que, tout ainsi, celui qui est en pénitence il doit être levé par l'égard des frères, il doit entrer à l'infirmerie par l'égard des frères, s'il est malade, tant comme il est en sa pénitence, selon les usages de la maison.

644. Sachez que si l'habit est pris à un frère en un chapitre et qu'en ce même chapitre il lui est rendu par la prière des frères et pour sa grande repentance, puisqu'il est allé hors du chapitre sans habit, il demeure à deux jours, car le troisième lui est pardonné pour l'habit qui lui est rendu et pour la honte qu'il a reçue devant les frères.

645. Encore disent les vieux hommes de notre maison que lorsque l'habit est regardé à un frère et qu'on lui a pris, selon sa bonne repentance et selon son bon comportement on le lui rend, parce qu'il avait mangé avant un jour sans habit, il demeure un jour sans plus. Car les deux jours sont pardonnés pour la honte qui lui est faite et qu'il a reçue devant les gens du siècle. Et le frère est quitte de toutes ces pénitences qu'il a à faire selon les usages de la maison. Et quand les frères qui sont en pénitence ne sont pas levés sitôt de terre quand on leur rend leur habit ; mais puisqu'il a mangé un repas à terre en son habit, peut lui enlever qui veut, s'il a bien fait sa pénitence et s'il ne l'a pas bien faite et en paix, on peut le tenir plus longtemps. Et que tous les frères du Temple sachent que le frère qui est un an et un jour en pénitence, et s'il meurt en la faisant, on doit lui faire comme d'un autre frère.

646. La quatrième est de deux jours et le troisième la première semaine si le troisième est nommé ; et s'il n'est pas nommé, il demeure à deux jours sans plus, mais si le troisième est nommé, il doit jeûner le jour de sa faute en quelque jour que ce fut si ce ne fut un dimanche, et s'il l'a faite un dimanche il doit jeûner le lundi, car la faute doit aller avant. Et cette faute on peut la regarder au frère de qui l'on prend tout ce que l'on peut prendre sauf son habit, c'est deux jours. Et celle-là on peut la regarder au frère pour plus petite faute lorsqu'il surpasse le commandement de la maison.

647. La cinquième est de deux jours sans plus. Et un frère qui a deux jours on peut lui dire, s'il est frère chevalier ou frère sergent de couvent, qu'il prenne garde à son équipement et à un frère de métier qu'il prenne garde à son métier. Et un frère qui est à trois jours ou à deux doit mener l'âne et faire un des vils métiers de la maison et il doit venir le dimanche à la discipline au commencement du chapitre, et ils doivent être bellement et en paix toujours à leur place et s'ils savent charpenter ou autre chose, ils peuvent bien le faire. Ainsi se doivent tenir tous les frères qui sont en pénitence à trois jours ou à deux ou à quatre ; et ils ne doivent toucher aucune armure, si ce ne fut qu'elles se gâtassent en un lieu et il ne peut faire autrement.

648. La sixième est à un jour sans plus, et celui qui est à un jour n'est pas à l'âne, ni au métier, comme il est dit ci-dessus de ceux qui sont à trois jours ou à deux. La septième est au vendredi et à la discipline, mais si le vendredi leur est ordonné en chapitre, ils ne le doivent pas jeûner dans les octaves de Noël, ni de Pâques, ni de Pentecôte, ni prendre la discipline du frère chapelain. Et si le frère est malade celui qui tient le chapitre doit lui dire qu'il prendra la discipline du frère chapelain.

649. La huitième faute est quand l'on met un frère en répit devant le maître et devant les vieux hommes de la maison pour être accusé d'une chose et dont les frères ne sont pas certains. La neuvième est quand on met un frère au frère chapelain. La dixième est quand on met en paix.

650. Que tous les frères du Temple sachent que nul frère n'a pouvoir de lever l'habit sans congé de celui qui peut le donner. Le maître, ni nul autre frère n'a pouvoir de lever un frère de pénitence sans en parler aux frères, et s'ils s'accordent pour, qu'il soit levé du congé, et s'ils ne s'accordent pas, il ne sera pas levé.

651. Si le frère qui a laissé la maison veut retourner pour recouvrer la maison, il doit être à la grande porte de la maison et doit s'agenouiller à tous les frères qui vont et viennent, et les prier par Dieu qu'ils aient pitié de lui et cela ils doivent le faire souvent. Et l'aumônier doit lui donner à manger à la porte et le doit héberger et doit le remémorer à celui qui tient le chapitre et qui a pouvoir de le mettre en pénitence. Et il doit dire devant tous les frères que « celui qui fut notre frère est à la porte et requiert la maison qu'il a laissée par sa faute, et attend la merci de la maison. » Et celui qui tient le chapitre doit dire: « Beaux seigneurs frères il y a personne de vous qui sait que tel homme qui fut notre frère et il doit le nommer par son nom, ait fait ni porté une chose pour qu'il puisse, ni ne dût recouvrer la maison ? » Et s'il ne l'a fait, il doit la recouvrer comme il est dit ci-dessus.

652. Celui qui veut recouvrer la maison doit se dépouiller tout nu, en braies à la grande porte où il est, une corde au cou, et ainsi il doit venir en chapitre, devant celui qui le tient, et s'agenouiller devant lui et devant tous les frères. Et celui qui tient le chapitre doit dire: « Beau frère, vous vous êtes follement comporté puisque vous avez laissé la maison et votre Ordre. » Et celui qui vient recouvrer la maison doit dire « qu'il est beaucoup en douleur et courroucé et qu'il s'est follement comporté mais il s'amendera volontiers comme il est établi à la maison. »

653. Et si le frère est connu d'un mauvais comportement, et qu'il ne fasse sa pénitence ni bien ni en paix, celui qui tient le chapitre doit lui dire en cette manière: « Beau frère, vous savez que vous avez à faire une grande et longue pénitence, et si vous demandez le congé d'entrer dans notre Ordre pour votre âme, je pense et je crois que vous ferez ce qui est sage, et je vous le conseillerais bien. » Et s'il demande le congé, celui qui a pouvoir de le mettre en pénitence a le pouvoir de lui donner le congé avec le conseil des frères. Et s'il ne le demande, on peut le lui donner lorsqu'il n'a pas fait une chose par laquelle il doit perdre la maison ; mais avant qu'il vienne en chapitre, on peut bien le mettre en long répit et le faire attendre longuement, pour qu'il puisse connaitre sa folie.

654. Et si le frère est connu d'un bon comportement, aussitôt ils doivent le faire sortir du chapitre et le vêtir de la robe comme il lui affaire, et puis il doit retourner en chapitre et on doit le mettre en sa pénitence et le vêtir d'une chape sans croix, car ainsi est établi l'usage de la maison. Et ils doivent dire à l'aumônier qu'il prenne garde de lui, et qu'il le fasse dormir et héberger en sa maison comme il est établi. Et puisqu'il est en pénitence, l'aumônier doit lui apprendre ce qu'il doit faire ; et si le frère qui est en pénitence est malade, l'aumônier doit lui donner ce dont il aura besoin pour sa guérison ; et il doit mettre par écrit le jour où il commence sa pénitence pour que l'on s'en souvienne.

655. Un frère qui est en pénitence ne doit être appelé en conseil ni à aucun appel des frères qui se fasse pour assembler les frères, mais en privé on peut bien lui demander conseil si besoin est. Encore disent les vieux hommes de notre maison et les prud'hommes, qu'aucune faute par laquelle les frères peuvent perdre l'habit ne se doit regarder devant aucun frère qui n'ait le pouvoir de le faire frère. Et ils disent aussi qu'aucune faute, ainsi qu'il est dit, ne doit se mettre un vendredi, car alors on doit la mettre à un jour ou à plus et ainsi disent les coutumes de la maison.

656. Si un frère est en pénitence avec tout son habit et que le cri se lève, on peut lui prêter cheval et armes pour aller en cette besogne avec les autres frères, et quand il reviendra il doit retourner en sa pénitence. Nul frère qui a laissé la maison ne doit être en élection du maitre ni porter le gonfanon baussant.


Réception dans l'ordre

657. « Beaux seigneurs frères, vous voyez bien que l'ensemble s'est accordé pour faire ce frère: s'il y avait un de vous qui sût quelque chose pour quoi il ne dut être frère avec droiture, qu'il le dise ; car la plus belle chose serait qu'il le dise avant, que lorsqu'il sera devant nous. » Et si personne ne dit rien, il doit l'envoyer chercher, et le mettre en une pièce près du chapitre ; et puis il doit lui envoyer deux prud'hommes ou trois des plus anciens de la maison et qu'ils sachent lui montrer ce qu'il convient.

658. Et quand il sera devant eux, ils doivent bien lui dire: « Frère, demandez-vous la compagnie de la maison. » S'il dit oui, ils doivent lui montrer les grandes duretés de la maison et les charitables commandements qui y sont, et toutes les duretés ainsi qu'ils le sauront montrer. Et s'il dit qu'il souffrira volontiers tout pour Dieu, et qu'il veut être serf et esclave de la maison à tout jamais, tous les jours de sa vie, ils lui doivent demander s'il a une femme épouse, ou une fiancée ; s'il ne fit aussi ni promesse à un autre ordre ; s'il n'a aucune dette à un homme du monde qu'il ne puisse payer ; et s'il est sain de corps, qu'il n'ait aucune maladie cachée, s'il n'est serf d'aucun homme.

659. Et s'il dit que non, qu'il est bien quitte de ces choses, les frères doivent entrer en chapitre et le dire au maître ou à celui qui tient sa place: « Sire, nous avons parlé à ce prud'homme qui est dehors et lui avons montré les duretés de la maison comme nous avons pu et su. Et il dit qu'il veut être serf et esclave de la maison, et de toutes ces choses que nous lui demandâmes il en est quitte et délivré ; il n'y a aucun empêchement pour qu'il puisse et doive être frère, s'il plait à Dieu et à vous et aux frères. »

660. Et le maître doit dire avant tout que s'il y avait quelqu'un qui sût autre chose, qu'il le dise, car mieux vaudrait l'entendre maintenant qu'après. Et si personne ne dit rien, il doit dire: « Voulez-vous qu*on le fasse venir de par Dieu? » et les prud'hommes: « Faites-le venir de par Dieu. » Et aussitôt ceux qui lui parlèrent doivent retourner, et ils doivent lui demander: « Etes-vous encore en votre bonne volonté ?. » Et s'il dit oui, ils doivent lui dire et enseigner comment il doit demander la compagnie de la maison. C'est qu'il doit venir en chapitre, et il doit s'agenouiller devant celui qui le tient les mains jointes, et doit dire: « Sire, je suis venu devant Dieu et devant vous et devant les frères et vous prie et vous demande par Dieu et par Notre-Darne, que vous m'accueilliez en votre compagnie et en vos bienfaits de la maison, comme celui qui à tout jamais veut être serf et esclave de la maison. »

661. Et celui qui tient le chapitre doit dire: « Beau frère, vous demandez une grande chose car de notre Ordre vous ne voyez que l'écorce qui est par dehors. Car l'écorce si c'est celle que vous voyez, d'avoir de beaux chevaux et de beaux équipements, et de bien boire et bien manger, et de belles robes, et que cela vous semble bien aise. Mais vous ne savez pas les durs commandements qui sont dedans ; car il y a une forte chose que vous, sire, de vous-même, que vous vous faites le serf d'autrui. Car à grand-peine vous ne ferez jamais la chose que vous voudrez: car si vous voulez être dans la terre en deçà des mers, on vous enverra au delà ; ou si vous voulez être à Acre, on vous enverra dans la terre de Tripoli, ou d'Antioche ou d'Arménie ; ou l'on vous enverra en Pouille, Sicile, ou en Lombardie, ou en France, ou en Bourgogne, ou en Angleterre, ou en plusieurs autres terres où nous avons des maisons et des possessions. Et si vous voulez dormir, on vous fera veiller ; et si vous voulez quelquefois veiller, on vous commandera que vous alliez reposer en votre lit. »

662. Et s'il est frère sergent et qu'il veuille être frère de couvent, on peut lui dire qu'on le mettra aux plus vils travaux que nous avons, par aventure au four, ou au moulin, ou à la cuisine, ou sur les chameaux, ou à la porcherie, ou sur plusieurs autres offices que nous avons. Et « souvent des autres durs commandements qu'on vous fera: quand vous serez à table, que vous voudrez manger, on vous commandera que vous alliez où l'on voudra, et vous ne saurez jamais où. Et pour beaucoup de paroles grondeuses que vous entendrez maintes fois il vous conviendra de souffrir. Or regardez, beau doux frère, si vous pourrez bien souffrir toutes ces duretés. »

663. Et s'il dit: « Oui, je souffrirai toutes ces choses, s'il plaît à Dieu », le maître ou celui qui tiendra le chapitre à sa place doit dire: « Beau frère, vous ne devez pas requérir la compagnie de la maison pour avoir des seigneuries ni des richesses, ni pour avoir l'aise de votre corps ni l'honneur. Mais vous le devez requérir pour trois choses: l'une pour échapper et laisser le péché de ce monde ; l'autre pour faire le service de Notre-Seigneur ; et la troisième pour être pauvre et pour faire pénitence en ce siècle, c'est pour le salut de votre âme ; et telle doit être l'intention pour laquelle vous devez demander. »

664. Et il doit lui demander: « Voulez-vous être, tous les jours de votre vie, serf et esclave de la maison ? » Et il doit dire: « Oui, s'il plaît à Dieu, sire. » « Et voulez-vous laisser votre propre volonté tous les jours de votre vie pour faire ce que votre commandeur commandera ? » et il doit dire: « Sire, oui s'il plaît à Dieu. »

665. Et le maître dira: « Or vous sortez dehors, et priez Notre-Seigneur qu'il vous conseille. » Quand il sera dehors, celui qui tient le chapitre peut dire: « Beaux seigneurs, vous voyez que ce prud'homme a grand désir de la compagnie de la maison, et dit qu'il veut être à tout jamais de sa vie, serf et esclave de la maison, et je vous ai dit autrefois que s'il y avait quelqu'un de vous qui sache une chose en lui pour quoi il ne dût être frère avec droiture, qu'il le dise, car après qu'il serait frère, il n'en serait rien cru. »

666. Et si personne ne dit rien, le maître dira: « Voulez-vous qu'on le fasse venir de par Dieu ? » Et ainsi diront les prud'hommes: « Faites-le venir de par Dieu. » Ainsi doit aller le chercher un des prud'hommes qui lui avait parlé avant, et lui montrer comme au début, comment il doit requérir la compagnie de la maison comme il l'avait requise avant.

667. Et quand il sera venu en chapitre, il doit s'agenouiller les mains jointes et doit dire: « Sire, je viens et devant Dieu et devant vous et devant les frères et vous prie et vous requiers pour Dieu et pour Notre-Dame que vous m'accueilliez en votre compagnie et aux bienfaits de la maison, spirituellement et temporellement, comme celui qui veut être serf et esclave de la maison tous les jours de sa vie. » Et celui qui tient le chapitre doit lui demander: « Avez vous bien réfléchi, beau frère, si vous voulez être serf et esclave de la maison et si vous voulez laisser votre propre volonté tous les jours pour faire celle d'autrui ? Et voulez-vous souffrir toutes les duretés que l'on vous fera ? » Il doit dire: « Sire, oui, s'il plaît à Dieu. »

668. Et puis celui qui tient le chapitre doit se lever et doit dire: « Beaux seigneurs, levez-vous debout et priez Notre-Seigneur et Madame Sainte Marie, qu'il le doit bien faire. » Et chacun doit dire une fois la patenôtre s'il leur plaît, et le frère chapelain doit dire après une oraison du Saint-Esprit. Et puis celui qui tient le chapitre doit prendre les évangiles et doit les ouvrir ; et celui qui doit être frère doit les prendre à deux mains et être à genoux. Et celui qui tient le chapitre doit lui dire: « Beau frère, les prud'hommes qui vous ont parlé, vous ont assez demandé, mais tout ce que vous avez dit à eux et à nous, toutes sont paroles vaines et oiseuses, et vous ni nous ne pourrions avoir grand dommage de choses que vous nous ayez encore dites. Mais voyez ici les saintes paroles de, Notre-Seigneur, et des choses que nous vous demanderons vous nous direz la vérité, car si vous en mentiez, vous en seriez parjure et en pourriez perdre la maison, ce dont Dieu vous garde. »

669. « Mais premièrement nous vous demandons si vous avez épousé une femme, ni une fiancee, par quoi elle peut et doit vous demander par le droit de la Sainte Eglise ; car si vous en mentiez et qu'il advenait demain ou après-demain ou plus tard qu'elle vienne et qu'elle puisse prouver que vous fussiez son baron, elle peut vous demander par le droit de la Sainte Eglise, on vous ôterait l'habit et on vous mettrait en gros fers, et on vous ferait travailler avec les esclaves. Et quand on vous aurait fait assez de honte, on vous prendrait par la main et on vous baillerait à votre femme, et vous auriez perdu la maison à tout jamais. »

670. « La seconde est si vous eussiez été dans un autre ordre, où vous eussiez fait voeu ni promesse, car si vous l'eussiez fait et l'on peut vous atteindre, et la religion vous demandât pour son frère, on vous enlèverait l'habit et on vous rendrait à la religion, et avant on vous ferait assez de honte et vous auriez perdu la compagnie de la maison à tout jamais. »

671. « La troisième est si vous tenez une dette à un homme du monde que vous ne puissiez payer ou par vous ou par vos amis sans rien mettre des aumônes de la maison, on vous ôterait l'habit et on vous rendrait au créancier, et puis la maison ne serait en rien tenue ni à vous, ni au créancier. »

672. « La quatrième est si vous êtes sain de votre corps, qu'en vous il n'y ait aucune maladie cachée sauf ce que nous voyons par dehors et s'il était prouvé être atteint que vous l'eussiez au siècle avant que vous fussiez notre frère, vous en pourriez perdre la maison, dont Dieu vous garde. »

673. « La cinquième est si vous avez promis de donner à un homme du siècle ni à un frère du Temple ni à un autre, or ou argent ni autre chose par quoi il put vous aider de venir en cette religion, car ce serait simonie, vous ne pourriez vous sauver en notre maison, vous en perdriez la compagnie de la maison. Ou si vous étiez serf d'un homme et qu'il vous demande, on vous rendrait à lui et vous auriez perdu la maison. » Et si le frère est chevalier on ne lui demande rien de cela, mais on peut lui demander s'il est fils de chevalier et de dame, et que ses pères soient de lignage de chevaliers ; et s'il est de loyal mariage. »

674. Après on doit lui demander, soit aux frères chevaliers, soit aux frères sergents, s'il est prêtre ni diacre, car s'il avait de ces ordres et qu'il le cache, il pourrait en perdre la maison. Et s'il est frère sergent, on doit lui demander s'il est chevalier. Et on doit leur demander s'ils sont excommuniés, qu'il soit frère chevalier ou frère sergent. Et puis celui qui tient le chapitre peut demander aux vieux hommes de la maison s'il y a autre chose à demander, et s'ils disent non, celui qui tient le chapitre dira: « Beau frère, de toutes ces demandes que nous vous avons faites, faites bien attention de nous avoir dit la vérité, car si vous nous aviez menti de quelque chose sur une de ces choses, vous pourriez en perdre la maison, dont Dieu vous garde. »

675. « Ecoutez, beau frère, ou entendez bien ce que nous vous dirons: vous promettez à Dieu et à Notre-Dame que tous les jours de votre vie vous serez obéissant au maître du Temple et à n'importe quel commandeur qui sera sur vous ? » Et il doit dire: « Oui, sire, s'il plaît à Dieu. » « Encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que tous les jours de votre vie vous vivrez chastement de votre corps ? » Et il doit dire: « Oui, sire, s'il plaît à Dieu. » « Encore promettez-vous à Dieu et à Notre-Dame Sainte Marie que vous, tous les jours de votre vie, vivrez sans rien en propre ? » Et il doit dire: « Oui, sire, s'il plaît à Dieu. » « Encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que vous tiendrez tous les jours de votre vie, les bons usages et les bonnes coutumes de notre maison, celles qui y sont et celles que le maître et les prud'hommes de la maison y mettront ? » Et il doit dire: « Oui, sire, s'il plait à Dieu. »

676. « Et encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que tous les jours de votre vie, vous aiderez à conquérir la sainte terre de Jérusalem avec la force et le pouvoir que Dieu vous a donnés ? » Et il doit dire: « Oui, sire, s'il plait à Dieu. » « Encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que vous ne laisserez jamais cet Ordre pour plus fort ni pour plus faible ni pour pire ni pour meilleur, si vous le faites par le congé du maître et du couvent qui en ont le pouvoir ? » Et il doit dire: « Oui, sire, s'il plaît à Dieu. » « Encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que vous ne serez jamais en un lieu ni en place où des chrétiens soient déshérités à tort ou à raison de leurs choses, ni par votre force ni par votre conseil ? » Et il doit dire: « Oui, sire, s'il plait à Dieu. »

677. « Et nous, de par Dieu et de par Notre-Dame Sainte Marie et de par monseigneur saint Pierre de Rome, et par notre père le pape et de par tous les frères du Temple, nous vous accueillons à tous les bienfaits de la maison qui ont été faits dès le commencement et qui seront faits jusqu'à la fin, et vous et votre père et votre mère et tous ceux que vous aurez accueillis dans votre lignage. Et vous aussi nous accueillez dans tous les bienfaits que vous avez faits et ferez. Et aussi nous vous promettons du pain et de l'eau et la pauvre robe de la maison et du travail assez. »

678. Et puis celui qui tient le chapitre doit prendre le manteau et doit lui mettre au cou et attacher les lacs. Et le frère chapelain doit dire le psaume que l'on dit: Ecce quam bonum et l'oraison du Saint-Esprit, et chaque frère doit dire la patenôtre. Et celui qui le fait frère doit le lever debout et le baiser sur la bouche ; et il est d'usage que le frère chapelain l'embrasse aussi. Et puis celui qui fait frère doit le faire asseoir devant lui et il doit lui dire: « Beau frère, notre sire vous a conduit à votre désir et vous a mis ainsi en belle compagnie comme est la chevalerie du Temple, par laquelle vous devez mettre grande peine en vous de garder que vous ne fassiez jamais une chose par laquelle il vous convienne de la perdre, dont Dieu vous garde. Et nous vous dirons toutes ces choses desquelles nous nous souviendrons de la faute de la maison et de l'habit après. »

679. « Ecoutez, beau frère, vous avez bien entendu les choses pour lesquelles vous pouvez perdre la maison et celles de l'habit, mais non pas toutes: vous les apprendrez et les garderez, s'il plaît à Dieu, et vous devez les demander aux frères et vous enquérir. Or, il y a des autres choses qui sont établies, que si vous les faites, il en serait pris une autre justice ; c'est que vous ne devez jamais battre un chrétien, ni toucher avec colère ni courroux ni avec le poing, ni avec la paume, ni avec le pied, ni tirer par les cheveux, ni mal dire. Et si vous le battez avec la pierre, ou avec un baton, ou avec une arme émoussée, comme je vous l'ai dit dessus, de quoi vous puissiez le tuer, le blesser d'un coup votre habit serait en la merci des frères ou de le prendre ou de le laisser. Vous ne devez jamais jurer ni de Dieu, ni de Notre-Dame, ni de saint, ni de sainte. Vous ne devez jamais prendre de service d'une femme, si ce n'était pour soigner votre corps ou par congé de celui qui peut vous le donner; ni jamais embrasser une femme, ni mère, ni soeur, ni parente que vous ayez, ni aucune femme. Vous ne devez jamais appeler un homme misérable, puant, traître, ou autres vilaines paroles, car toutes les vilaines paroles nous sont défendues et toutes courtoisies nous sont abandonnées et tous biens à faire.



680. « Ecoutez comment vous devez dormir: vous devez tous les jours dormir en chemise et en braies et en chausses de drap et ceint d'une petite ceinture ; et vous devez avoir en votre lit draps à savoir un sac pour mettre la paille et deux linceuls et au lieu d'un linceul vous pouvez avoir une étamine si le drapier veut vous la donner ; la carpite est donnée par grâce si vous trouvez qu'il vous la donne. De la robe de vêtir vous ne devez avoir plus que celle que le drapier vous donnera, et si vous l'achetez grande justice en serait prise. »

681. « Or nous vous dirons comment vous devez venir à la table et comment vous devez venir aux cheures. Vous devez venir à tous les appels de la cloche ; quand la cloche de manger sonne, vous devez venir à table et devez attendre les prêtres et les clercs pour faire la bénédiction. Et vous devez regarder s'il y a du pain et de l'eau et du sel ou ce que vous devez boire, et puis faire la bénédiction, et puis vous devez vous asseoir et trancher votre pain. Et si vous étiez en un lieu où il n'y a pas de prêtre vous devez dire une patenôtre en paix, avant que vous vous asseyiez et tranchiez votre pain, et puis vous devez manger votre pain en paix et en silence, et ce que Dieu vous aura donné ; et vous ne devez rien demander sauf du pain et de l'eau, car on ne vous promet autre chose ; et si les frères mangent autre chose, on peut en demander en privé. Mais si vous mangez chair ou poisson et qu'elle soit crue, ou mauvaise ou passée vous pouvez demander à la changer, et s'il n'y a de quoi vous donner en échange, ou de la viande des domestiques, ou de ce qu'il y aura mieux aisé, et vous vous en devez tenir apaisé et prendre patience. »

682. « Et quand vous avez mangé, vous devez aller au moutier après les prêtres et rendre grâces à Notre-Seigneur en silence, et vous ne devez parler tant que vous ayez dit une patenôtre, et les prêtres les grâces. Et s'il n'y a point de prêtre dans la maison même ou en la plus honnête place près d'ici, vous pouvez aller à votre service. Et quand vous entendrez sonner nones, vous devez y venir s'il y a un prêtre, vous devez les entendre, et s'il n'y a pas de prêtre vous devez dire quatorze patenôtres, sept pour Notre-Dame et sept pour le jour. Et aussi vous devez venir entendre les vêpres, et s'il n'y a pas de prêtre, ni d'église, vous devez dire dix-huit patenôtres, neuf pour Notre-Dame et neuf pour le jour. Et après vous devez aller souper ; et quand vous entendrez sonner la cloche des complies, vous devez venir prendre la collation de ce qu'on vous apportera, car c'est en la volonté du maître s'il veut donner du vin ou de l'eau ; et puis si vous voulez aller commander à votre domesticité, en privé vous pouvez leur commander ce qu'il vous plaira. Et quand vous serez couché vous devez dire une patenôtre. »

683. « Et quand vous entendrez sonner matines, vous devez vous lever, s'il y a un prêtre vous devez les entendre, et s'il n'y a pas de prêtre vous devez dire vingt-six patenôtres, treize pour Notre-Dame et treize pour le jour. Et puis vous devez dire trente patenôtres pour les morts et trente pour les vivants, avant que vous buviez et mangiez, ne serait-ce que de l'eau. Et vous ne devez les laisser si ce n'est pour la maladie de votre corps, que vous ne les puissiez dire, car elles nous sont établies pour nos confrères, et pour nos consoeurs, et pour nos bienfaiteurs, et pour nos bienfaitrices que Notre-Seigneur les conduise en bonne fin et leur fasse un vrai pardon. Et quand vous aurez entendu les matines s'il y a un prêtre, et s'il n'y a pas de prêtre, dites par vous, vous pouvez aller vous coucher. »

684. « Et quand vous entendrez sonner la prime et la tierce et midi, tout l'un après l'autre, s'il y a un prêtre vous l'entendez, et s'il n'y a pas de prêtre vous devez dire quatorze patenôtres, sept pour Notre-Dame et sept pour le jour ; pour tierce autant, pour midi autant, et vous devez les dire les unes après les autres avant que vous mangiez. »

685. « Et toutes les choses que je vous ai dites vous devez les dire mais vous devez dire les heures de Notre-Dame avant, celles du jour après, pour la raison que nous fûmes établis en l'honneur, de NotreDame ; et vous dites celles de Notre-Dame debout et celles du jour assis. Et si vous êtes en la maison du Temple où un frère du Temple trépasse, ou que vous mangiez du pain de cette maison où le frère mourra, vous devez dire cent patenôtres pour son âme: dans les sept jours après, quand vous le voudrez, vous devez les dire. Et si Dieu fait son commandement du maître vous devez dire deux cents patenôtres en quelque lieu que vous soyez, dans les sept jours. Et les patenôtres des morts vous ne devez pas les laisser, si ce n'était pour malaise de votre corps ou de maladie, comme il est dit ci-dessus.

686. « Or nous vous avons dit les choses que vous devez faire et desquelles vous devez vous garder, et celles de perdre la maison et celles de perdre l'habit, et des autres justices ; et si nous ne vous avons pas tout dit et que vous voudriez savoir, vous le demanderez. Et Dieu vous laisse bien dire et bien faire. »

FIN
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